tag:blogger.com,1999:blog-365176102024-02-19T02:01:12.677-05:00Les carnets de Bái LìdéBái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.comBlogger319125tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-47919456576486475942022-04-06T09:19:00.007-04:002022-04-06T09:39:28.045-04:00La démarche scientifique : Expériences concrètes<h4>Expériences sur le chat de la maison</h4>
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À l’heure où le bas peuple se méfie de la science, du moins de celle de ses dirigeants (que l’on ne peut pourtant guère accuser d’incompétence ni de partialité), il nous a semblé utile de rappeler quelques principes fondamentaux qui sous-tendent la démarche scientifique.
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Comme on le sait, la démarche scientifique est souvent constituée d’observations et d’expériences, qui viennent confirmer, infirmer ou raffiner les conclusions tirées d’observations et d’expériences antérieures. Pour illustrer cette démarche, nous avons fait appel au chat de la maison, qui nous est très attaché (il ronronne dès qu’il nous voit).
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<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgg0kukc1zUeNW9WdPbtB173b94EJcrCTwWODX-2TJisaJSTIbeCk5gg8eRuALyeZzO5oLbiSPaZ2V74NOBGfywruxZ2wl-JSfU6QEsb6CyT7Jt6K0wDFdPxy99DsVqJSc9a1TI5g2lF0R-5vI6rtaQKmoXYQthxUJPBfoIMW4pOk36kVOYVA/s512/Neko-080204-006-r4-plume.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="320" data-original-height="384" data-original-width="512" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgg0kukc1zUeNW9WdPbtB173b94EJcrCTwWODX-2TJisaJSTIbeCk5gg8eRuALyeZzO5oLbiSPaZ2V74NOBGfywruxZ2wl-JSfU6QEsb6CyT7Jt6K0wDFdPxy99DsVqJSc9a1TI5g2lF0R-5vI6rtaQKmoXYQthxUJPBfoIMW4pOk36kVOYVA/s320/Neko-080204-006-r4-plume.jpg"/></a></div>
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• En principe, lorsque sa maîtresse lui tend son bol de nourriture en disant « chōdai » (« donne », en japonais), le chat de la maison pose la patte sur le rebord du bol.<br />
• Par contre, les invités qui tentent de conduire la même opération en français n’obtiennent pas de tel résultat.<br />
• Conclusion : Ce chat ne comprend que le japonais.
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Ce soir, la maîtresse du chat nous prie de lui donner nous-mêmes son bol de nourriture. Or, une phrase roumaine (leçon 7) nous trotte dans la tête : « merg la plaţa » (« je vais au marché »). En tendant le bol, nous utilisons donc cette phrase roumaine, au lieu de la formule japonaise habituelle.<br />
• Observation : À notre grande stupéfaction, le chat pose quand même sa patte sur le bol, comme tous les soirs à la même heure!<br />
• Conclusion préliminaire : Ce chat comprend le roumain.<br />
• Remarque : Ce chat n’a jamais entendu cette langue.<br />
• Conclusion définitive : Tous les chats connaissent le roumain, de façon innée.
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<p>
Nouvelle expérience pour tester cette dernière conclusion. Nous reprenons le bol de nourriture (chose qui aurait été dangereuse pour le chercheur si ledit chat avait été un chien), et nous le tendons à nouveau vers le chat en lui disant : « je suis un chien ». (En réalité, nous voulons dire « vous êtes un chien ».)<br />
• Observation : Le chat pose à nouveau la patte sur le bol.<br />
• Conclusion : Dès qu’un individu ayant une autorité suffisante prononce une quelconque phrase dans n’importe quelle langue en lui tendant son bol de nourriture, ce chat pose la patte sur le rebord du bol.<br />
• Corolaire : Bien qu’il ait tendu la patte, ce chat n’est pas un chien. La preuve : il n’a pas mordu le chercheur au moment où ce dernier, dans l’intérêt de la science, lui confisquait son bol de nourriture.
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<p>
Déni de responsabilité :
Cette expérience, inspirée par une curiosité scientifique bien naturelle chez un être humain, ne peut être considérée comme cruelle envers le chat, pas plus que le fait de l’obliger à tendre la patte ne constitue une pratique discriminatoire envers la race féline. Après tout, ce chat bénéficie de nombreux services gratuits (nourriture, litière, nettoyage des poils dans le tapis, etc.) en échange de ce signe d’amitié peu fatigant pour lui, et qui fait tant plaisir à sa maîtresse.
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<h4>Travaux pratiques : Expérience du serpent</h4>
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Problème classique : <br />
• Si un serpent se mord la queue, finira-t-il par disparaître?
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Nouveau problème : <br />
• Si deux serpents se mordent mutuellement la queue, comment cela se terminera-t-il? <br />
• Peut-on dire que chaque serpent finit par se manger lui-même, puisque sa queue se trouve dans le ventre de l’adversaire?
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Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-89057200663593105272020-07-17T12:14:00.048-04:002022-02-28T20:20:16.187-05:00Préjugés mathématiques : penser « hors de la boîte »<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg5r48zcL_YHDjko9hYzM5ziIRezryyrzg-QZMeBcegZ6WO-mE8uZ6tBznSFeLnC30_P3xYKzpF_-evGKs7lluTOiZK-UzybSv3AbU85e15AjCC_hu4QfFb15wqqdyihh0i_OQj/s972/Mus%25C3%25A9e-160828-2149-x4.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img style="float:left; margin-right:6px;" alt="" border="0" width="320" data-original-height="754" data-original-width="972" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg5r48zcL_YHDjko9hYzM5ziIRezryyrzg-QZMeBcegZ6WO-mE8uZ6tBznSFeLnC30_P3xYKzpF_-evGKs7lluTOiZK-UzybSv3AbU85e15AjCC_hu4QfFb15wqqdyihh0i_OQj/s320/Mus%25C3%25A9e-160828-2149-x4.jpg"/></a>
<span class="note">Musée de la Nature du Canada (2017)</span>
</div>
<p style="clear: left;">
« Une sauterelle peut faire un bond égal à 20 fois sa propre taille. Une fourmi peut soulever un fardeau 50 fois plus lourd qu’elle. En hiver, un moineau mange par jour l’équivalent de son propre poids. »
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Oh merveille!
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C’est ce qu’on appelle « penser dans la boîte ».
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Penser dans la boîte, c’est croire que la nature se plie à nos intuitions, plutôt que de se dévoiler grâce à nos raisonnements.
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<p>
« Un jour, la terre ne sera plus habitable, à cause de la consommation excessive d’énergie fossile par les hommes. Il faudra songer à émigrer sur une autre planète. »
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Bigre!
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C’est aussi ce qu’on appelle « penser dans la boîte ».
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Penser dans la boîte, c’est voir les solutions aux problèmes comme des itinéraires balisés, comme des jeux de piste : « Avance de cent pas; tourne à gauche; prends la troisième à droite… » Les gens qui découvrent des solutions originales raisonnent de façon diamétralement opposée : ils examinent le problème sous divers angles, survolent en pensée le terrain à parcourir, déterminent le meilleur chemin pour passer du point de départ au point d’arrivée, et, tout au long de leur parcours, situent leur position sur leur carte mentale.
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<p>
Dans le cas des migrations interplanétaires, la première question qu’il faut se poser est la suivante : En supposant qu’il existe une planète habitable à proximité, comment y transporter quelques milliards d’homo sapiens en détresse? Plus précisément : Combien de véhicules? Combien d’énergie pour arracher ces véhicules à l’attraction terrestre? Combien de temps pour le voyage? Combien de nourriture à emporter? Devra-t-on envisager des navettes entre le point de départ et la destination?
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<p>
Quelques calculs élémentaires démontrent rapidement que chaque passager consommerait, pour le simple décollage, plus de carburant que dans sa vie entière. Sachant que, toujours à cause de la loi de la gravité, chaque vaisseau spatial ne pourrait dépasser un certain poids, et contiendrait seulement, en étant optimiste, quelques dizaines de passagers, il faudra songer à de nombreux aller-retour entre la terre et la planète promise : six mois, un an, dix ans entre chaque voyage? Même avec un million de fusées, il faudrait probablement plusieurs millénaires pour transporter un milliard de terriens, et mille fois les réserves en pétrole disponibles. Patience… et merci pour l’empreinte carbone!
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Dans les deux cas précédents, sauterelle ou vaisseau spatial, on a raisonné comme un scout dans un jeu de piste. Et on a oublié la variable essentielle, qui est la loi de la gravité.
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<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgOTJJZ86JVuKoV3rRJOSpmErBbrIPt71cUx2fACad5g3HKCaPfYITx1sUDhkm6CJSoLQrQ881uZpK5ZjzI15LFquebSLufkcW-PMreaS5G-RA0RTmLWTuRX9hHiG7uJtu4Frn3/s1024/ParcBr%25C3%25A9beuf-071118-246-r2b.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; clear: left; float: left;">
<img style="float:left; margin-right:6px;" alt="" border="0" width="320" data-original-height="768" data-original-width="1024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgOTJJZ86JVuKoV3rRJOSpmErBbrIPt71cUx2fACad5g3HKCaPfYITx1sUDhkm6CJSoLQrQ881uZpK5ZjzI15LFquebSLufkcW-PMreaS5G-RA0RTmLWTuRX9hHiG7uJtu4Frn3/s320/ParcBr%25C3%25A9beuf-071118-246-r2b.jpg"/>
</a><span class="note"> <br />Nuit blanche sur la banquise</span>
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<p style="clear: left;">
À l’ère du coronavirus, on songe à rouvrir les cinéparcs, qui offraient autrefois des « programmes doubles » dans la douceur des nuits d’été. Ces braves journalistes d’aujourd’hui, avec leur ignorance ostentatoire de l’histoire et de la géographie, entreprennent de savants calculs, dans leur émission de radio quotidienne. Habitués à la vie nocturne en plein air sur les terrasses d’un quartier branché, ils savent qu’en juin, la nuit d’été ne tombe pas avant 21 heures. Si leurs ancêtres, dans les années soixante, se tapaient deux films, plus les entractes, ils ne devaient pas pouvoir se coucher avant une ou deux heures du matin, se lamentent nos experts.
C’est ce qu’on appelle « penser dans la boîte ».
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Penser dans la boîte, c’est croire, comme la tortue dans le puits, que l’univers a été créé à l’image de nos faibles connaissances. C’est croire que la terre tourne autour de notre nombril. Nous avons tous une propension naturelle à penser dans la boîte, ainsi est fait le cerveau humain. Il ne tient qu’à nous de nous affranchir des fausses vérités.
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Simple considération géographique : Où se situaient les cinéparcs dans leur âge d’or? Sur la rue Saint-Denis de Montréal? Dans le Vieux-Québec? Non, plus au sud, beaucoup plus au sud même, pour la plupart. En Californie, par exemple! Or, toute personne qui n’est pas totalement ignare sait que, l’été, le soleil se couche plus tard dans les villes nordiques que vers les tropiques, et même, parfois, il ne se couche jamais. Le phénomène n’avait d’ailleurs pas échappé aux Romains et aux anciens Chinois.
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Simple considération historique : De quand date l’heure d’été en Amérique du Nord? D’avant ou après l’âge d’or des cinéparcs? Dans quelles circonstances cette heure d’été a-t-elle été instaurée? Pour se poser ces questions essentielles, il faut sortir de sa boîte. Il faut accepter le fait que le monde d’autrefois n’a pas été créé à l’image du monde d’aujourd’hui. Il faut comprendre que ce qui est vérité en deçà des Pyrénées est parfois mensonge au-delà.
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Celui qui pense hors de la boîte réfléchit spontanément sur le « où » et le « quand ». Nul besoin, alors, de calculs savants pour comprendre que, dans la Californie des années soixante, le soleil se couchait vers les 19 heures. Le premier film était sans doute projeté dès 20 heures, et le second se terminait avant minuit.
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<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhiChGW9HFlM8UGrdqCOg6EBCeJuGqgZwnJ0oX8Tdez3D_N9kmJwATUhWDw-tO5_kEmvC77T5AMh9iDxryKhnEaFLgKA6GEZS9PhPnd_hQ3jmTbrKObpBh-J2nkfh1UacmwvYDG/s910/Mus%25C3%25A9e-160828-2150-x4.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; clear: left; float: left; ">
<img style="float:left; margin-right:6px;" alt="" border="0" width="320" data-original-height="720" data-original-width="910" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhiChGW9HFlM8UGrdqCOg6EBCeJuGqgZwnJ0oX8Tdez3D_N9kmJwATUhWDw-tO5_kEmvC77T5AMh9iDxryKhnEaFLgKA6GEZS9PhPnd_hQ3jmTbrKObpBh-J2nkfh1UacmwvYDG/s320/Mus%25C3%25A9e-160828-2150-x4.jpg"/>
</a><span class="note"> <br />Musée de la Nature du Canada (2017)</span>
</div>
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Il est temps de revenir à nos fourmis et à nos sauterelles : <br />
« Une sauterelle peut faire un bond égal à 20 fois sa propre taille. Une fourmi peut soulever un fardeau 50 fois plus lourd qu’elle. En hiver, un moineau mange par jour l’équivalent de son propre poids. »
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Ces soi-disant prodiges de la nature ne sont que le résultat d’une intuition trompeuse, d’une fâcheuse <a href="https://bailide.blogspot.com/2009/10/une-tragique-erreur-de-calcul.html">confusion entre les longueurs, les surfaces et les volumes</a>.
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Voici plutôt comment penser « hors de la boîte ». Puisqu’il est ici question de nombres et de rapports, commençons par quelques observations quantitatives. Les animaux les plus gros (dinosaures, éléphants) possèdent des pattes très larges par rapport à leur corps. Les animaux les plus légers (souris, moineaux, fourmis) possèdent par contre les pattes grêles, pour ne pas dire filiformes. Dans un même ordre d’idées, les temples égyptiens sont supportés par des colonnes plus massives que les temples grecs. En fait, il nous sera facile de démontrer qu’une bâtisse (ou une bête) qui serait 2 fois plus haute qu’un autre doive s’appuyer sur des colonnes 4 fois plus larges. Par ailleurs, si on lâche une fourmi d’une hauteur de un mètre (cent fois sa taille), il y a de bonnes chances qu’elle retombe sans mal sur ses pattes. Un éléphant lâché d’une hauteur de 3 mètres (une fois sa taille) ne s’en tirerait pas à si bon compte. Les jambes, comme les colonnes, doivent être proportionnées au poids du sujet. Un temple qui serait deux fois plus lourd qu’un autre devrait tout naturellement s’appuyer sur des colonnes dont la base est deux fois plus étendue.
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<p class="citation">
Sur la planète Terre, la fourmi et l’éléphant sont soumis à la même gravité. S’il y avait des éléphants sur la Lune, ils pourraient sans doute sauter du deuxième étage d’un immeuble sans trop de mal. S’il y avait des fourmis sur Jupiter, elles se casseraient souvent les pattes. Même si la chose paraît tout à fait contre-intuitive, les planètes les plus petites sont les mieux adaptées aux animaux les plus gros.
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<p>
Il suffit d’un simple petit calcul pour comprendre ce curieux phénomène. Un temple qui serait 2 fois plus haut que son frère jumeau aurait un volume 8 fois plus important (Volume = 2 × 2 × 2 = 8). La base de ses colonnes serait seulement quatre fois plus étendue (Surface = 2 × 2 = 4). Le temple s’écroulerait sous son propre poids… à moins d’être soutenu par des pattes plus épaisses.
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Plus on est petit, moins on est sujet à la gravité, et ce de façon plus que proportionnelle. Un homme qui mesurerait 18 centimètres serait en même temps 10 fois moins grand et 1000 fois moins lourd que son confrère d’un mètre quatre-vingt. Il y a fort à parier qu’un tel schtroumpf puisse faire des bonds prodigieux et soulever sans peine une demi-douzaine de ses congénères. D’un autre côté, l’homme d’un mètre quatre-vingt possède une surface de peau 100 fois plus grande que le schtroumpf, pour une masse corporelle 1000 fois plus élevée. La perte de chaleur d’un corps d’homme sera donc bien moindre que celle d’un corps de schtroumpf (de l’ordre de 1000/100 = 10 fois moins). Notre schtroumpf, comme le moineau et la souris, devrait compenser cette fuite d’énergie excessive en mangeant davantage. Il ne serait pas étonnant, quand la bise sera venue, de voir le schtroumpf dévorer chaque jour l’équivalent de son propre poids.
