2007-01-31

Après la neige, le soleil

Parc de la Gatineau

Sentier qui, autrefois, menait quelque part.
Photo: Renaud Bouret

Après le réchauffement de la planète, voici le froid sibérien. Pour ne pas faire mentir l'adage peu connu (©) « pas de douceur sans douleur, pas de bon pain sans bonne faim et pas de temps fort sans temps mort », l'annonce que la température allait remonter jusqu'à -8° aujourd'hui en a réjoui plus d'un.

Parc de la Gatineau

Ciel bleu après la tempête
Photo: Renaud Bouret

Statue monumentale d'un dieu pré-algonquin ou cliché d'un cristal de théisthène tiré d'un microscope électronique? Tous les paris sont permis.

2007-01-28

Dialogue entre une Libanaise et une Japonaise

Certains rites et tabous de nos ancêtres nous font aujourd'hui sourire, mais d'autres sont si profondément ancrés que nous ne pouvons nous résoudre à les remettre en question. Ils ont le plus souvent pour but de perpétuer la structure sociale en assignant à chacun et chacune un rang bien précis. Ils marquent généralement le passage de l'enfance à l'état d'adulte, mais le rituel d'initiation est parfois devancé ou multiplié : à l'âge de raison (première communion), voire à la naissance (baptême). Puisqu'ils sont reliés à la puberté et à la différenciation entre hommes et femmes, ces rites sont souvent de nature sexuelle, mais les tabous alimentaires ne manquent pas non plus d'intéresser de nombreux peuples.

Quelle est notre attitude face à ces rites et tabous, dont il ne reste parfois que des traces symboliques (eucharistie, initiation scolaire)? Quand ils appartiennent aux autres peuples, pas de problème : nous les considérons comme de simples curiosités tribales. Mais quand ils sont nôtres et qu'il nous coûte de nous en défaire, nous sommes bien obligés de leur trouver un fondement pseudo scientifique. C'est ce que nous avons pu constater en écoutant dialoguer une Libanaise et une Japonaise, modernes et adeptes de la rationalité. (Les expressions entre crochets ont été rajoutées par nous).

— Voici l'explication [presque officielle] du port du voile, de la circoncision et du tabou de la viande de porc. On sait que le cochon transporte de nombreux parasites, peut-être pas en Occident mais sûrement dans les pays chauds et désertiques. Bref, en interdisant la consommation de porc, on favorisait l'hygiène publique. La circoncision, en plus de ses qualités esthétiques évidentes, permettait d'éviter nombre d'infections, surtout dans des pays où l'eau était rare [on ne connaît pas le taux d'échec de ces opérations artisanales]. Quant au voile, il permettait à l'homme de vaquer à son travail sans être constamment perturbé par la vision de la femme tentatrice. On dit aussi que la chevelure est un symbole sexuel trop évident pour que la femme l'exhibe sans retenue [on ne sait trop quoi penser de la moustache en dessous du nez de l'homme].

— Jusqu'à Edo [avant l'ouverture à l'Occident, en 1867], il pouvait paraître insensé de se percer soi-même la peau, ne serait-ce que pour y loger des boucles d'oreille. Seul le samouraï pouvait se résoudre à se transpercer le corps, à la toute dernière extrémité, pour s'enlever la vie. [Par contre, on pouvait sabrer l'ennemi ou mutiler le condamné.] Dans ces conditions, la circoncision apparaît comme une pratique incompréhensible, et ses résultats plutôt choquants qu'esthétiques. Au pays du Soleil levant, il faut signaler que les tabous sexuels n'étaient pas aussi omniprésents que dans d'autres sociétés. Mais, comme ailleurs, le passage de l'enfance à la vie adulte était marqué par des rites sociaux. La jeune fille modifiait sa coiffure et adoptait le chignon. Le garçon coupait les mèches qui lui pendaient sur le front et se rasait la partie antérieure des cheveux (gempuku). [Pour prouver sa virilité nouvellement acquise, nul besoin alors de sauter d'un arbre avec une corde à la cheville (comme en Nouvelle-Guinée), ni de se décorer le visage de cicatrices (comme en Afrique centrale), ni de se faire taillader le gland (comme chez certaines tribus australiennes).] Au Japon, et dans les pays voisins, le sanglier, cet être puissant et mystérieux de la forêt, a droit à l'un des douze signes du zodiaque. Comme dans le reste de l'Extrême-Orient, le porc et la volaille sont les deux viandes les plus répandues, dans les provinces chaudes encore plus que dans les froides.

Après avoir écouté ces points de vue antipodiques, il ne nous reste plus qu'à dépister nos propres tabous, chose d'autant plus difficile que ces trucs insidieux ont l'art de rester invisibles à leurs propriétaires. Au fait que resterait-il de l'homme si on le dépouillait de tous ses rites, symboles et tabous?