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<p>
En fin de compte, ceux qui demeurent béats d’admiration devant les performances des sauterelles, des fourmis et des moineaux se sont laissés berner par leur intuition. Ils ont négligé de penser « hors de la boîte ». L’erreur est humaine, ici plus que jamais, mais <i>perseverare diabolicum</i>.
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<p class="note">
(En passant, merci à nos maîtres mathématiciens du Québec des années 1970, qui nous ont habilement ouvert la boîte!)
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-5078866792923471722019-01-28T12:27:00.003-05:002019-08-07T14:08:46.129-04:00Publicité et stéréotypes<p>
Tous les dix ou vingt ans, les publicitaires sont accusés de propager des stéréotypes négatifs. Certaines « personnes militantes » réclament alors une intervention législative pour encadrer la publicité. D’autres exigent une publicité uniquement informative, et donc dépouillée de tout débordement social et politique, à moins, bien sûr, que ce débordement ne cadre avec leur propre idéologie. C’est oublier que la publicité moderne n’a pas, et n’a jamais eu, la vocation d’<i>informer</i> les consommateurs, mais de les convaincre. Elle table donc davantage sur le subconscient que sur le conscient. Elle parle moins du produit que de son utilisateur. Elle ne fait pas appel à la raison, mais aux émotions. C’est pourquoi elle est centrée sur les trois grandes passions de l’être humain : l’argent, la santé et le sexe. C’est ce que nous allons illustrer à l’aide d’une série de messages publicitaires datant des années 1980 (la période actuelle sera couverte dans un prochain billet).
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Dans un <a href="https://bailide.blogspot.com/2017/10/un-pays-deux-nations-preuve-par-le.html">billet précédent</a>, nous avons analysé des coupons publicitaires bilingues faisant la réclame d’un café en poudre. Aujourd’hui, nous nous intéresserons plus particulièrement à deux des vices les plus indéracinables chez l’homo economicus, à savoir la cigarette (traitée ici) et l’alcool (traité plus loin).
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjktu8T6rclKL0T6RJhrgo7WfuAvVVqXnnrnFRlYT5LwP-7UjIjcWQ_BieocgvnmNHz45SnMxFfKtOZsuxqi7NjgkuxWlR1o-BwbYyOJPyGk2iaSgBiOd6544uqxIRuqI1zLSYx/s1600/FumeurLaurentides.jpg" imageanchor="1" ><img style="float:right; margin-left:6px;" border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjktu8T6rclKL0T6RJhrgo7WfuAvVVqXnnrnFRlYT5LwP-7UjIjcWQ_BieocgvnmNHz45SnMxFfKtOZsuxqi7NjgkuxWlR1o-BwbYyOJPyGk2iaSgBiOd6544uqxIRuqI1zLSYx/s320/FumeurLaurentides.jpg" width="240" height="320" data-original-width="738" data-original-height="983" title="Le fumeur sur sa pitoune (Renaud Bouret, 1979)" /></a>
Une cigarette, ça se fume de <i>deux</i> façons : en privé ou en public. La cigarette, après le chien, n’est-elle pas le meilleur ami de l’homme? Fidèle dans les moments de solitude, légère par sa fumée, calme, silencieuse, rougeoyante au fond de la nuit, comme le feu de nos lointains ancêtres. Dans les années 1980, la cigarette était encore un apanage masculin, un rite de passage obligé pour se joindre au troupeau des adultes. Elle constituait alors un signe ostentatoire, comme le plumage du coq dans la basse-cour. Il n’est pas étonnant de constater que les publicités faisant la promotion des cigarettes se partagent sur ces <i>deux</i> dimensions : le plaisir personnel et la séduction de la partenaire. N’oublions pas qu’une publicité a pour but d’accroître les ventes et non de réformer la société.
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<h4>Fumer en santé</h4>
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Les trois photos suivantes illustrent l’aspect individuel de la cigarette. L’homme, seul, se recueille en pleine nature, près d’un plan d’eau freudien, où l’air pur qu’il ne respire pas lui fait opportunément oublier les dangers de son poison favori. L’anatomie de la cigarette, autre symbole freudien, est systématiquement reprise dans le paysage, sous forme de tronc d’arbre, de poteau ou de canne à pêche.
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWDRNseN-YZaOh6M0WCup8tVM384YpZL601m_BgyP__zxM6zRvR3EKbXqSKXQTzft-p8WmUL-mRLlGOz8o_pivZeiayx0IComt4VMaH2tVct3Sd9jyDCou30QQAQNDk_NR_gkG/s1600/Belair-073.jpg" imageanchor="1" ><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgWDRNseN-YZaOh6M0WCup8tVM384YpZL601m_BgyP__zxM6zRvR3EKbXqSKXQTzft-p8WmUL-mRLlGOz8o_pivZeiayx0IComt4VMaH2tVct3Sd9jyDCou30QQAQNDk_NR_gkG/s320/Belair-073.jpg" width="223" height="320" data-original-width="1054" data-original-height="1510" /></a><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgA9-O42zEmh5d-eAoDmBkofRHNONown0gaCIeJ2eK-1TRaJu7EZnSyUmO6e6Xc89_S_LGpHMY6Kmu55A0wVvytyhmOrkbQzd9falKRFdCFOCuJeQuy4DPeMJKP8wIT0TjkCv_l/s1600/Players-081.jpg" imageanchor="1" ><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgA9-O42zEmh5d-eAoDmBkofRHNONown0gaCIeJ2eK-1TRaJu7EZnSyUmO6e6Xc89_S_LGpHMY6Kmu55A0wVvytyhmOrkbQzd9falKRFdCFOCuJeQuy4DPeMJKP8wIT0TjkCv_l/s320/Players-081.jpg" width="246" height="320" data-original-width="1220" data-original-height="1586" /></a><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgapZFRcSG7ofoZBMJxdV84BYlc_uJguyyfWkKWbplK25Wcmx7Ovf5RI32g8Ki7xdUBm3iP9E3uJba3Qw2hDks-j76nr7fn7WMIm1nVqFfj4_VS7uEZ49DiSGvFMlR-Cqvut_Yy/s1600/Salem-076.jpg" imageanchor="1" ><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgapZFRcSG7ofoZBMJxdV84BYlc_uJguyyfWkKWbplK25Wcmx7Ovf5RI32g8Ki7xdUBm3iP9E3uJba3Qw2hDks-j76nr7fn7WMIm1nVqFfj4_VS7uEZ49DiSGvFMlR-Cqvut_Yy/s320/Salem-076.jpg" width="224" height="320" data-original-width="1037" data-original-height="1480" /></a>
<h4>La femme fait son apparition, virtuelle puis charnelle.</h4>
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiQ42KL-FneXUkJQoQePZeIjRFvAzyAgSrODF9gI7p334QJuIOgdGuMv5-bYoT2RnRcwd0no2eHIjERmap_0vovm8ruLrn4fcPYl4A-c-yJ9tCjCBRF98CDdMWwRAOO6QpJfwdz/s1600/DuMaurier-088.jpg" imageanchor="1" ><img border="0" style="float:left; margin-right:8px; " src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiQ42KL-FneXUkJQoQePZeIjRFvAzyAgSrODF9gI7p334QJuIOgdGuMv5-bYoT2RnRcwd0no2eHIjERmap_0vovm8ruLrn4fcPYl4A-c-yJ9tCjCBRF98CDdMWwRAOO6QpJfwdz/s320/DuMaurier-088.jpg" width="234" height="320" data-original-width="1156" data-original-height="1581" /></a>
Il ne fait aucun doute que, de retour de sa baignade, l’homme qui a négligemment déposé ses lunettes de soleil sur la table de rotin offrira une cigarette à la jolie femme qui partage déjà un cocktail avec lui. Une cigarette <i>légère</i>, comme il se doit, car, dans la publicité, les mots recèlent, de préférence, un double sens. Il paraît même que les glaçons, au fond des verres, sont sciemment décorés de têtes de mort (Éros et Thanatos), mais nous n’irons pas jusque-là.
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Il n’y a pas à dire, l’adepte de la cigarette Vantage est un lascar qui vise droit dans la cible. Personnage raffiné, bien entendu, mais pas trop vieux jeu. Ses boutons de manchettes et son briquet rappellent judicieusement les teintes précises du paquet de cigarettes. Il s’apprête à quitter son domicile pour rejoindre, avec une compagne dont il a galamment payé le billet, le Festival de danse moderne. Vantage, la cigarette de « l’intrigue »!
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Cette fois, la dame est bien présente (il s’agit probablement de la supérieure hiérarchique du monsieur). Elle ne fume pas, mais son tailleur s’harmonise, comme prévu, avec le paquet de cigarettes. Deux personnes chics et intelligentes, qui partagent un moment privilégié au bureau, entre deux périodes de pointe (il se peut que les canons de la beauté aient changé depuis les années 1980). La lampe à loupe du bureau rappelle les cercles servant de logo à la marque, tandis que les jambes ouvertes du compas, au premier plan, peuvent susciter quelques arrière-pensées inconscientes aux esprits mal tournés. « La prochaine fois que je tiendrai mon paquet de Vantage dans la main, mon cerveau, illusionné par toutes ces associations, me gratifiera peut-être d’une petite dose de dopamine ».
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<h4>Douceur, plaisir et satisfaction</h4>
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Ici encore, l’air pur du ciel fait oublier l’air vicié des poumons. Le mât du bateau sert doublement de symbole. La voile rappelle la gamme de couleurs du paquet. La cigarette est non seulement associée à une activité bénéfique à la santé, mais elle constitue le prélude à « une douceur qui se goûte ».
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Notre viril sportif moustachu, qui garde à son bord une glacière remplie de bière et deux avirons inutilisés, se fait remarquer, au moment même où il allume sa clope, par deux charmantes jeunes filles pétantes de santé. Celle de gauche se confond à s’y méprendre avec le paquet de Camel, qui se trouve posé au premier plan, sur une « pitoune » échouée. Gageons que notre rude navigateur aux cheveux bien peignés saura « tout goûter » et procéder à un fructueux échange de « satisfaction ».
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Comme les précédentes, cette publicité date des années 1980, mais elle rappelle l’âge d’or des années 1950, sur la côte californienne. Malibu, lieu mythique où se retrouvent les gens hors du commun (c’est-à-dire les fumeurs de Pall Mall sans filtre). Cette fois, plus besoin de se gêner. Alors que les couples voisins sont déjà passés aux choses sérieuses, dans la noirceur, nos deux fumeurs viennent tout juste d’adopter la position horizontale. Ce qui explique la présence ostensible d’une paire de bottes dans le parebrise.
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<h4>Annexe 1 : Sports d’élite et tabac</h4>
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<h4>Annexe 2 : Plein air et fumée</h4>
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<h4>Annexe 3 : Luxe et cigarettes</h4>
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Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-6014792302640250752018-10-07T17:58:00.002-04:002022-04-06T18:58:21.590-04:00Les voleurs de bicyclette de Suzhou<p>
Rien ne vaut un bon repas en ville, le dimanche entre copains. C’est d’ailleurs un plaisir que les gens oisifs et fortunés ne peuvent s’offrir, car, pour eux, c’est tous les jours dimanche. La réussite financière s’accompagne ainsi de toutes sortes de désagréments.
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Ils étaient donc trois copains, à peine sortis de l’Université de Suzhou, où ils avaient usé les mêmes bancs, glacés en hiver et brûlants à l’approche de l’été. Ils avaient aussi fréquenté la même cantine étudiante, véritable musée vivant de tout ce que la cuisine chinoise a de moins appétissant à offrir.
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Ah, les sublimes restaurants du quartier de Guanqianjie, en plein cœur du vieux Suzhou, ça, c’est une autre paire de manches! On y sert, dans de minuscules assiettes, ce qu’on appelle les « petites bouchées », un arc-en-ciel de couleurs, de formes et de saveurs. C’est là que nous retrouvons nos trois compères.
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Le repas, précédé d’une savante négociation entre convives, s’amorce dans le recueillement. Seules les baguettes parlent. On ne s’interrompt que pour trinquer, car on a aussi fait monter quelques grandes bouteilles de bière glacée. Bientôt, les soucoupes vides s’empilent par douzaines sur la table, les langues se délient, les toasts se multiplient et la conversation s’anime. On est heureux parce que ce n’est pas tous les jours dimanche, et aussi parce qu’on se retrouve entre amis, de vrais amis, de ceux avec qui on a eu le bonheur de partager les joies et les peines.
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Si on prête un peu l’oreille, on aura la surprise d’entendre soudain la conversation se dérouler en français, que nos trois compères ont étudié ensemble à l’université. En ce moment, ils travaillent pour la même agence de voyages de Suzhou, ville qu’on surnomme parfois la Venise chinoise. Il est vrai qu’à l’époque où se passe notre histoire, c’est-à-dire avant la construction de tous ces réseaux d’autoroutes qui commenceront à sillonner la vallée du Yangze à partir de l’an 2000, les principaux canaux de Suzhou sont encore encombrés par des myriades de péniches couleur de suie, fumantes, bruyantes, pétaradantes, remplies à ras bord. Le peuple millénaire des bateliers ne sait pas encore que sa race va bientôt s’éteindre sous l’effet d’un cataclysme appelé « programme d’investissement dans les infrastructures publiques », une véritable météorite à retardement, qui s’apprête à effacer de la surface de la Terre, et jusque dans les mémoires, des siècles et des siècles d’histoire.
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Les anciens poètes ont souvent chanté les eaux « émeraude » des canaux de Suzhou, et bon nombre d’histoires de la littérature classique ont pour théâtre quelque porte célèbre de cette ville. Quatre portes terrestres et autant de portes fluviales, il y en avait huit en tout, qui perçaient les antiques murailles. Souvent, ces histoires classiques commençaient par un petit drame sur les quais : un jeune bachelier en promenade dans son habit du dimanche, une péniche richement décorée qui vient d’appareiller, et voilà que le garçon aperçoit soudain, sur le pont, une ravissante damoiselle aux yeux tristes, dont il tombe amoureux sur-le-champ. Mais la péniche s’éloigne déjà. Qu’importe, le lecteur ne reposera plus son livre avant de retrouver les jeunes amants enfin réunis et d’avoir partagé toutes leurs angoisses.
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Les histoires antiques commencent souvent dans les lieux propices à la rencontre entre purs étrangers, et la nôtre ne fera pas exception. Autrefois, la célèbre porte de Changmen. Aujourd’hui, la plus prosaïque rue du canal de Líndùnjiē, avec laquelle nous allons bientôt faire connaissance.
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Mais revenons aux agapes de ce dimanche après-midi.
Après un tel festin, rien ne vaut une bonne promenade en plein air. Nos trois compères francophiles regagnent leurs chambres, situées dans la rue des Catalpas, ou dans une ruelle environnante, à une demi-heure de marche du centre-ville. Jean-le-binocleux, Zhang de son vrai nom, mène la marche. Si jamais une jolie fille se présentait, il veut au moins être le premier à l’apercevoir, avant de se la faire faucher par le grand Joe (officiellement « Zhou »). Quant au troisième, Louis-le-comique (alias « Liu »), il se préoccupe surtout de concevoir l’histoire drôle la plus adaptée à chaque circonstance du parcours. Disons que la conversation est constituée de deux monologues et d’un silence, ce qui n’enlève rien à sa gaîté.
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Au moment où nos compères, encore un peu gris, bifurquent sur la rue des Catalpas, Jean-le-binocleux lâche un juron en français, qui ne suscite d’ailleurs pas la moindre réaction dans la foule des passants indigènes. Puis il reprend en chinois : « Les gars, on était allé en ville en bicyclette et on rentre à pied, vous trouvez ça normal, vous? » Son intervention se termine par un éclat de rire. De son côté, Louis-le-comique, impatient de retrouver ses pantoufles, a complètement perdu son proverbial sens de l’humour. Après quelques palabres, on décide de faire un saut chez Jean, dont la chambre est située à deux pas, pour y déposer les sacs et y siroter une petite tasse de thé vert, avant de retourner chercher les vélos en ville.
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<p class="note">La Venise de la Chine</p>
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La nuit va bientôt tomber. Les ruelles du centre-ville sont maintenant presque désertes. La plupart des visiteurs du dimanche ont déjà regagné leurs pénates, les uns pour dresser le bilan de cette journée de réjouissances, les autres pour se lamenter prématurément du lundi qui s’annonce.
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Jean, Joe et Louis repèrent facilement leurs trois engins, dont les silhouettes noires se découpent sur le coin d’un trottoir vide. Dire qu’à midi leurs vélos chéris étaient noyés dans une forêt de bicyclettes. En Chine, c’est tout logiquement la forêt qui cache l’arbre, et non l’inverse.
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Malheureusement, les clés des cadenas sont restées dans la chambre de Jean, avec les sac à dos. Et, dans leur hâte, aucun des garçons n’a songé à les emporter. On a beau secouer les cadenas des bicyclettes, rien à faire, ils refusent de reconnaître leurs légitimes propriétaires. Ce qui fait dire à Jean-le-binocleux que les véritables propriétaires des cadenas, ce sont les clés et non les hommes.
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À cette heure tardive, et avec ces pieds fourbus, pas question de se payer un nouvel aller-retour. Il ne reste plus qu’une solution : rentrer directement à la maison en portant les bicyclettes sur l’épaule. Situation navrante pour un homme seul, mais quand on est trois bons copains à se retrouver en même temps dans la panade, il est difficile de ne pas rire de ses propres malheurs.
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Les trois compères descendent maintenant la rue Líndùnjiē, littéralement la « rue juste avant l’étape », qui longe un petit canal millénaire. Leurs ombres furtives glissent en silence, laissant apparaître derrière elles des lambeaux de la rambarde sculptée. On se dépêche de rentrer discrètement au bercail. Pourvu qu’on ne rencontre pas un gendarme en cours de route! Il ne croirait pas un mot de nos explications.
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<p>
Or, sur le trottoir d’en face, un petit groupe de touristes étrangers remonte la rue. Ils sont une demi-douzaine de quinquagénaires au long nez, qui discutent à qui mieux mieux. Soudain, une dame du groupe s’exclame, en français : « Oh! Regardez! Des voleurs de bicyclettes chinois! »
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Instinctivement, la troupe de voyageurs resserre les rangs, comme la harde de bœufs musqués qui fait corps face à la meute. Mais après un premier moment d’effroi, et compte tenu de la distance confortable qui sépare les deux trottoirs de Líndùnjiē, on se rassure. Voilà sûrement, pour ces touristes français, un événement digne de se transformer en souvenir, peut-être même le clou du voyage en Chine. Au diable le Jardin-du-fonctionnaire-maladroit et la Pagode-de-la-butte-du-tigre, ça c’est à la portée de tout le monde. Nous, on a vu d’authentiques voleurs de bicyclette chinois!
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L’honneur de la Chine est en jeu. Le grand Joe, que le jeu d’ombre des rares lampadaires éclairés dans la rue Líndùnjiē transforme en véritable géant, se doit de rétablir la réputation nationale de sa patrie. Il s’arrête brusquement et se tourne vers le trottoir d’en face.<br />
— Non, Madame! s’écrie-t-il dans son meilleur français, nous ne sommes pas des voleurs! Ce sont nos propres bicyclettes et nous avons oublié nos clés chez mon ami… Chez cet imbécile de Zhang, ajoute-t-il en Chinois et à voix basse.<br />
— Ah! Mon Dieu! hurle la touriste, des voleurs de bicyclette chinois… qui parlent français!
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Ce devrait être le signal de la débandade. Mais un Français digne de ce nom ne peut se permettre de prendre la poudre d’escampette, surtout devant ses compatriotes. On se contente de presser le pas. Les hommes allongent la jambe, les dames accélèrent le rythme de leurs talons. Le Français, cartésien, trouve d’instinct le juste compromis entre prudence et dignité.<br />
— Mais Madame, proteste Joe, qui s’égosille en vain, nous sommes des Chinois honnêtes!
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<p>
Il est déjà trop tard. Le groupe de touristes se trouve hors de portée, au fond de la nuit noire. Ces honorables étrangers ne connaîtront pas la vérité. Encore un de ces malentendus entre nations qui ne sera jamais dissipé.
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<p class="note">
(D’après une <a href="https://ramou.net/le/leVoleursBicyclette.htm"><u>anecdote racontée par Fan Yongmei</u></a>)
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-1535158513498019732018-02-07T11:24:00.008-05:002021-10-05T11:49:13.044-04:00« Peoplekind »<p>
Les méchantes langues prétendent que Trudeau Junior ne maîtrise ni le français ni l’anglais. C’est oublier que notre Junior parle couramment la novlangue. Lorsqu’il ne trouve pas ses mots, il les invente. Ainsi a-t-il fabriqué à la volée le néologisme « peoplekind », destiné à remplacer le barbare « mankind » de ses ancêtres. Mais, au fait, d’où vient le mot « mankind »? Et, puisqu’on y est, le mot « woman » serait-il apparenté au mot « man », qui sent aujourd’hui le souffre chez les gens « éclairés »?
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<p>
Mankind est un mot composé, d’origine germanique, signifiant à l’origine :« appartenant à la race humaine ».<br />
• mankind < man (être humain) + cynn (race!) [Walter Skeat]<br />
Trudeau Junior lui préfère le mot « people », emprunté au français. Ce mot d’origine latine désignait le plus souvent, sous César comme sous Louis XIV, la multitude des gens de basse classe.
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<p>
Comme le français « homme », représentant à l’origine tout être humain, l’anglais « man » s’est par la suite dédoublé pour désigner, plus particulièrement, les êtres humains de sexe masculin.
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<p class="retrait">
Au fil du temps, les mots courants s’enrichissent généralement de plusieurs sens supplémentaires. Le contexte permet à toute personne normalement constituée de faire la distinction nécessaire. Quand le professeur ordonne à Toto de « prendre la porte », Toto n’arrache pas la porte pour la mettre sur son dos. De façon similaire, tout le monde comprend aisément que le mot « homme » dans les expressions « les hommes préhistoriques » ou « les dieux et les hommes » désigne l’humanité toute entière. L’art de la langue étant aussi l’art de la formule, il est douteux que des expressions réformées telles que « les personnes préhistoriques » ou « les déesses et les dieux et les femmes et les hommes » aient la moindre chance de survie linguistique.
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En anglais, le sens dérivé de « man » a fini par <i>éliminer</i> le sens originel (ce qui n’est pas le cas pour le mot « homme » en français). Le mot « man » ne désigne plus, aujourd’hui, que les « êtres humains de sexe masculin » (formulation moins économique que le simple « man »!) Cependant, le mot « man » a conservé son sens originel « d’être humain » dans certains mots composés, dont le fameux « mankind ». Chaque langue possède en effet sa propre logique et sa savante mécanique, qui ne peuvent se permettre d’être simplistes.
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Le mot « woman », quant à lui, possède des racines politiquement incorrectes. Hélas, nul n’est parfait!<br />
• woman < wif (épouse) + man (homme) [Ibid.]<br />
Une « woman » représente tout bêtement le sous-ensemble des êtres humains dont la caractéristique principale consiste à jouer le rôle d’épouse. C’est du moins dans cet esprit que le mot a jadis été créé, même si le sens étymologique n’est plus ressenti aujourd’hui. Le français « femme », qui correspond au vieil anglais « wif », possède d’ailleurs lui aussi le double sens de « personne de sexe féminin » et « épouse ».
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À la limite, pourquoi pas « humankind » plutôt que l’improbable « peoplekind »? C’est que, chez les Juniors de ce monde, l’adjectif « human » est perçu comme sexiste. Ce vocable suspect ne contient-il pas le mot « man »? Qu’importe le fait qu’il s’agisse d’une simple coïncidence, puisque « human » vient du latin et « man » du germanique. Les Premiers ministres qui se plaisent à signaler leur vertu ostentatoire tout en faisant profiter l’humanité de leur ignorance ne s’embarrassent guère de tels détails techniques.
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Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-70793406015191607002018-02-02T19:33:00.004-05:002021-10-05T11:54:00.775-04:00La « théorie du genre » à la ferme<p>
La ferme de Chénier comptait deux personnages redoutables. Dans les champs, il fallait éviter de se frotter au taureau (nommé familièrement « eul-bœu »). Aux alentours du bâtiment principal, il valait mieux profiter d’une distraction du coq pour regagner la cuisine. J’ai bien dit <i>le coq</i>, et non les deux chiens de garde. Ces deux bêtes féroces avaient suffisamment d’intelligence pour me reconnaître comme un garçon de la maison. Chiens mâles ou femelles? Qui s’en souciait? Ce qui compte, c’est que les deux cerbères possédaient également les compétences nécessaires à leur tâche officielle : courage, astuce, loyauté. Disons simplement que la variable « genre », comme on dit en américain, n’était pas pertinente dans leur profession canine, à tel point que je serais bien incapable, après les avoir si longtemps côtoyés, de leur coller la bonne étiquette.
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEibkllS8tR050H6Md2mrEAbYX7sgKgW5Q7K7Ok3E0TpfgujLHIYjWEbSUQ86TG2NCMqe-Cnjf7GE1U9Y8fPYEcPz4GAPTexA2GLW50BVcXlvHXHsChXDyqVbcIEwZcDMuyXhn0N/s1600/Renaud-Ch%25C3%25A9nier-1975-01-r2.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEibkllS8tR050H6Md2mrEAbYX7sgKgW5Q7K7Ok3E0TpfgujLHIYjWEbSUQ86TG2NCMqe-Cnjf7GE1U9Y8fPYEcPz4GAPTexA2GLW50BVcXlvHXHsChXDyqVbcIEwZcDMuyXhn0N/s320/Renaud-Ch%25C3%25A9nier-1975-01-r2.jpg" width="320" height="216" data-original-width="732" data-original-height="494" title="Bái Lìdé, garçon de ferme à Chénier" /></a>
</div>
<p class="note">Futur-Bái Lìdé, garçon de ferme à Chénier</p>
<p>
Mais le coq, c’était autre chose. Un coq wyandotte, maigrichon, haut sur pattes, et propriétaire d’une redoutable paire d’ergots aiguisés. Je ne dirais pas que ce coq me faisait peur. Non, son tempérament ombrageux m’incitait simplement à la prudence. Lorsque le petit monstre lorgnait vers moi, je m’assurais de passer à proximité d’un piquet ou d’une solive traînant par là afin, le cas échéant, de repousser les assauts de l’ennemi avec le secours d’une arme adéquate. Le tout très discrètement, car étant moi-même un garçon, je ne voulais pas passer pour poltron aux yeux des filles de la fermière. Comme la plupart des filles, les filles de fermières méprisent les poltrons.
</p>
<p>
Si on se fiait à la « théorie du genre », actuellement très populaire dans les écoles des pays membres de l’OTAN, on conclurait que l’agressivité du coq de Chénier constituait « le produit de plusieurs siècles de domination masculino-capitaliste entretenue par l’homme blanc ». D’ailleurs, ce coq était de couleur blanche, rehaussée, il est vrai, de rares plumes noires au bout des ailes et de la queue.
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<p>
Le comportement du belliqueux coq de Chénier tranchait nettement avec celui de ses « partenaires ». Ah, les gentilles poules, débonnaires, voire bonasses! Elles, au moins, ne me prenaient pas pour un coq rival, à l’instar de leur nigaud d’époux et maître. Tenez : il suffisait d’agiter devant elles un poing fermé, comme s’il contenait une poignée d’orge dorée, pour les voir accourir en se dandinant. Cette perfide manœuvre pourrait semblait cruelle aujourd’hui, mais elle faisait rire les filles de la fermière. Car les filles de fermières aiment les garçons qui les font rire.
</p>
<p>
La seule chose qu’on pouvait reprocher aux poules, c’était leur façon de traverser la route devant le tracteur, au moment où nous revenions des champs, poussiéreux et fourbus. Traverser, c’est beaucoup dire, car les poules couraient en zigzag devant nous, en proie à la plus grande perplexité, avant de se décider enfin pour l’un ou l’autre des deux fossés qui bordaient la chaussée.
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<p>
En admettant que le « genre » soit une donnée essentiellement sociale, produit d’une éducation machiste, tout espoir n’est pas perdu pour les coqs de ce monde. Quelques semaines de rééducation à la campagne et on pourrait en faire des êtres civilisés.
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<p>
Si j’ai toujours éprouvé de l’affection pour la basse-cour, c’est que j’ai moi-même élevé des poules depuis ma plus tendre enfance. D’abord avec l’aide de ma grand-mère carthaginoise, avant de voler de mes propres ailes. Et vos parents? direz-vous. Eh bien, mes parents, qui devaient s’occuper de leurs six enfants, envisageaient le monde animal avec une certaine dose de pragmatisme et d’indifférence. L’amour de nos frères inférieurs avait ainsi sauté une génération.
</p>
<p>
Ma poule m’ayant honoré d’une première couvée de douze poussins, le jour de mes six ans, un problème délicat se posa bientôt. Parmi les survivants de la couvée, on comptait quatre poules et deux coqs.
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<p>
Il faut préciser que seuls les plus forts des poussins avaient échappé à la fièvre aviaire et aux griffes des chats errants, ainsi que l’exige l’implacable loi de la nature. Cette loi, espérons-le, sera un jour révisée, dans une société post-patriarcale et post-capitaliste.
</p>
<p>
Mais revenons aux survivants de la couvée. Après quelques mois, les petites poules s’étaient mises à pondre, et les coqs avaient commencé à se quereller au point de troubler la paix sociale. Mon père, rempli de sa riche expérience de la vie civile et militaire, guerre mondiale oblige, avait facilement résolu la question. Le plus dodu des deux coqs se retrouva bientôt à la casserole. Dans notre siècle, où les adeptes de la théorie du genre glorifient l’obésité, cette mésaventure mérite d’ailleurs d’être méditée.
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<p>
Le second coq traversa bien vite une période de dépression. Quand on a fini d’honorer les quatre donzelles du poulailler, que faire du reste de sa journée en l’absence d’un rival? Avec qui se batailler? Où trouver un adversaire digne de ce nom? Il y avait bien les six enfants de mes parents, mais tous ces petits diables savaient se défendre à coup de graviers. Tous… sauf la petite dernière, qui venait à peine d’apprendre à marcher.
</p>
<p>
Le coq survivant commit l’erreur de poursuivre ma sœur cadette pendant un jour de congé, alors que mon père lisait son journal dans une chaise longue du jardin. La petite brute gallinacée fut condamnée illico par le maître de céans, alerté par le tumulte, sans aucune forme de procès ni tentative de rééducation. Mon père m’envoya chercher une douzaine d’artichauts chez l’épicier du coin afin de m’éloigner des lieux du drame en préparation. N’étais-je pas, en effet, le grand-père virtuel de ce coq, lui-même fils de ma propre poule? À mon retour, je trouvai le coq égorgé et plumé. On était en train de brûler ses derniers poils au chalumeau.
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<p class="marge">
Que sont nos mères poules devenues? L’atmosphère du poulailler ressemble parfois à celle de certains milieux de travail postmodernes.