2007-01-25

Les noms de lieu du Japon

Grâce aux caractères kanji, l'étymologie des noms de lieu du Japon est facilement déchiffrable. Kyōto (l'ancienne capitale), fut supplantée par Tōkyō (capitale de l'est) au début de l'ère moderne (1869). Hiroshima, située dans un delta, n'est autre que la vaste île. Le tableau ci-contre indique le nom de neuf grandes villes et des cinq principales îles (ou archipel) du Japon.

Les Chinois prononcent les noms de lieu japonais en se fiant aux caractères utilisés. Ainsi, Tōkyō se dit Dōngjīng, ce qui met en évidence sa parenté avec Běijīng (capitale du nord) et Nánjīng (capitale du sud). Demander à un Chinois s'il connaît Tōkyō ou Ōsaka ne peut que le rendre perplexe.

Au fait, quels sont ces petits machins que l'on retrouve sur les voyelles des mots japonais et chinois transcrits en alphabet latin? Dans le cas du japonais, ils signifient que la syllabe doit être allongée. En chinois, ils indiquent le ton.

Voir aussi le billet portant sur les noms de famille japonais.

2007-01-22

Le homard

Dessin de Renaud Bouret - 1986

Dessin de Renaud Bouret - 1986

Pour bien des gens, les homards sont rouges. Mais quand, par une journée ensoleillée, on plonge dans les cuvettes glacées au large de l'Acadie, on s'aperçoit que Dieu a fait les homards bleus.

À l'autre bout du monde, la crevette se dit xiā et le crabe xiè. Pour les Chinois, le homard est tout simplement une crevette-dragon.

xiā crevette
xiè crabe
龙 / 龍 lóng dragon

2007-01-18

Emportée par le vent

Emportée par le vent Paroles : Rié Mochizuki, Renaud Bouret, Albert Leduc - Musique : Renaud Bouret - 2004

Je me retourne et j'aperçois le chemin du passé
Des taches de champs dorés au creux des collines sombres
La rivière en silence glisse entre ses dunes
La route serpente et disparaît au détour de l'érablière.

La feuille emportée par le vent
Est comme la vie emportée par le temps.

Écouter le fichier midi

2007-01-15

Enseignes françaises (2)

Photo: Rié Mochizuki

Il est difficile de flâner dans les villes japonaises sans tomber sur des inscriptions en français (voir le billet précédent sur ce sujet).

L'atelier Lien Briller est un salon de coiffure.

Photo: Rié Mochizuki

Ici, en rouge: pa-ni-e (パニエ) = Panier. C'est un magasin d'alimentation. Le nom est transcrit en katakana. (Voir un tableau des alphabets katakana et hiragana.)

Photo: Rié Mochizuki

Le Grand chariot se trouve dans l'arrondissement de Rokkomichi (六甲), comme l'indiquent les deux caractères kanji inscrits au bas de la pancarte. Selon la légende, cet ancien faubourg populaire de Kōbe, fut le théâtre d'une bataille au IVe siècle. L'impératrice Jingu y aurait alors enterré six casques de guerriers. En effet, Rokkomichi signifie littéralement six-casques. Le premier de ces deux caractères (roku: six) est bien connu des adeptes des arts martiaux, puisque ceux-ci sont fiers de savoir compter jusqu'à dix en japonais.

Cette étymologie du nom de Rokkomichi est probablement aussi fausse que celle du Cap-Chat. Voir aussi le précédent message sur les enseignes françaises au Japon.

2007-01-12

César est-il né par césarienne?

César: Timbre patriotique italien de 1942 Timbre patriotique italien de 1942

C'est bien connu, un grand homme tel que César ne pouvait se contenter du destin des gens du commun, comme vous et moi. Aussi, ne manqua-t-il pas de se faire remarquer dès sa naissance… par césarienne? Et, après cette première mondiale, l'expression est restée. D'ailleurs, ça ne pouvait mieux tomber car le mot caesar est un proche parent de nos césure, ciseaux et incision. Le problème, c'est que le papa de César s'appelait lui aussi… César!

L'origine impériale de la césarienne est largement acceptée, même si elle suscite parfois quelques doutes :
— C’est par opération qu’est né Caïus Julius César (d’où le nom de “césarienne”), le 13 juillet ~100 ou ~101. (Cvm.qc.ca)
— Savez-vous que la césarienne doit son nom à Jules César, né grâce à cette opération, pratiquée pour la première fois, dit la légende? (AuFéminin.ca)
— On se trompe en disant que César serait né d’une césarienne et qu’il aurait donné ce nom à cette technique d’accouchement. En effet, d'après les textes médicaux de l'époque, cette technique n’était pratiquée alors que sur des femmes mortes en couches. (Wikipedia)

Il faut dire que cette interprétation remonte à nul autre que Pline l'Ancien (Histoire naturelle, livre VII, chapitre 9) : « Le premier des César dut son nom au fait qu'il fut extrait par incision du sein de sa mère » (primusque Caesarum a caeso matris ureri dictus). Le mot fut repris par François Rousset en 1581 dans son ouvrage : L'hysterotomotokie ou enfantement caesarien.