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<p>
Le calme revint sur la famille et sur la basse-cour. Un calme
apparent, car, en l’absence de coq, les poules avaient redoublé d’agressivité dans leurs rapports, surtout après qu’une seconde couvée eut augmenté leur population. Coups de bec, harcèlement, privation de nourriture. La république des poules était sous la coupe d’une dictatrice, épaulée par deux ministresses impitoyables, que mon grand frère, plus instruit que moi malgré sa pratique assidue de l’école buissonnière, avait baptisées la <i>kapo</i> et la <i>collabo</i>.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEio5cW93_yjR4oosDEZYg_utWALdeWNrzru_vrOBmSAM6TviidYFwFgEuD28qU9QvNecLjbeCtMt54ZmSeHZxxb_2emw7ZzqlQbdVpF2lpfbZFUCMmUHAJmDJxb4xiNmXlCUHjy/s1600/Renaud-Ch%25C3%25A9nier-1975-03.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEio5cW93_yjR4oosDEZYg_utWALdeWNrzru_vrOBmSAM6TviidYFwFgEuD28qU9QvNecLjbeCtMt54ZmSeHZxxb_2emw7ZzqlQbdVpF2lpfbZFUCMmUHAJmDJxb4xiNmXlCUHjy/s320/Renaud-Ch%25C3%25A9nier-1975-03.jpg" width="310" height="320" data-original-width="1009" data-original-height="1040" title="Le dimanche du garçon de ferme" /></a>
</div>
<p class="note">Le dimanche du garçon de ferme</p>
<p>
Fermons cette parenthèse carthaginoise et retournons à la ferme de Chénier. Oublions le coq wyandotte, qui, même s’il m’a déjà attaqué, ne constitue pas une menace mortelle. Reste à traiter le cas du « bœu ».
</p>
<p>
Lorsqu’un troupeau de vaches pâture dans un champ, pas de souci à se faire. Un troupeau, ça ne passe pas inaperçu, et les vaches, ça vous contemple avec leurs grands yeux doux. Mais un taureau solitaire peut très bien se dissimuler au creux d’un vallon ou derrière un bosquet de coudriers. Au moment de se faufiler à travers les barbelés d’une clôture, on ne peut s’empêcher d’éprouver un pincement au cœur. Qui dit clôture barbelée dit présence possible d’un taureau et de ses deux cornes, n’est-ce pas? C’est mathématique!
</p>
<p>
Un jour, le fermier, pourtant avare de ses mots, me gratifie d’une phrase complète : « Eul-bœu s’est échappé! » La bête est particulièrement vicieuse. Seul le bonhomme sait comment la dompter. Nul n’est à l’abri, pas plus le piéton que le chauffeur d’automobile décapotable circulant dans les parages. Angoisse et terreur! Cela signifie que ma vie est désormais en danger quel que soit le lieu où je me trouve.
</p>
<p>
J’aurais bien envie de me faire porter malade, et de me réfugier dans le grenier qui me sert de domicile, mais qu’en penseraient les filles du fermier? Je préfère risquer de me faire encorner plutôt que de passer pour un lâche à leurs yeux. Mieux vaut avoir peur intérieurement qu’avoir honte publiquement.
</p>
<p>
Quelques heures plus tard, tout est rentré dans l’ordre. Le taureau a réintégré son étable, et les bipèdes se retrouvent attablés autour de la soupe. Nous mangeons en silence, comme tous les soirs. Je ne crois pas que les filles des fermiers s’intéressent à moi. Elles me trouvent étrange, voilà tout. De toute façon, elles ne sont pas mon <i>genre</i> non plus, ce qui n’est pas une raison pour démériter à leurs yeux.
</p>
<p>
On aura beau m’affirmer que le « genre » est une pure construction sociale, je continuerai à me méfier des taureaux. On me dira que ces pauvres bêtes sont victimes d’une mauvaise socialisation, qu’ils n’ont pas suffisamment participé aux activités ménagères dans leur jeunesse, qu’ils auraient dû s’habiller en génisse de temps en temps, juste pour voir. Je veux bien affirmer publiquement que tout cela est vrai, ne serait-ce que pour éviter de perdre mon emploi, mais je refuse d’exposer ma vie, et encore moins de mourir en martyr, pour défendre cet acte de foi.
De toute façon, je doute qu’une adepte de la théorie du genre se hasarde à traverser délibérément le champ d’un taureau, même si ce dernier a été rééduqué depuis sa plus tendre enfance.
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-50355297577462179742018-02-02T10:27:00.000-05:002019-01-28T10:29:09.750-05:00La réunion du comité<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiIc6R3lI-zO_YeLmvH3hf1lGW5d4JQpRXjqlsPArPXYakb3LLyx6fZCiDkjr6VhIGhYKqKEIbLeLqjLIjI6phirmXqNkDd8BxZtjXcYWoekWPSWhFR_k6lF5xj5DF3GUc4pkgqGQ/s1600-h/Syndicaliste-03-r2.jpg"><img style="float:left; margin:0 10px 10px 0;cursor:pointer; cursor:hand;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiIc6R3lI-zO_YeLmvH3hf1lGW5d4JQpRXjqlsPArPXYakb3LLyx6fZCiDkjr6VhIGhYKqKEIbLeLqjLIjI6phirmXqNkDd8BxZtjXcYWoekWPSWhFR_k6lF5xj5DF3GUc4pkgqGQ/s320/Syndicaliste-03-r2.jpg" border="0" alt="" title="Une syndicaliste - Dessin de Renaud Bouret" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5201735310186569698"></a>
<span class="note">Dessin de Renaud Bouret<br />Mai 2008</span>
<p>
Les comités se réunissent, pour améliorer le sort des hommes.<br />
Les uns cherchent à conquérir des marchés,<br />
Les autres volent au secours des masses populaires.<br />
Ils sont les deux alibis du conformisme.<br />
Car le monde ignore leurs messes interminables,<br />
Ce monde peuplé de gens qui continuent à foncer, tête baissée, vers leur destin,<br />
Pendant que les comités se penchent sur des virgules.<br />
</p>
<p style="clear:left">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg9yUwcENBs36jNW6U7jVoCPC8KK2jhnCl4zGyCEt5v6zNJeqnpAM6Zf2QgGfRR8YNOUKxtPWG4sntFTosMRTEteNIAlOQz_xJRbcqLzYMd3hQzRBkx61Rk-xJYMaZDKDIygJN7Cw/s1600-h/Syndicaliste-02-r2.jpg"><img style="float:left; margin:0 10px 10px 0;cursor:pointer; cursor:hand;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg9yUwcENBs36jNW6U7jVoCPC8KK2jhnCl4zGyCEt5v6zNJeqnpAM6Zf2QgGfRR8YNOUKxtPWG4sntFTosMRTEteNIAlOQz_xJRbcqLzYMd3hQzRBkx61Rk-xJYMaZDKDIygJN7Cw/s320/Syndicaliste-02-r2.jpg" border="0" alt="" title="Un syndicaliste - Dessin de Renaud Bouret" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5201735391790948338"></a>
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-56023354596231200392017-10-24T15:28:00.001-04:002018-10-08T15:22:46.198-04:00Un pays, deux nations : Preuve par le marketing<p>
Voici un coupon de réduction bilingue datant des années 1980. D’un côté, le texte français (visible sur votre écran). De l’autre, le texte anglais (visible lorsqu’on clique sur l’image en gardant le bouton appuyé).
Nous vous invitons à tenter l’expérience suivante. Observez bien l’image française, puis regardez l’image anglaise pendant une seconde avant de revenir à l’image française.
</p>
<p>
Qu’avez-vous remarqué? Apparemment, les deux versions ne diffèrent que par la langue d’affichage. N’est-ce pas?
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<img border="0" onmousedown="javascript:this.src='https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjiBxOHrUUjcQuEvj-0JvGZRJ6-vm-4kJwHJBvNDP76cYC-d82QSVb95JG2eWLuubCRNG7h_Jvhyphenhyphensk26g_S0uksmecagM5_qxKv90mHyVc0P99OAyHpTgy8fmKoSloNLwSCw9n5/s400/TastersChoice-02-r2.jpg'"
onmouseup="javascript:this.src='https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhGt1JZJXkM0BAndARmrO7MqSSdAJnEVYISZ-NnS1zyh1OhedchiJFOR-v8G5aj5vzF647vjcRFxCBpByryUT2ev1PThtR6jbHY6GVqY6nsGu8mRqznWvI8vlUSqdKsqBRmIOzx/s400/TastersChoice-01-r2.jpg'" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhGt1JZJXkM0BAndARmrO7MqSSdAJnEVYISZ-NnS1zyh1OhedchiJFOR-v8G5aj5vzF647vjcRFxCBpByryUT2ev1PThtR6jbHY6GVqY6nsGu8mRqznWvI8vlUSqdKsqBRmIOzx/s400/TastersChoice-01-r2.jpg" width="270" height="400" data-original-width="1000" data-original-height="1483" />
</div>
<p>
Maintenant, répétez l’expérience. Avez-vous découvert quelques petits détails supplémentaires? Oui? Non? Recommencez deux ou trois fois.
</p>
<p>
Tout compte fait, il y a énormément à dire sur ces images. Puisqu’elles sont destinées à un public foncièrement différent, leur construction s’appuie sur des éléments psychologiques, sociologiques, esthétiques bien distincts. C’est ce que nous allons démontrer. Mais auparavant, nous vous invitons à répondre aux questions suivantes, en tenant compte des versions française et anglaise :<br />
1. Que pensez-vous du choix des couleurs?<br />
2. L’image est-elle présentée en caméra objective (on y voit le consommateur) ou subjective (la scène est vue à travers les yeux du consommateur)?<br />
3. La position du consommateur est-elle la même dans les deux versions?<br />
4. L’atmosphère, le statut social sont-ils les mêmes dans les deux versions?<br />
5. Le slogan affiché sur les images est-il à double sens?<br />
6. Que pensez-vous de la représentation de l’homme et de la femme?
</p>
<h2>Nos réponses</h2>
<p>
Le nombre des couleurs présentes est strictement limité. Commençons par la version française.<br />
— Noir et blanc : le café et la tasse, les notes du clavier, la partition, le stylo. Deux couleurs stylées, et en parfaite opposition.<br />
— Rouge et vert (sur le pot uniquement) : le « vrai » café (rouge, couleur chaude), et le décaf (vert, couleur froide).<br />
— Marron : les grains de café, le métronome, le bois du piano.<br />
— Doré (sur le pot uniquement) : couleur symbolisant la richesse et la noblesse du produit, qui n’est, après tout, qu’un ersatz.<br />
</p>
<p>
Dans la version anglaise, on retrouve le même ensemble de couleurs, mais dans un agencement différent. Le doré se retrouve abondamment dans le décor, ce qui donne une touche plus bourgeoise à la scène (mais moins aristocratique). Le rouge et le vert présents sur l’étiquette du pot sont également réutilisés dans ce décor cossu, avec la même nuance précise (velours du fauteuil et abat-jour). Les couleurs y sont plus texturées que dans la version française (lampe, abat-jour, bordure du fauteuil, tasse), accentuant le contraste entre atmosphère intellectuelle (version française) et pantouflarde (version anglaise).
</p>
<p>
Les deux scènes sont prises en caméra subjective. Le consommateur francophone se tient debout, devant son piano. Il vient sans doute de prendre une pause bien méritée, après avoir joué une mazurka de Chopin ou une gymnopédie d’Éric Satie. La partition, qu’il maîtrise déjà, a été négligemment remisée sur le dessus du piano. Qui sait si notre artiste amateur n'y pas ajouté quelques annotations de son cru avec son sobre stylo noir et blanc.
</p>
<p>
Par contre, si on se fie à l’angle de prise de vue, le consommateur anglophone se trouve confortablement assis dans son salon, le cul posé sur un rembourrage de velours.
</p>
<p class="marge">
Comme laisse entendre le slogan à double sens inscrit sur la photo, il n'y a pas que le café qui a du goût. Le consommateur en a tout autant, puisqu'il a su choisir la bonne marque.
</p>
<p>
Dans les deux cas, on cherche à flatter le consommateur. Si on le transforme en aristocrate ou en bourgeois, c’est pour prêter quelque noblesse à ce produit roturier qu’est le café soluble. En effet, pour pratique qu’il soit, le café instantané évoque plus spontanément la lavasse yankee que le percolateur italien.
</p>
<p>
Reste à toucher un mot du rôle donné aux deux sexes par ces messieurs-dames de <i>Taster's Choice</i>. Pour cela, examinons les étiquettes des pots de café. Sans surprise, la femme, réputée plus douce, est associée à la potion décaféinée. Mais ce serait oublier un détail bien plus subtil. Dans la version anglaise, la femme de l’étiquette se retrouve au centre de la photo, face au consommateur : on aperçoit nettement son reflet dans la tasse. Dans la version française, le consommateur se tient debout, devant le pot de café « fort ». Le reflet de l’étiquette, encore plus visible ici et probablement rajouté en surimpression, sert à renforcer cette perception inconsciente. Nous nous risquerons donc à émettre l’hypothèse suivante : la société canadienne-anglaise, comme la société américaine et contrairement à la société québécoise, est foncièrement matriarcale. Cela dit, le standing social de l’homme québécois demeure peut-être purement symbolique. C’est quand même déjà pas mal, et c’est sans doute l'essentiel.
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<h4 style="clear:left;">Annexe : Deux nations, deux soupes</h4>
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Le coupon suivant faisait partie du même lot que le précédent. Ici encore, le recto diffère sensiblement du verso. La version française montre une cuillère de soupe bien remplie, prête à se voir enfournée dans la bouche grande ouverte du consommateur. En avant-plan, un bon cultivateur bien de chez nous, un vrai, pas rasé, mal peigné, devant son étal au marché, avec un prénom qui rappelle les vieux villages de province. Pour un Québécois, la dégustation de la soupe est avant tout une expérience sensuelle, en plus d'un rituel ancestral.
</p>
<p>
Pour le consommateur anglophone, le flegme est de mise. La soupe est là pour être admirée, plus que pour être mangée. Les ingrédients sont mis en évidence, bien rangés.
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<p>
Le problème de la soupe en boîte, c'est qu'elle n'est pas constituée de légumes frais comme la soupe maison. Dans les deux versions, le message principal vise à faire oublier ce handicap du produit : régal des papilles pour le Québécois, cocktail d'ingrédients sains pour le <i>Canadian</i>.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh35STV8vHv_hP2s57EcP9eLfkbuRIUz9z5PT8UBbH48Xs1Tmsrj35SpiTwvo56YfR2SoIIVT2O4GHNGWL1L_ui-vbNw4OwqV97OcDkv6P8_y-iqYpn90O7I62u_qh4L2uPocQL/s1600/Lipton-002.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh35STV8vHv_hP2s57EcP9eLfkbuRIUz9z5PT8UBbH48Xs1Tmsrj35SpiTwvo56YfR2SoIIVT2O4GHNGWL1L_ui-vbNw4OwqV97OcDkv6P8_y-iqYpn90O7I62u_qh4L2uPocQL/s400/Lipton-002.jpg" width="212" data-original-width="814" data-original-height="822" /></a>
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Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-17884274142640768492017-10-24T14:59:00.001-04:002017-10-24T14:59:49.220-04:00Les syndicalistes<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhrcmp3NUNax1qwZYwPhxWifh7gbwQf3M-t1jB6iyAyDGEEXNdo1IdMdKJO0ygi7Z2ZqFCC0sPgTcRCIaIoQMBKzihnfi06IiUhbcQF96KsxTdLMbT6PjxzHGAOd7c_V9oPR5qIoA/s1600-h/LesSyndicalistes-r2-gris.jpg"><img style="float:left; margin:0 10px 10px 0;cursor:pointer; cursor:hand;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhrcmp3NUNax1qwZYwPhxWifh7gbwQf3M-t1jB6iyAyDGEEXNdo1IdMdKJO0ygi7Z2ZqFCC0sPgTcRCIaIoQMBKzihnfi06IiUhbcQF96KsxTdLMbT6PjxzHGAOd7c_V9oPR5qIoA/s320/LesSyndicalistes-r2-gris.jpg" border="0" alt="" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5191357558356095778"></a>
<span style="display:none">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgpBxvUKruijjncKNJg-qEyI6oS9koNln0JN_zBHgZ0utfuhDb1glir0tsA4BO0dgAM8DaC9ej2QyCkjZwKOetq_pWDB2I4u1-7fij3d6c4kcMMFE043sfCJsyKgHFslwO7fmjcsg/s1600-h/LesSyndicalistes-r2.jpg"><img style="float:left; margin:0 10px 10px 0;cursor:pointer; cursor:hand;" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgpBxvUKruijjncKNJg-qEyI6oS9koNln0JN_zBHgZ0utfuhDb1glir0tsA4BO0dgAM8DaC9ej2QyCkjZwKOetq_pWDB2I4u1-7fij3d6c4kcMMFE043sfCJsyKgHFslwO7fmjcsg/s320/LesSyndicalistes-r2.jpg" border="0" alt="" title="Dessin de Renaud Bouret" id="BLOGGER_PHOTO_ID_5189183468567744882"></a>
</span>
<span class="note">Dessin de Renaud Bouret<br />2008</span>
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Blague classique : « En Chine, il y a tellement d'inégalités sociales qu'on aurait besoin d'un parti communiste. Malheureusement, celui-ci est déjà au pouvoir. »
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<p>
Au Québec, les pensions des travailleurs retraités ne sont pas indexées à l'inflation. Si un retraité a le mauvais goût de ne pas mourir assez vite, il peut finir ses jours avec une rente qui aura fondu de moitié. Si seulement nous avions de véritables syndicats!
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<p>
Il y a encore, chez nous, quelques syndicalistes syndicalistes. Et il y a tous les autres.<br />
Normalement, ces derniers sont assez contents d'eux-mêmes.<br />
Comme les <a href="http://bailide.blogspot.com/2007/09/les-secrtaires-gnraux-du-parti.html">secrétaires généraux du Parti</a>, ils se savent utiles et importants.<br />
Ils ont compris que le syndicalisme mène à tout, et notamment à des postes de patron.
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-13886531320079045362017-03-12T21:03:00.001-04:002020-08-09T13:24:41.679-04:00Apprendre par cœur : pour les avantages et les joies que cela procure à tout être doué d’un cerveau<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjhpZFpZaKjdo4FAlMpjeNWl0-E6J3wfh85-ImuPn6KD61XWpRfFArqtrYFrUU9L0UTaiLsnkrrTvjVFI5SugXtc2rpNPeqKp3eby2K6II2UUQOfR3C91RpkI4wcmD8ZC0_yoOj/s1600/KakiZakuro-060-r2-plume.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjhpZFpZaKjdo4FAlMpjeNWl0-E6J3wfh85-ImuPn6KD61XWpRfFArqtrYFrUU9L0UTaiLsnkrrTvjVFI5SugXtc2rpNPeqKp3eby2K6II2UUQOfR3C91RpkI4wcmD8ZC0_yoOj/s320/KakiZakuro-060-r2-plume.jpg" width="320" height="240" title="Photo de Renaud Bouret" /></a></div>
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Apprendre par cœur est un des sports les moins dangereux pour la santé, même si les ignares diplômés prétendent que cette innocente activité, qui s’accommode fort mal de la paresse, rend les gens idiots. Idiots? Peut-être dans des cas d’abus extrêmes, comme pour n’importe quelle pratique. D’ailleurs les singes savants de nos petites écoles, que les ignares diplômés aiment citer en exemple, étaient sans doute idiots dès le départ, raison pour laquelle ils avaient recours au « par cœur », leur unique ressource.
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<p>
Tout au plus, le par cœur peut s’avérer une perte de temps, comme bien d’autres activités pourtant prisées par les apôtres de la pédagogie moderne. Au pire, le par cœur est inutile. Au mieux, il libère l’être humain de multiples servitudes.
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<p class="marge">
Il y a des élèves qui apprennent comme des perroquets sans rien y comprendre comme il y a des fumeurs invétérés qui ne meurent jamais du cancer. Cela ne justifie pas plus l’abus de tabac que la prohibition du « par cœur ».
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Le par cœur permet d’acquérir des réflexes conditionnés, extrêmement utiles : marcher (sans regarder ses pieds), changer les vitesses de l’auto (sans regarder ses mains), parler des langues étrangères (sans se heurter sans cesse à l’obstacle des conjugaisons, déclinaisons et autres élucubrations). <b>Des automatismes qui libèrent l’esprit et le rendent disponible pour des tâches plus élevées.</b>
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<p>
D’ailleurs, il n’existe pas deux façons entièrement distinctes de retenir les choses, où l’une serait basée sur le par cœur, et l’autre sur la compréhension (en d’autres mots : d’un côté la bêtise et, de l’autre, l’intelligence). Au contraire, les deux mécanismes sont souvent intimement liés. Pour retenir les mots d’une langue étrangère, rien ne vaut les relations que l’esprit peut établir avec d’autres mots, que ce soit sur le plan logique, historique ou phonétique. Cependant, ces relations ne peuvent se tisser dans une tête vide : un minimum de bourrage de crâne préalable est nécessaire pour rendre le terrain fertile. Plus la tête se remplit, plus les possibilités de relations augmentent, et de façon exponentielle. En voici deux exemples.
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<p class="marge">
Exemple 1 : Le secret de l’apprentissage des langues
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<p>
Avis : Pour mieux prouver ce qui suit, je me dois de faire une confidence. J’étais particulièrement nul en anglais et en latin lorsque je fréquentais l’école secondaire, au point de redoubler ma classe de Seconde (à l’âge de 15 ans). Plus précisément, j’étais dernier de la classe dans les deux matières, et mon ultime examen de latin m’avait valu la note assez rare de 2,5/20 (probablement bonifiée par charité professorale). Pourtant, cette évidente absence de « don pour les langues » ne m’a pas empêché par la suite de maîtriser la maudite langue de Shakespeare, la divine langue de Dante, et la chaleureuse langue de Cervantes. Ni de me débrouiller honorablement en portugais, en occitan, en <a href="http://ramou.net/">chinois</a>, en <a href="http://nihon.cegep.net">japonais</a>, en <a href="http://ramou.net/tahitien/">tahitien</a>, et… en latin. Ni de déchiffrer sans trop de peine les alphabets arabe, grec et cyrillique. Tout le secret réside dans la façon de faire travailler sa mémoire. Car ce qui compte, ce n’est pas tant d’être intelligent, mais de travailler intelligemment.
</p>
<p>
L’exemple qui suit illustre l’importance d’une tête bien pleine (et pas seulement bien faite) dans l’apprentissage. Tout francophone qui a un jour réfléchi à la chose a pu constater que la séquence de sons [K+T] contenue dans les mots d’origine latine s’est généralement transformée en [I+T]. Nous obtenons ainsi les paires nocturne/nuit, destruction/détruit, fructueux/fruit, octave/huit, strict/étroit, lacté/lait (dans ce dernier cas, le son [I] ne se fait plus entendre). Si on prend la peine d’y penser, l’articulation du son [K] dans la bouche est très proche de celle du son [I] (ou de sa variante [Y]). Le passage d’un son [K] au son [I], dans certaines circonstances historiques ou phonétiques n’a donc rien de surprenant. (Plus de détails sur cette règle sur notre site <a href="http://englishwords.cegep.net">Vocabulaire anglais et racines françaises</a> et plus précisément la page
<a href="http://englishwords.cegep.net/php/AffVocabu.php?champ=fr&val=Ct-It">Ct-It</a>.)
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<p>
Or, il se trouve que l’une des grandes difficultés de la grammaire japonaise réside dans « l’irrégularité » de ses conjugaisons. En dehors de ses exceptions, la règle suivante est pourtant simple : pour construire le passé d’un verbe, on ajoute la syllabe <i>ta</i> à son radical. Ainsi, le verbe <i>tabe-ru</i> (manger) devient <i>tabe-ta</i>; <i>tat-u</i> (se lever) devient <i>tat-ta</i>, etc. Par contre, le verbe <i>aruk-u</i> (marcher) devient <i>arui-ta</i>; le verbe <i>isog-u</i> (se hâter) devient <i>isoi-da</i>, etc. Il faut bien se rendre compte que si les Japonais ont les yeux bridés et un air que certains trouvent peu catholique, leur bouche, leur langue et leur palais ressemblent étrangement à ceux des Gaulois pur laine. Au cours de l’histoire, la séquence phonétique [K+T] s’est transformée en [I+T], aussi bien en japonais qu’en français. (En japonais, la séquence [G+T] = [I+D] n’est que l’équivalent sonore de la séquence sourde [K+T] = [I+T].)
</p>
<p>
Puisque, en tant que francophones, nous pratiquons <i>inconsciemment</i> la même règle phonétique que les Japonais, il nous est facile de maîtriser cette particularité de leur langue. Il suffit de transformer l’inconscient en <i>conscient</i>.
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<p class="marge">
Le « par cœur » et l’intelligence sont les deux mamelles de la mémoire (Bái Sully). (NB. Le Grand timonier aurait dit : « Il faut marcher sur les deux jambes ».)
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Ainsi, plus on a étudié de langues dans sa vie, plus il est facile de maîtriser les mystères des langues qui nous sont encore inconnues. Du moins si on prend la peine de mémoriser un certain nombre de mots et de formes (le « par cœur ») et de s’intéresser aux bases de la linguistique (phonétique, étymologie, etc.). On ne peut établir des relations entre éléments que si ces derniers ont déjà élu domicile dans notre cerveau, cette merveilleuse cité où tous les habitants sont de proches voisins. Plus la tête est remplie de ces connaissances, plus l’apprentissage devient agréable et productif. Plus la tête est pleine, plus il est facile d’y rajouter des connaissances! Une mémoire ne déborde jamais, bien au contraire!
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<p class="marge">
Exemple 2 : Le secret d’une imagination débordante
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<p>
Que dire du banal taxi qui nous a pris en charge la semaine dernière, à notre retour de Cuba? Bien que doté d’une mémoire très ordinaire, et amoindrie par les années, je puis me rappeler les détails suivants : le numéro de permis du chauffeur était le 348; les trois premiers morceaux de musique qu’il a fait jouer sur sa radio satellite s’intitulaient respectivement <i>Sabor a mí</i>, <i>Caminito</i> et <i>Adiós Buenos Aires Querido</i> (cette dernière chanson m’étant alors parfaitement inconnue).
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<p>
Tous ces détails peuvent paraître bien insignifiants, mais ils illustrent parfaitement le mécanisme d’une mémoire solide. Pour retenir un élément, il suffit de lui donner un sens, <b>intellectuel</b> ou <b>émotif</b>, en le reliant à ce qui se trouve déjà dans la mémoire.
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<p>
J’habitais naguère au 384, rue Paradis, pendant mon adolescence en exil à Marseille. Les murs de cette rue étroite étaient recouverts d’une couche de suie, qui allait du noir charbon (au ras du sol) au gris sale (en altitude); le soleil méditerranéen éclairait à peine le quatrième étage de l’immeuble où nous logions; les automobilistes aperçus de tout là-haut grillaient allègrement le feu rouge du carrefour voisin; la bonne du sixième s’était, un matin, jetée (volontairement?) par la fenêtre, etc., etc. Le numéro du taxi me ramenant la semaine dernière d’un pays chaud à un pays froid me renvoyait simplement le souvenir inversé de cet exil marseillais : 3+84 devenait 3+48. Grâce à cette association d’idées, je fus en mesure de me rappeler le matricule de mon chauffeur de taxi pendant quelques jours. Chose pas entièrement idiote au cas où le voyageur oublie son parapluie (ou son passeport) sur la banquette arrière.
</p>
<p>
Avant de démarrer, le chauffeur du taxi avait pris deux précautions technologiques. Tout d’abord, il avait mis en marche son récepteur de radio par satellite qui, par une heureuse coïncidence, jouait un pot-pourri des vieux classiques d’Amérique latine. Puis, il s’était livré à une laborieuse série de manipulations sur son GPS (un des pires ennemis de la mémoire), avant de déclarer forfait. De toute façon, notre chauffeur cinquantenaire connaissait la ville comme sa poche. N’était-ce pas son métier? me direz-vous.
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<p class="marge">
Les chansons, les arbres, les gens ont généralement un nom qui leur est propre. Ceux qui ont pris la peine de mémoriser ces noms, en gardent des souvenirs bien plus riches, et se rappellent plus facilement des circonstances dans lesquelles ils s’y sont frottés.
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<p>
Venons-en maintenant aux trois premières chansons jouées dans le taxi. À première vue, rien ne ressemble plus à une vieille balade latino qu’une autre vieille balade latino, un air d’opéra qu’à un autre air d’opéra, et une symphonie de Beethoven (sauf la Cinquième) qu’à une symphonie de n’importe quel autre musicien célèbre. On peut passer ainsi sa vie à ne rien reconnaître et, par le fait même, passer à côté d’un certain nombre de trésors. Libre à chacun de rétrécir ses horizons. Ceux qui préfèrent les élargir le feront au prix d’un petit effort de mémoire.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNAM38-MZMYK1iiLyXoHHdLJ-mrV7KoI3vTVqbFAOuEkZ9o-3PWXKkG03UoJV2RV3MJzSd0j6-UHf7m-ngnpJ5togTsll9sXXgOZlVps2wTL7JIiL65Td4mDcQzO4_zoV_cLea/s1600/PB060167-r4.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNAM38-MZMYK1iiLyXoHHdLJ-mrV7KoI3vTVqbFAOuEkZ9o-3PWXKkG03UoJV2RV3MJzSd0j6-UHf7m-ngnpJ5togTsll9sXXgOZlVps2wTL7JIiL65Td4mDcQzO4_zoV_cLea/s320/PB060167-r4.JPG" width="320" height="240" title="Photo de Renaud Bouret" /></a></div>
<p>
Le premier morceau de musique s’intitulait <i>Sabor a mí</i>. Je l’avais justement entendu jouer deux jours plus tôt par un saxophoniste cubain en chair et en os (et en timbre), dans le hall d’un hôtel (devant zéro spectateurs).
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<p>
Il est utile, et à la portée de la plupart des gens, de retenir les titres des chansons, d’en écouter les paroles, de les fredonner, voire d’en retrouver les accords au piano ou à la guitare. Il s’agit également d’une excellente façon d’apprendre, dans la joie, une langue étrangère. Dès lors, une chanson ne se résume plus à quelques notes perdues dans le brouillard. On se dit : j’ai déjà entendu la chanson intitulée <i>Sabor a mí</i> dans un bistrot de Cuzco, le jour de l’Assomption, en compagnie d’une certaine mademoiselle Graça, jouée par un jeune pianiste amateur de Nat King Cole, etc., etc. J’ai ensuite réutilisé un fragment de ses paroles pour faire un compliment à une belle inconnue hispanophone croisée l’année suivante, à tel endroit, à tel heure et selon telles conditions météorologiques. Enfin, j’ai réentendu cette même chanson dans le taxi de l’aéroport, matricule 348, dont le GPS était en panne.
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<p>
Le second morceau s’intitulait <i>Caminito</i> : « Petit chemin, que le temps a presque effacé, toi qui nous a vus un jour passer tous les deux… » Résumé nostalgique de la vie de bien des hommes, qui les fait renouer, l’espace d’un refrain, avec leurs amours perdues. Comment peut-on passer à côté d’un tel joyau? Taisons-nous un instant et méditons.
</p>
<p>
Le troisième morceau commençait par une phrase plus banale, mais parfaitement intelligible : « Adiós Buenos Aires Querido ». Bien que totalement inconnue de mes oreilles, cette chanson a néanmoins rappelé à ma mémoire une myriade de souvenirs. J’en livre ici un échantillon, non pas pour en faire étalage, mais pour illustrer le fonctionnement d’une mémoire à la fois ordinaire et bien exercée. Buenos Aires rime avec tango. Tango rime avec danse sociale dans le sous-sol de l’église en face de chez moi (j’étais aussi mauvais danseur que piètre latiniste). Tango rime aussi avec l’examen annuel de gymnastique de l’École normale de Yangzhou, le jour même de mon arrivée, où chaque garçon devait enchaîner des pas de valse, de cha-cha et de tango dans les bras d’une étudiante virtuose, et ce, en présence de toute la faculté. Tango rime également avec Carlos Gardel. Carlos Gardel rime avec Toulouse (dont il est originaire). Toulouse rime avec le père Collini, qui en fut l’archevêque, après avoir été évêque d’Ajaccio et simple abbé me préparant à la première communion. Qui dit Collini (évêque), dit Montini (pape). Qui dit l’impériale Ajaccio, dit la modeste Vico, avec son couvent et les fresques décrépites de sa salle à manger donnant sur la montagne de la Sposata. Qui dit Vico dit chanteurs corses, qui se produisaient sur la place du village. Qui dit chanteur corse dit <i>Canzona per Maria</i>, autre petit chef-d’œuvre du tango où l’interprète se languit de la jeunesse disparue. (NB. Pour ne pas laisser planer des doutes sur ma santé mentale, je préfère interrompre ici cette chaîne interminable des souvenirs qui ont assailli ma mémoire pendant l’écoute de cette chanson.)