Or François Rousset ne pouvait ignorer l'affirmation de Pline l'Ancien. On peut donc affirmer que sans César, le mot césarienne n'existerait pas.

2007-01-09

Le plan quinquennal

En 1955, la République populaire de Chine fait paraître une série de 18 timbres sous le slogan Efforçons-nous de mener à bien le Premier plan quinquennal (努力完成第一个五年建设计划). Les caractères gravés sur les timbres utilisent la graphie traditionnelle d'avant la réforme de l'écriture.

Nous reproduisons ici quatre vignettes mettant en scène la population : cadre et ouvriers; jeunes et vieux; garçon et fille; mari et femme, mariés sur le tard, avec leur enfant unique.

Discussion du plan

讨论计划 tǎolùn jìhuà Discussion du plan

Artisanat

手工业 shǒugōngyè Artisanat

Enseignement supérieur

高等教育 gaōděng jiàoyù Enseignement supérieur

Vie pacifique

和平生活 hépíng shēnghuó Vie pacifique

2007-01-06

Enseignes françaises

Photo: Renaud Bouret Photos de Renaud Bouret et Rié Mochizuki - 2003-2007

Souvent, en déchiffrant les enseignes des rues de Kōbe, on se surprend à découvrir des mots familiers, parfois sous les traits de l'alphabet katakana. Eh oui, dans cette région, le français est synonyme de classe et de bon goût. On est loin des murs de Paris qui semble avoir honte d'être parisiens, avec leurs I Love les Bleus, leurs centers, leurs discount, leurs People et leurs collectors.

Photo: Rié Mochizuki

Là où Carrefour annonce, en Chine, sa French Bakery (il est vrai que le marketing est le plus vieux métier du monde), l'artisan japonais n'hésitera pas à afficher Boulangerie (voire Bourangerie).

Photo: Rié Mochizuki

Ici, le mot Gloire a été transcrit en alphabet syllabique katakana, sur la devanture d'une petite galerie d'art. Du premier coup d'œil, on reconnaît là un mot étranger. Lorsqu'on le prononce, gu-ro-ā-ru, ça ne peut être que du français. L'auriez-vous deviné?

Si vous voulez vous amuser à déchiffrer les pancartes, voici un tableau des alphabets katakana et hiragana.

2007-01-03

Piler le mochi

Photos prises le 30 décembre 2006

Ōsaka est une immense ville moderne, mais certains de ses quartiers ont conservé une ambiance de village. Dans certaines ruelles, on réunit encore les voisins, les collègues et les parents pour préparer le mochi en plein air, aux alentours du jour de l'an. Le mochi, qui sert à la confection de nombreux mets japonais, est une préparation à base de riz. Une fois cuit dans le four à bois, le riz glutineux est pétri dans un gros mortier.

Piler le mochi demande une certaine habileté et un cœur solide. Le bloc de riz cuit pèse plusieurs kilogrammes et le pilon a un bon mètre de long. L'essentiel du travail est fourni par les hommes, mais les enfants, garçons ou filles, sont conviés à participer. Les femmes s'occupent généralement de découper et de façonner la pâte obtenue. Pendant ce temps, on remet du riz à cuire, et l'opération peut se renouveler une douzaine de fois. Pour se réchauffer, au cours de cette journée d'hiver passée en plein air, certains ont recours au saké.

Le mochi peut être sucré ou parfumé aux… crevettes. Attention, il faut l'avaler avec prudence, c'est un véritable étouffe-chrétien.

2007-01-01

Prière du nouvel an au temple Jinja

Temple Jinja de Nishinomiya - Photo de Rié Mochizuki La foule va prier au temple Jinja de Nishinomiya pour la nouvelle année 2007.

Le premier janvier, de nombreux Japonais se rendent au temple Shintō pour prier. Ici, la foule se presse au temple de Nishinomiya, à Kōbe.

西宮神社
Nishinomiya Jinja
Littéralement : ouest-palais dieu-temple

Temple Jinja de Nishinomiya - Photo de Rié Mochizuki

La corde en paille de riz, nommée shimenawa marque la frontière de l'enceinte sacrée. Au temple, on achète des omikuji, petits billets pliés qui contiennent des prédictions. Les meilleurs contiennent des daikichi (très bonne chance), les pire des daikyo (très mauvaise chance). On attache ces billets à une branche pour favoriser la chance ou conjurer le mauvais sort.

成田山
Naritasan