</p>
<p>
Plus notre tête est remplie, plus elle nous fait voyager, à travers le monde et à travers le temps. Plus les évènements dont nous sommes témoins prennent un sens, que ce sens soit intellectuel ou émotif, plus on les retient. Notre mémoire est ainsi faite, comme l’ont si bien montré le professeur Ivan Pavlov et ses honorables héritiers.
</p>
<p class="marge">
Éloge du « par cœur »
</p>
<p>
On mémorise les choses grâce aux relations qu’il est possible d’établir dans son cerveau avec tout ce que l’on sait déjà. Cependant, ce mécanisme est rarement suffisant dans l’apprentissage d’une langue. Pour maîtriser une liste de mots étrangers indispensables, il faut également faire appel à la répétition. Les mots les plus rétifs ne se fixeront dans la mémoire que par la brutale méthode du par cœur.
</p>
<p>
Connaître un poème ou une chanson par cœur, c’est comme embrasser d’un coup d’œil l’ensemble d’un panorama plutôt que d’en découvrir chaque parcelle l’une après l’autre. Cela permet de s’immerger totalement dans le poème ou la chanson, de mieux réciter l’un et interpréter l’autre, et de prendre plus de plaisir à les fréquenter.
</p>
<p>
Un récit fait sens grâce à la mémoire. Si, en tournant la page d’un roman, on oubliait ce qui a été dit à la page précédente, la lecture serait impossible. Lorsque le récit est court et que sa forme tient une place de choix, comme dans un poème, il vaut la peine de s’en imprégner en totalité, en l’apprenant par cœur. On pourra non seulement mieux saisir l’harmonie du bouquet, mais on éprouvera une douce joie à se le réciter dans un moment de solitude.
</p>
<p class="citation" style="margin-left:6em;">
Dans Arles, où sont les Aliscamps,<br />
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,<br />
Et clair le temps,<br />
Prends garde à la douceur des choses.<br />
Lorsque tu sens battre sans cause<br />
Ton cœur trop lourd ;<br />
Et que se taisent les colombes :<br />
Parle tout bas, si c’est d’amour,<br />
Au bord des tombes.<br />
(Paul-Jean Toulet)
</p>
<p class="marge">
Pas de mémorisation sans une participation active de l’élève, sur le plan intellectuel, émotionnel, et même physique.
</p>
<p>
Un dernier conseil pour exercer sa mémoire.
Il n’y a guère d’apprentissage sans une participation active de l’apprenant, d’où la productivité presque nulle, et parfois négative, de l’écoute d’émissions télévisées prétendues éducatives.
Mieux vaut se trouver derrière les fourneaux que devant la nappe. Mieux vaut pédaler que regarder le Tour de France. Mieux vaut pianoter médiocrement la chanson <i>Sabor a mí</i> que se contenter de l’écouter sans l’avoir jamais caressée. Mieux vaut mal parler chinois à un Chinois que bien lui parler anglais. Mieux vaut construire sa propre chaumière que se payer un palais. Mieux vaut chercher l’aventure que se complaire dans sa routine.
</p>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-13579169392872279852016-06-26T16:37:00.000-05:002016-06-26T16:47:58.349-05:00Populisme
<p>
Les élites et leur cour s’offusquent des coups de gueule du peuple, qui prétend, lors de référendums, rejeter l’option unanimement défendue par la classe dirigeante et par son porte-voix, la grande presse. Bravant les menaces et les insultes, le peuple anglais plébiscite le Brexit (2016), le peuple grec refuse la punition allemande (2015), le peuple français rejette l’Europe néolibérale (2005). Ces évènements n’ont pourtant rien d’étonnant. Contrairement aux élections présidentielles et législatives, où, par delà leurs promesses rhétoriques, les candidats s’entendent pour appliquer, une fois élus, le même et unique programme économique, les référendums demeurent les dernières consultations populaires à proposer un véritable choix aux électeurs.
</p>
<p>
Bien sûr, les grands de ce monde peuvent faire fi des résultats exprimés par la volonté populaire, une fois, deux fois, trois fois. Ils conseilleront aux sans-dents, qui réclament du pain, de manger de la brioche. Ils expliqueront aux blaireaux français qu’ils ne possèdent pas l’expertise nécessaire pour juger d’un traité qui ne leur convient pas. Ils traiteront allègrement les Grecs de voleurs, de paresseux et de profiteurs (qualificatifs qui seraient respectivement sanctionnés par la loi s’ils visaient respectivement les Arabes, les Noirs ou les Juifs, mais qui sont tout à fait acceptables pour décrire nos frères du sud de l’Europe). Quant aux Britanniques qui ont osé voter contre ce qu’ils considèrent comme de l’eurocrétinisme, on fera lourdement remarquer qu’ils sont plus âgés et moins scolarisés que les électeurs de l’autre camp. On accusera ainsi les vieux Rosbifs d’avoir volé l’avenir de leurs enfants (qui vivent encore souvent aux crochets de leurs parents, crise économique oblige, et qui n’ont, pour la plupart, pas jugé utile de voter), et on rappellera à tous ces mauvais coucheurs leur manque de diplômes (chose pourtant assez répandue chez les ouvriers et les moujiks).
</p>
<p>
Cependant, c’est un fait historique, les peuples, généralement bonasses, se fâchent de temps en temps. Chassez la démocratie un peu trop souvent et elle revient au galop.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiXeKrsaOwKdWvdYvICmiuj-yjgvlPJm53xdMFD6DFKSx5rvNsRlrUJQy_n_qJKeyi8awLtRlBE20VqBAQFlyBEJjTtpoIRxzdzVgLRx7U6OtLkOfuigYEDaVfitJsYKM9jcDTd/s1600/drapeau-UE.png" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 0em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiXeKrsaOwKdWvdYvICmiuj-yjgvlPJm53xdMFD6DFKSx5rvNsRlrUJQy_n_qJKeyi8awLtRlBE20VqBAQFlyBEJjTtpoIRxzdzVgLRx7U6OtLkOfuigYEDaVfitJsYKM9jcDTd/s320/drapeau-UE.png" /></a></div>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-81377446924368448042016-05-27T13:06:00.000-05:002016-07-12T11:50:44.471-05:00Tromper les gens en leur disant la vérité<p>
Comme le signalait Mark Twain (ou un de ses collègues), une personne qui ne lit pas le journal est une personne non informée, tandis qu’une personne qui lit le journal est une personne <i>désinformée</i>. Sacré farceur! Il plaisantait. Vous ne ferez jamais croire que le « journal de référence » Le Monde ou la prestigieuse Agence France Presse se permettraient de nous cacher la vérité, ou de la tordre!
</p>
<p>
Tenez, prenons cette dépêche de l’AFP, publiée le 28 avril 2016 par Courrier international (journal indépendant appartenant à un autre journal indépendant qui s’appelle justement <i>Le Monde</i>) : <br />
<span class="citation">« Le Parlement chinois a voté une loi imposant un contrôle aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères. »</span>
</p>
<p>
Jusqu’ici, rien de plus normal, on nous relate des faits précis (qui, quoi, où, quand, etc.). Apparemment, c’est de l’information pure. Il est évident que les activités de toutes les organisations, gouvernementales ou non, sont encadrées par des lois, quel que soit le pays. Cependant, la phrase est déjà tendancieuse, car elle laisse d’emblée, chez le lecteur, une impression défavorable envers les autorités chinoises : d’un côté, nous avons les gentils (les ONG, véritables organismes de charité qui s’évertuent à répandre le bien sur la terre), et de l’autre, le méchant (le Parlement chinois qui, doublement autoritariste, « <i>impose</i> un <i>contrôle</i> »).
</p>
<p>
Après tout, c’est de bonne guerre. Mais, au cas où le lecteur ne serait pas assez naïf, ne vaudrait-il pas mieux lui mettre les points sur les « I »? Empruntons la plume du rédacteur de l’AFP et tâchons d’améliorer la formulation de la dépêche : <br />
<span class="citation">
« Le Parlement chinois a voté une loi <b>très controversée</b> imposant un contrôle aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères. »</span><br />
C’est déjà plus méchant, mais allons plus loin : <br />
<span class="citation">« Le Parlement chinois, <b>aux ordres du Parti communiste</b>, a voté une loi très controversée imposant un contrôle aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères. »</span><br />
Comme nous le savons, nos parlements occidentaux sont au service du peuple (d’où l’inexistence de lobbies à Washington et à Bruxelles). Celui de la Chine, par contre, est aux ordres du Parti communiste, il était essentiel de le rappeler.
</p>
<p>
Réflexion faite, il vaudrait mieux rajouter encore du beurre sur la tartine : <br />
<span class="citation">« Le Parlement chinois, aux ordres du Parti communiste, a voté une loi très controversée imposant un contrôle aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères, <b>soulevant une vive inquiétude des intéressés et des observateurs.</b> »</span><br />
</p>
<p>
Qui sont ces mystérieux <i>observateurs</i>? Et quel est leur lien avec lesdits <i>intéressés</i>? Le second paragraphe qui viendra compléter la dépêche publiée par l’AFP, y fera indirectement allusion : <br />
<span class="citation">« L’initiative, pressentie de longue date, avait déjà provoqué une levée de boucliers d’organisations caritatives et de gouvernements étrangers. »</span><br />
Les intéressés inquiets sont, bien évidemment, les organisations <b>non gouvernementales</b>, implicitement assimilées ici à des organisations caritatives. De leur côté, les observateurs semblent se confondre avec certains <b>gouvernements</b> étrangers (les États-Unis?), qui sont, paradoxalement, les principaux commanditaires des ces mêmes ONG.
</p>
<p>
Ce paradoxe n’est d’ailleurs un secret pour personne, car il suffit de visiter le site de la <a href=http://www.ned.org">NED</a> pour constater que bon nombre desdites ONG qui préoccupent tant le Parlement chinois sont financées par le Congrès des États-Unis, alors que d’autres reçoivent leurs fonds d’oligarques (« philanthropes ») américains tels que <a href="https://www.opensocietyfoundations.org/">George Soros</a>.
</p>
<p>
Pour reconnaître ces ONG hétérodoxes, qui font dans la politique plutôt que dans les œuvres caritatives, il suffit en général de vérifier que leur appellation sociale contient un mot clé tel que : ouverture, transparence, droits humains, démocratie, liberté, forum, agora.
</p>
<p>
Mais ce n’est pas fini. L’AFP a tenu à étoffer le second paragraphe de son communiqué en y ajoutant les mots suivants (en caractères gras) : <br />
<span class="citation">« L’initiative, pressentie de longue date, avait déjà provoqué une levée de boucliers d’organisations caritatives et de gouvernements étrangers <b>s’inquiétant des pouvoirs accrus donnés à la police</b>. »</span>
</p>
<p>
Il n’y a en soi rien d’extraordinaire à ce que la police chinoise ait la responsabilité de faire respecter les lois promulguées par son parlement. Il en va de même dans tous les pays civilisés. Pourquoi, alors, ajouter cette <i>vérité</i> de la Palisse à la phrase, si ce n’est pour renforcer l’impression que la Chine est, contrairement à nos démocraties, un État policier. En langage de sophiste, cela s’appelle tromper les gens sans leur <i>mentir</i>. L’illustration qui accompagne la dépêche, montre effectivement un policier (<a href="http://bailide.blogspot.ca/2008/11/les-uniformes-3.html">un soldat? un concierge? un gardien de stationnement?</a>) au visage de Janus.
</p>
<p>
Les deux premiers paragraphes de la dépêche de l’AFP, tels que publiés sur le site de <a href="http://www.courrierinternational.com/depeche/la-chine-adopte-une-loi-tres-restrictive-pour-les-ong-etrangeres.afp.com.20160428.doc.a2533.xml">Courrier international</a>, se lisent donc comme suit : <br />
<span class="citation">« Le Parlement chinois, aux ordres du Parti communiste, a voté une loi très controversée imposant un contrôle aux organisations non gouvernementales (ONG) étrangères, soulevant une vive inquiétude des intéressés et des observateurs. »<br />
« L’initiative, pressentie de longue date, avait déjà provoqué une levée de boucliers d’organisations caritatives et de gouvernements étrangers s’inquiétant des pouvoirs accrus donnés à la police. »
</span>
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgm-pL0Utp9j6mc9tULPn2KBcipQFkY3zbLVeoat3o8f8O0DMsX67lXTDtDYTBQGD1Q3jRDA4fxTkDUhiglJvi-p2LSkuUDE6dNG7sJ6o8ixqqMUHY1utcCq01i0N3DBo_0eOMu/s1600/AFP-Chine-160428-VocabulaireChoisi-x2.png" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgm-pL0Utp9j6mc9tULPn2KBcipQFkY3zbLVeoat3o8f8O0DMsX67lXTDtDYTBQGD1Q3jRDA4fxTkDUhiglJvi-p2LSkuUDE6dNG7sJ6o8ixqqMUHY1utcCq01i0N3DBo_0eOMu/s640/AFP-Chine-160428-VocabulaireChoisi-x2.png" /></a>
</div>
<p>
<br />
À priori, nous comprenons que les gouvernements cherchent à enjoliver, voire à dénaturer la réalité. Ne s’agit-il pas d’un des fondements de la politique? Nous accueillons donc toujours les communiqués de l’Agence Chine nouvelle, de Radio Spoutnik ou de l’Élysée avec le minimum d’esprit critique. Cependant, notre esprit critique doit également s’exercer à l’égard de toute source d’information réputée indépendante. Comme on a pu le constater, la dépêche de l’AFP citée ici ne se contente pas de transmettre une information objective, mais elle essaie surtout de communiquer un message subjectif au lecteur, que ce soit par des allusions, des associations d’idées, des formulations ambigües ou des silences éloquents, tous facilement repérables par un œil averti, et ce, sans jamais proférer de mensonges directs.
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-56139017102791845562015-08-19T18:30:00.001-04:002020-12-26T18:27:29.854-05:00Achat à crédit et qualité de vie<p>
Extrait d’une lettre qui nous a été expédiée :<br />
« Monsieur, selon nos dossiers, la valeur de votre véhicule Hyundai vient d’atteindre son point d’équité… »<br />
On nous souligne que cette conjonction favorable des planètes nous permettra d’acquérir, sans douleur, un tout nouveau véhicule, témoignage de client satisfait à l’appui, dans le style « Merci, Hyundai, grâce au point d’équité, j’ai pu acheter une nouvelle auto pour remplacer celle vieille de quatre ans que j’avais. Signé : Jos Bleau ». On nous presse enfin de prendre contact avec un représentant des ventes de Hyundai.
</p>
<p>
À la lecture de cette lettre, je me dis que Hyundai, prend ses clients pour des imbéciles, un peu comme la femme de feu l’ex-président du Nigéria qui prétend transférer la somme de 3,1416 milliards de dollars par l’intermédiaire de mon humble compte en banque. En lançant ainsi sa canne à pêche à tout va, Hyundai, comme cette noble dame, finira sans doute par attraper quelques beaux poissons.
</p>
<p>
Des imbéciles? Je m’explique. Que veut-on dire par point d’équité? Tout simplement que mon actif et mon passif sont égaux. Pour parler plus simplement, disons qu’il me reste 10 000 $ à rembourser sur mon prêt-automobile, et que la valeur de mon véhicule, après X années, est justement de 10 000 $. Si je vendais mon véhicule maintenant, je pourrais donc solder ma dette. Je ne devrais plus un sou à mon créancier… et, ne l’oublions surtout pas, <b>je n’aurais plus d’auto</b>! Franchement, sans auto et avec zéro dollar en poche, je ne vois pas en quoi le fait d’avoir atteint le point d’équité me faciliterait l’achat d’un nouveau véhicule.
</p>
<p>
De toute façon, je considère, en tant que consommateur rationnel, que mon véhicule a toujours frisé sa valeur d’équité. Le jour où je l’ai acheté, je me suis délesté de 20 000 $ en argent sonnant pour obtenir un véhicule valant justement 20 000 $ aux prix du marché. On me rétorquera que, si j’avais voulu revendre mon auto une heure plus tard, j’aurais sans doute perdu quelques milliers de dollars (je serais alors passé sous le point d’équité, que je n’aurais rattrapé qu’après plusieurs années). Je ferais simplement remarquer que, lorsque j’achète une auto ou un kilo de cerises, ce n’est pas pour les revendre une heure plus tard. De plus, si j’ai consenti à acheter un véhicule au prix de 20 000 $, c’est que pour moi, il valait justement plus de 20 000 $. C’est ce qu’on appelle le « surplus du consommateur », principe vieux comme le monde, et sans lequel le commerce n’aurait jamais pu exister. J’estime donc, en tant que propriétaire de l’auto, que je me trouve, d’emblée, au-dessus du soi-disant point d’équité.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1gaVBzzeeRZDZWhwf5m7Hxkpq_dbSo_m-u1eNqiwKm-gIbozELOMvnxzAp6Fbzl7VgVW6FhqQk9HH8BJiEJQWJt7tQw661M6hsU4_EWOq51TyWaa1MzDW_6Mq90d_lm2s7P06/s1600/reCerise.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj1gaVBzzeeRZDZWhwf5m7Hxkpq_dbSo_m-u1eNqiwKm-gIbozELOMvnxzAp6Fbzl7VgVW6FhqQk9HH8BJiEJQWJt7tQw661M6hsU4_EWOq51TyWaa1MzDW_6Mq90d_lm2s7P06/s320/reCerise.jpg" /></a></div>
<p>
Il est toujours possible que, une heure après l’achat de mon kilo de cerises, je perde mon emploi, ma maison brûle, ma femme s’enfuie avec mes économies, et la bourse s’effondre. Je me verrais alors contraint de revendre mes cerises à perte, il faut le reconnaître. Cependant, jusqu’à ce jour, cette perspective ne m’a jamais tracassé, la preuve étant que je me rends toujours chez le marchand de fruits d’un cœur léger.
</p>
<p>
On se rappellera que le boniment de Hyundai commençait par « …selon nos dossiers… ». En général, c’est une expression à ne pas prendre au pied de la lettre. On devrait même la traiter avec méfiance. Dans un tel cas, les deux hypothèses les plus probables sont les suivantes : ou bien votre correspondant ne possède aucun dossier sur vous (méthode de phishing nigérian classique), ou bien il possède un tel dossier, mais il n’a pas pris la peine de le consulter. La seule chose qui est certaine, c’est que l’auteur connaît votre adresse, et, parfois, votre nom.
</p>
<p>
Si le service marketing de Hyundai (ou de sa succursale locale) avait consulté mon dossier, il aurait constaté que « les paiements qui restent à effectuer sur votre véhicule » ne peuvent avoir été rejoints par la valeur marchande dudit véhicule, pour la bonne raison que j’ai payé ce véhicule en argent comptant, ce qui m’a permis d’obtenir une réduction de 12 % sur le prix officiel. En théorie, le taux d’intérêt sur l’achat d’un véhicule à crédit était de 0 %, mais il s’agit d’un artifice puisque le paiement comptant donne droit à une réduction substantielle (j’aurais même pu obtenir un rabais de 20 %, comme je l’ai constaté trop tard).
</p>
<p>
Ce qui nous amène au coût réel du crédit. En apparence, ce coût semble peu élevé. Disons que vous achetez une automobile de 25 000 $ à crédit, avec un taux d’intérêt de 0 %. De mon côté, je paie mon automobile comptant, sachant que les taux d’intérêt gratuits n’existent pas, et je débourse, après remise, la somme de 20 000 $. On nous dira que la différence n’est pas bien grande, après tout, et que, lorsqu’on ne dispose pas d’argent liquide, mieux vaut sacrifier 5000 $ d'intérêt que faire son épicerie à pied ou transporter ses enfants dans une brouette pendant cinq ans. Toutefois, si on vous disait que cette automobile, que vous avez cru payer 25 000 $, vous aura coûté, au bout du compte, dans les 60 000 $? Difficile à croire? C’est pourtant ce que nous allons démontrer.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgb9PncBbvzA-pVjpCk95WK6RGNooP586LFfgE_OPscLJDrrg-HkNQdl-J0VHAxwyEpNJlYPG_r8VT3C9nd41dLZZHDpr18vJj-4BCdWxc9BWObRjxa3Q83aGT0XW8eO5iNjqXt/s1600/Nicolet-081018-015-r3.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgb9PncBbvzA-pVjpCk95WK6RGNooP586LFfgE_OPscLJDrrg-HkNQdl-J0VHAxwyEpNJlYPG_r8VT3C9nd41dLZZHDpr18vJj-4BCdWxc9BWObRjxa3Q83aGT0XW8eO5iNjqXt/s320/Nicolet-081018-015-r3.jpg" /></a></div><p>
Prenons deux individus, respectivement nommés Cigale et Fourmi. Tous deux sont dans la fleur de l’âge (ils ont vingt ans), et se trouvent passablement désargentés. Cigale achète à crédit, pour la somme de 25 000 $, une belle auto neuve, valant 20 000 $ au comptant. De son côté, Fourmi se paie un vieux bazou, pour la modique somme de 1000 $ (autant dire zéro). Il va sans dire que le tacot de Fourmi refusera parfois de démarrer, en plein cœur de l’hiver, mais, justement, le fils de la voisine, qui n’a pourtant pas l’air très futé, s’y connaît en mécanique et dépanne Fourmi régulièrement. Cigale ne connaîtra jamais le bonheur d’entendre ronronner un moteur qu’on croyait définitivement trépassé, ni celui de prendre une bonne bière avec le fils de la voisine qui s’y connaît en mécanique. Cependant, soyons honnête, pendant quelques années, la vie de Fourmi ne se déroulera pas sans quelque souffrance ou désagrément.
</p>
<p>
Cinq ans plus tard, le moment est venu de se procurer un nouveau véhicule. Cigale n’a pas un rond en poche, puisque sa voiture, qui lui a coûté 25 000 $, vient d’atteindre son point d’équité. Cigale sera obligée d’emprunter à nouveau pour se payer un véhicule neuf. Pendant ce temps, Fourmi, qui n’a pas eu besoin de rembourser des créanciers, a épargné 25 000 $. Fourmi peut donc se permettre l’achat d’un véhicule neuf, le même que Cigale, dont il partage justement les goûts. Fourmi paie son véhicule au prix du comptant (soit seulement 20 000 $), et profite de la ristourne de 5000 $, qu’il investit en rigolades, voyages ou placements.
</p>
<p>
À partir de là, Cigale et Fourmi rouleront dans des véhicules similaires. Tous les cinq ans, ils se procureront un véhicule entièrement neuf, de la même marque et du même modèle. La seule différence étant la suivante : Cigale, ne possédant pas d’épargne, déboursera, chaque fois, 5000 $ de plus que Fourmi.
</p>
<p>
Le temps a passé. Cigale et Fourmi viennent de prendre leur retraite (et leur vie est loin d’être finie). Entre l’âge de 25 ans et l’âge de 65 ans, ils ont eu leu temps de changer 8 fois de véhicule, ils ont toujours acheté du neuf, et ils ont bénéficié du même confort. Chacune de ces 8 fois, Cigale, contrairement à Fourmi, a déboursé 5000 $ d’intérêt, soit une somme totale de 40 000 $! Tout ça pour avoir tenu à rouler, entre 20 et 25 ans, dans une automobile neuve, tandis que Fourmi devait se contenter d’une affreuse teuf-teuf. Cette première auto neuve, achetée par Cigale le jour de ses 20 ans, lui aura donc occasionné, tout bien calculé, un déboursé supplémentaire de 40 000 $, soit deux fois la valeur du véhicule en question! À l’âge de 20 ans, elle s’est donc acheté une auto valant 20 000 $, qu’elle a cru obtenir à crédit pour 25 000 $, et qui lui a en fait coûté 60 000 $! Ça fait cher pour éviter de se geler le cul dans sa jeunesse!
</p>
<p>
Cela dit, chacun dépense son argent comme il veut. Obtenir une auto neuve à 20 ans, pourquoi pas? Mais il n’est pas inutile d’en connaître le prix réel (et exorbitant).
</p>
<p>
Et encore, nous avons été charitables dans nos calculs. Nous aurions pu tenir compte du fait que le taux d’intérêt de 0 % n’est souvent valable que pour la première année, et que d’autres types de prêts sont accompagnés de taux usuraires (25 % pour les cartes de crédit). Et que dire du confortable matelas que Fourmi a pu se constituer pour sa retraite en plaçant une partie des intérêts ainsi épargnés!
</p>
<p>
Devant des arguments aussi imparables sur le plan logique, la seule porte de sortie pour l’emprunteur naïf demeure l’argument <i>psycho</i>logique. Cigale nous rétorquera : « D’accord, au point de vue mathématique, vous avez raison, mais que faites-vous de la <b>qualité de vie</b>? » (elle parle bien sûr de la qualité de vie <b>matérielle</b>).
</p>
<p>
Il va pourtant de soi que le bien-être matériel diminue rapidement, et de façon permanente, lorsqu’on se retrouve endetté. Par définition, Cigale consomme moins que Fourmi, depuis l'âge de 25 ans jusqu'à la fin de ses jours, puisqu’une partie de son revenu est constamment consacrée au paiement des intérêts sur sa dette. Le seul moyen pour Cigale de continuer à consommer autant que Fourmi consisterait à s’endetter toujours davantage, ce qui ne ferait qu’aggraver sa situation à plus ou moins brève échéance, et de voir une part croissante de son revenu confisquée par ses créanciers sous forme d’intérêts à verser.
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Dans ces conditions, comment expliquer le recours à l’argument de la qualité de vie, chez une personne prenant son bien-être au sérieux telle que Cigale? Comme nous l’avons indiqué, cet argument n’est pas de nature rationnelle, mais psychologique, c’est-à-dire qu’il s’agit en réalité d’une « excuse valable ». La personne endettée reconnaît le fait que son endettement a un coût. Mais, comme on dit, il faut souffrir pour être belle : dans la vie, les plus belles choses ne s’obtiennent pas sans un minimum d’effort ou de désagrément. La souffrance ne constitue alors que le prix raisonnable à payer pour atteindre le bonheur. Par analogie, la punition auto-infligée que représente le versement des intérêts sur une dette constitue justement la preuve de l’amélioration de la « qualité de vie » : « Je l’ai payé cher, donc j’ai gagné quelque chose de précieux. »
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Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-21107417749257550212015-05-25T12:51:00.004-04:002020-12-27T10:05:39.140-05:00Résolution de problème, motivation et réforme scolaire<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiWFYbJj67Hwyv2pwNLe3BbDFh6peKu3o5BntQBoQrBobwume38n2eUCer8uhMpbZ8XzNmLEpPDOHjuPWqCyPEj2S-bverUPMJaNttkNai6eqzh2gIyozk-wtc0Txtx0-5jCkaX/s1600/reCanard.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiWFYbJj67Hwyv2pwNLe3BbDFh6peKu3o5BntQBoQrBobwume38n2eUCer8uhMpbZ8XzNmLEpPDOHjuPWqCyPEj2S-bverUPMJaNttkNai6eqzh2gIyozk-wtc0Txtx0-5jCkaX/s1600/reCanard.jpg" title="Dessin de Renaud Bouret"></a></div>
<p class="note">
Avis : Le but de ce présent billet n'est pas de faire étalage d’un don quelconque (et inexistant), mais d'illustrer un des principaux mécanismes de la mémorisation.
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Lorsque je suis devenu professeur, au début de ma carrière, on m’a envoyé suivre dix cours en « sciences » de l’éducation, soit l’équivalent d’une année de scolarité universitaire. Une véritable sinécure, puisqu’on pouvait réussir ces cours avec une excellente note sans étudier, ni même apprendre quoi que ce soit. L’histoire qui suit se passe dans un de ces cours entièrement ineptes. L’ambiance, à la faculté d’éducation, était cependant agréable. Certains profs se montraient fort drôles, tandis que d’autres, plus nombreux, s’avéraient être de piètres pédagogues. En somme, si le contenu de leurs cours n’avait pas le moindre intérêt, la fréquentation de ces sympathiques professeurs, qui servaient d’exemple à suivre, et surtout à ne pas suivre, ne fut pas entièrement inutile.
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Le prof de la faculté des sciences de l’éducation :<br />
— Je vais vous donner trois minutes pour rédiger une liste de tous les noms d’oiseau que vous connaissez. Combien pensez-vous en trouver?<br />
— Au moins 30 ou 40, Monsieur, s’accordent à dire les étudiants interrogés.<br />
— Eh bien moi, affirme le prof, je vous gage que vous n’en trouverez pas plus que dix… Attention, départ!
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Dans un cas comme celui-là, l’homo sapiens ordinaire se laisse immanquablement prendre au jeu. Comme dans tout jeu, il est disposé à faire de son mieux, et il souhaite, autant que possible, surclasser ses adversaires. Que les pseudo-pédagagogues ne viennent pas dire le contraire!
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjwfTvporEb7piML-aQ2kwRICgNuyhdXc3gmpLTKNATG35kqEzmS7tmdlPURM-pmu8mX1XhffC2OPPNaIhlyGjbdwXT5EfawE5klkOM2eC-6mUXHcyN_RGpCONWd87YZJS7gii/s1600/reHeron.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgjwfTvporEb7piML-aQ2kwRICgNuyhdXc3gmpLTKNATG35kqEzmS7tmdlPURM-pmu8mX1XhffC2OPPNaIhlyGjbdwXT5EfawE5klkOM2eC-6mUXHcyN_RGpCONWd87YZJS7gii/s1600/reHeron.jpg" title="Dessin de Renaud Bouret"></a></div>
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Et moi, je suis justement un homo sapiens! Il me revient aussitôt en mémoire la classification, purement didactique, enseignée par ma chère maîtresse du cours moyen au Lycée de Carthage, quand j’avais 8 ou 9 ans. Vous aviez : les coureurs (autruche, nandou, casoar, kiwi, etc.), les échassiers (échasse, héron, aigrette, etc.), les palmipèdes (canard, oie, sarcelle, cygne, mouette, goéland, etc.), les gallinacés (poule, coq de bruyère, paon, etc.), les colombins (pigeon, colombe, tourterelle), les rapaces diurnes (aigle, épervier, vautour, etc.) et nocturnes (hibou, chat-huant, grand-duc, engoulevent, etc.), les grimpeurs (pic épeiche, pivert), les passereaux (moineau, fauvette, mésange, pinson, sittelle, bruant, cardinal, gros-bec, corbeau, corneille, etc.).
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiEQeFQuKnIjuBdSxJCujgQdPf9SG7JK_eMulkRrK-gf_ygSHDg9Cert82CGI1NuK8OU43FZL0ul1XVsIwmImutseCiakXVy6hEXQ2asze5-NunxQezUhyir5ThAwdtz5o_skBJ/s1600/reCigogne.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiEQeFQuKnIjuBdSxJCujgQdPf9SG7JK_eMulkRrK-gf_ygSHDg9Cert82CGI1NuK8OU43FZL0ul1XVsIwmImutseCiakXVy6hEXQ2asze5-NunxQezUhyir5ThAwdtz5o_skBJ/s1600/reCigogne.jpg" title="Dessin de Renaud Bouret"></a></div>
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Tic tac! Tic tac! Une bonne minute s’est déjà écoulée. Il m’a été facile de trouver, <i>en moyenne</i>, une demi-douzaine de représentants pour chacun de ces groupes. Personnellement, je n’ai pas grand mérite. J’ai simplement profité d’un enseignement de qualité, tel qu’il était prodigué autrefois dans les lycées français de métropole et d’outremer.
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Voyons voir… Il y a, également, les oiseaux qui fréquentent les hommes, de gré ou de force : en cage (canari, perruche, chardonneret, inséparables), au jardin (merle, rouge-gorge), dans la basse-cour (dindon, pintade), dans l'assiette (grive, caille), à la chasse (perdrix, faisan, faucon), dans le plumard (l’eider de l’édredon), à la pêche (cormoran), sur les toits et les cheminées (cigogne). N’oublions pas ceux qui parlent (perroquet, mainate), et ceux qui ont un drôle de nom (marabout, râle, chouette). Voilà de quoi étoffer notre liste précédente.
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjkWDUZb9t4_XY_W6bEwkeJsw0MkOmeIFLDh3uJxJE-15xWjm-KL0Yy5JCmRXrAr8zw5WOfVgWUVkGzg_l9WZ-zX7g0tSC2HgydLN14SleqtFsz1tznDXAvZuUhGgO_dRM3I8P7/s1600/reLoriot.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjkWDUZb9t4_XY_W6bEwkeJsw0MkOmeIFLDh3uJxJE-15xWjm-KL0Yy5JCmRXrAr8zw5WOfVgWUVkGzg_l9WZ-zX7g0tSC2HgydLN14SleqtFsz1tznDXAvZuUhGgO_dRM3I8P7/s1600/reLoriot.jpg" title="Dessin de Renaud Bouret"></a></div>
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On peut aussi classer les oiseaux par continent ou région. Voyons si nous n'avons pas oublié dans notre liste, quelques oiseaux d'Afrique (grue couronnée, pique-bœuf), d'Amérique du Sud (lori, ara, toucan, urubu), des eaux glaciales (manchot, pingouin, macareux-moine, huard), des îles (cacatoès), etc. N'oublions pas les oiseaux que nous avons vus nous-mêmes en voyage ou en excursion (buse, bernache, loriot, harfang, sterne, fou de Bassan).
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifq8QcXDFvPOgBQ_bkRupnskSKoTvIOuBkTXNUdBmZvijVfTpK5jKeEiPH7rmZ9PSAI_YcQfDsoVz2-97GgaGVDKf1mwrOinAVEbNTCYmKpsn-R5pmIT63zveVjqmOIz_ieM2C/s1600/reCanardMandarin.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifq8QcXDFvPOgBQ_bkRupnskSKoTvIOuBkTXNUdBmZvijVfTpK5jKeEiPH7rmZ9PSAI_YcQfDsoVz2-97GgaGVDKf1mwrOinAVEbNTCYmKpsn-R5pmIT63zveVjqmOIz_ieM2C/s1600/reCanardMandarin.jpg" title="Dessin de Renaud Bouret"></a></div>
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Il y a aussi les oiseaux évoqués dans les arts et la littérature, le rossignol des contes chinois, la pie voleuse de l'opéra, l’alouette et le coucou de la chanson, le pélican et l’albatros de Musset et Baudelaire, le roitelet de La Fontaine, la bécasse du timbre tunisien à un demi-millime et la huppe du timbre de Saint-Marin à quatre lires, le canard mandarin et le faisan doré des images échangées à la récréation, le flamant rose de Jean Jacques Audubon, l’ibis sacré des hiéroglyphes, le quetzal de la coiffure du grand Moctezuma, la mésange bleue peinte pendant le cours de dessin (qui m’a valu une maigre note de 10/20).
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJZ6jFVq-cQmB5u7Oira8Bf6szGb20bTO2mTVmx5Wtax1BRwaIJvV-mBtkhbiyEei7XsmekXqiHJNLwqwJChXbjAw4Pr_re88NX7YY4VUn0z7zWgQtlcZi1gzzXDlSZKvh8fuj/s1600/reHirondelle.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhJZ6jFVq-cQmB5u7Oira8Bf6szGb20bTO2mTVmx5Wtax1BRwaIJvV-mBtkhbiyEei7XsmekXqiHJNLwqwJChXbjAw4Pr_re88NX7YY4VUn0z7zWgQtlcZi1gzzXDlSZKvh8fuj/s1600/reHirondelle.jpg" title="Dessin de Renaud Bouret"></a></div>
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Il y a aussi les gros et les petits (colibri), les discrets et les tape-à-l'oeil (oiseau-lyre), les solitaires et les grégaires (étourneaux), les migrateurs et les sédentaires (geai bleu), les silencieux et les chanteurs (serin), les monochromes et les multicolores (guêpier, martin-pêcheur), les faux frères (le martinet et l’hirondelle), les doux et les cruels (pie grièche). Il y a ceux qui privilégient le ras de l’eau (poule d’eau, butor) ou l’ivresse des grands sommets (condor, choucas).
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Il va de soi que chaque nouvelle façon de retourner le problème est de moins en moins productive. Cependant, après trois petites minutes, la récolte semble encore inépuisable.
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« Posez vos crayons! »<br />
Les trois minutes sont passées. À vrai dire, la plupart des étudiants, à court d’inspiration, n’ont rien écrit depuis un bon moment. Ils auront simplement ressassé dans leur tête le mot « oiseau, oiseau, oiseau », en vain, sans trouver l’inspiration. Il faut préciser que notre cours, qui porte sur la résolution de problème, vise justement à remplacer ce type de recherche par litanie, que l’on pourrait qualifier de procédé de la bécasse (à un demi-millime), par une véritable méthodologie.
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Notre prof, qui manque malheureusement d’autorité, se laisse souvent malmener par les deux mégères du premier rang, plus âgées que lui. Elles l’interrompent à tout bout de champ, prétendant même lui donner des conseils pédagogiques, du haut de leur longue expérience et de leur profonde ignorance, et le benêt se laisse faire. Aujourd’hui, toutefois, il est clair que la plupart des étudiants de notre groupe ont séché sur le problème, car on n’a pas tellement vu les crayons s’activer. Le prof bonasse aura sa revanche. Le voilà qui, d’un air triomphant, interroge ses étudiants. Combien, Monsieur? Huit seulement? Et vous? Sept? Ah, ici, nous avons un douze, félicitations! Mesdames, en avant (les deux fatigantes)? À peine quatre (si ça se trouve, elles ont même copié)? Bravo, je dis « vive le prof! », pour une fois qu’il rabaisse le caquet de ces deux vieilles picouilles. Si j’ai payé cinquante piastres de frais scolaires, c’est pour profiter des lumières du prof, et non pour entendre le caquetage de deux emmerdeuses qui lui manquent de respect (précisons que toutes ces méchancetés restent cachées dans mon for intérieur).
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Le prof continue sa tournée… Il m’a regardé. Mon cœur bat. À moi aussi, le prof va me demander mon score, et je pourrai épater la galerie. En principe, je devrais me taire, mais, manquant naturellement de modestie et pétri de culture marseillaise, j’annonce « au moins quatre-vingts ». Les deux matantes du premier rang me foudroient du regard. D’autres étudiants, en entendant mon accent légèrement étranger, accent associé à tort ou à raison aux cordons bleus et aux péteux de broue, optent pour cette seconde option. Quatre-vingts, c’est impossible, ça ne peut être qu’un mensonge, qui ne sera pas inclus dans la moyenne du groupe.
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Au Québec, comme en Chine, il est malvenu d'exhiber son savoir, tandis qu’à Marseille l’outrance est le ressort de l’éloquence. Même si la « diversité » fait partie des valeurs québécoises officielles , il ne faut pas prendre ce noble principe à la lettre. En pratique, il vaut mieux faire preuve de conformisme.
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Cette aventure ne me guérit malheureusement pas de ma vanité et de mon goût pour la gasconnade. D’abord, ma performance était loin, selon moi, de constituer un exploit. Le premier apprenti pédagogue venu, avec un peu de méthode, de curiosité et d’expérience de vie, aurait pu en faire autant, sans parler des experts véritables qui m’auraient carrément enterré. De toute façon, j’étais dernier en latin et avant dernier en gymnastique, j’ai bien le droit d’être le meilleur en énumération de noms d’oiseaux, non mais sans blague! Voilà de belles justifications à mon arrogante conduite, car l’homme préfère normalement se justifier plutôt que de procéder à une véritable autocritique.
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Par ailleurs, l’activité d’apprendre étant souvent rébarbative, la fierté de briller auprès de ses camarades et du professeur constitue alors le <b>juste salaire de cette peine</b>. Nous nous trouvons ici devant un des principaux <b>ressorts de la motivation</b>, messieurs les soi-disant pédagogues! En général, l’élève qui a fait l’effort d’apprendre ne se dit pas « je suis meilleur que les autres : je vais épater les camarades pour les humilier », il se dit « je suis meilleur que si je n’avais pas fait d’effort, et tout le monde sera témoin de cette vérité. »
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Autrefois, l’élève qui se forçait dans ses études était généralement admiré par son entourage, y compris par ses pairs, à moins de posséder par ailleurs quelque défaut détestable. Quand un de mes camarades brillait particulièrement en classe, je ne me vexais pas. Au contraire, j’en étais fier, car, moi qui ne me classais jamais au premier rang, je pouvais me vanter auprès des élèves des autres classes : « Hé! Les amis, vous connaissez le génie Untel? Eh bien, c’est un collègue à moi, presque un copain! »
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En arrivant dans le Midwest, à l’âge de 17 ans, j’ai constaté, à ma grande surprise, que dans les milieux populaires américains, il était plus cool pour un élève d’être “con” que d’être “bon”. Même si, une fois les études terminées, “c’était toujours les cons qui finissaient par balayer les chiottes des bons”. Cette mentalité étrange (et masochiste), qui a fini par déborder sur l’Europe dans les décennies suivantes, était encore plus répandue dans les ghettos : un élève noir qui connaissait ses capitales et ses formules de géométrie était traité par ses pairs de “pédé”, ou, ce qui était pire, d’“Oncle Tom” ou de “Blanc”. Aujourd’hui, ledit “pédé” est probablement devenu un médecin riche et respecté, tandis l’élève qui l’insultait se retrouve à faire le ménage de la clinique (au salaire minimum), à moins qu’il ne soit carrément pensionnaire d’un des nombreux goulags surpeuplés de la grande Amérique.
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Malgré des résultats désastreux, les soi-disant experts en pédagogie se sont empressés d’encourager cette paradoxale course à la nullité, et de la justifier par des principes psychologiques vaseux. Si seulement ces dangereux pédagogues visaient un simple nivellement par le bas, ce serait encore trop beau! Mais non, le bas n’est jamais assez bas pour eux, et chaque réforme de l’éducation, sous prétexte de venir au secours des plus faibles, s’applique à faire descendre davantage le “seuil minimal de nullité” (SMDN).
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Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, le résultat est toujours le même. Plus on diminue le niveau de l’instruction publique, plus on favorise les disparités sociales. Les uns, ceux qui viennent de milieux privilégiés s’instruiront <i>malgré</i> le système scolaire; les autres se retrouveront, à l’école, devant le même vide culturel que chez eux, en lieu et place de l’ascenseur social que constituait un enseignement de qualité. Plus que jamais, les premiers deviendront plus tard les maîtres, et les derniers, leurs serviteurs.
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Les spécialistes du marketing prennent bien soin de cacher les défauts de leurs produits. Le producteur de fraises à OGM vendra ses mutantes géantes sous la bannière « La ferme Nature Tradition », le marchand de légumes défraichis nommera son magasin « Le Marché frais ». Le nom décrivant le produit ayant pour but de cacher la réalité, il permet du même coup de découvrir le pot au rose. Il suffit d’inverser ce nom : Hollande est tout sauf socialiste, Obama est tout sauf démocrate, la presse dite <i>libre</i> appartient à des oligarques, et le pape n’est pas toujours très catholique.
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Le même principe de marketing s’applique aux réformes scolaires. Puisque ces réformes bidon creusent les écarts entre classes sociales, il est essentiel de les camoufler en les présentant comme des « réformes visant à réduire les inégalités de départ ». Les dindons et les dindes n’y verront que du feu, et glousseront de plaisir.
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Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-7997745975427991172015-05-18T18:34:00.002-04:002020-12-26T19:01:02.872-05:00Peut-on rire de tout?<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjn6iUKn2AyzaSaHFUQtKl0uGDcmZOllr8ZvWLG6CS6jUlt7fqwO_ehubNXtLDQKLuC4rELzODLiqFqxSYAvGl1J1SR5xJYqZETgOHvTEfePH1zptgK6kVH3oKDJTOd6Np7zv8u/s1600/reLievre.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjn6iUKn2AyzaSaHFUQtKl0uGDcmZOllr8ZvWLG6CS6jUlt7fqwO_ehubNXtLDQKLuC4rELzODLiqFqxSYAvGl1J1SR5xJYqZETgOHvTEfePH1zptgK6kVH3oKDJTOd6Np7zv8u/s320/reLievre.jpg" /></a></div>
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Je suis victime d’un complot. Ma femme arbore une mine faussement innocente. Le bébé reste collé devant la fenêtre, probablement à l’instigation de sa mère, les yeux fixés sur le potager. Que manigancent-ils, ces deux-là?
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J’y suis! Mon ennemi juré doit être en train de croquer mes pousses de laitue! Un horrible lapin, tout gras, qui a survécu à l’hiver, et que mes menaces répétées n’ont pas réussi à intimider. Je chausse mes souliers en catastrophe, sans les lacer, je bondis hors de la maison, sournoisement, par la porte de côté, je saisis les plus proches munitions disponibles, à savoir un morceau de solive en épinette de la taille d’une brique, et un fragment de brique véritable en argile de bon aloi. Le lapin, surpris de ma visite inattendue, me considère d’abord avec un certain flegme, avant de prendre la fuite, en décrivant son demi-cercle habituel. Tactique bien aléatoire de l’animal borné face à la stratégie de l’homme intelligent, surtout lorsque cette homme est carthaginois (et donc le digne héritier d’Hannibal Barca). Cependant, le hasard, justement, se porte au secours de la bête immonde. Alors que je fonce sur l’odieux détrousseur d’honnêtes potagers, en m’écriant intérieurement « toi, tu vas décrisser de d’là, mon gros tabarnaque de lapin! », ma chaussure droite s’éjecte littéralement de mon pied, selon une trajectoire oblique, tandis que ma chaussure gauche se prend simultanément les pinceaux dans le funeste tuyau d’arrosage qui gisait en travers de la pelouse. Tel un homme qui, lors d’un accident, revit instantanément les épisodes marquants de sa vie, je visualise d’avance l’ensemble de mon vol plané inéluctable : accélération suffisante pour m’arracher temporairement à l’attraction terrestre, décollage, vol parcourant une courbe parabolique peu éloignée du sol, et atterrissage sur un terrain miné. Par bonheur, ma tête rejoint le plancher des vaches entre la bêche du jardin et le fragment de brique, fragment préalablement lancé sur le lapin et tombé à quelques mètres à peine de sa cible. Ma femme, qui n’a rien manqué du spectacle depuis la fenêtre de la cuisine, éclate de rire, après avoir toutefois été rassurée sur mon état de santé par les jurons que je viens de proférer en me relevant.
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Cette mésaventure, aussi récente qu’authentique, illustre avec éloquence le mécanisme du rire chez l’homo sapiens. Pour mieux en convaincre le lecteur, nous relaterons deux évènements désopilants de même nature.
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L’automne dernier, je pose une solive au-dessus de l’entrée du couloir, fermement appuyée sur les deux robustes bibliothèques encadrant ladite entrée. Je peux ainsi me livrer à une de mes activités préférées, qui consiste à avoir l’intention de faire une vingtaine de tractions tous les matins. Au beau milieu de l’hiver, le facteur sonne à la porte pour livrer un colis. Ce facteur, fort civil au demeurant, a pour politique d’attendre un maximum de trois secondes sur le seuil, avant de repartir avec le colis. Trois secondes, c’est justement le temps qu’il me faut pour parcourir, au pas de course, la distance séparant mon bureau du facteur. Or, au moment même où je passe dans l’entrée du couloir, voilà-t-y pas que cette maudite solive, insensiblement décalée par le chat de ma femme au fil des jours, déboule de sa paisible niche pour tomber sur mon crâne, mon nez et ma joue, avec tout le fracas dont les solives de bois dur sont capables. Ne sachant plus où je me trouve, ayant même oublié qui je suis, je continue néanmoins à marcher, d’un pas légèrement ralenti, jusqu’au but que je m’étais initialement fixé. Le facteur me dévisage d’un air soupçonneux, et me remet le précieux colis, destiné à ma femme (probablement des vêtements pour le bébé). Quelques minutes plus tard, après avoir retrouvé la mémoire et compté toutes mes dents, je ne peux m’empêcher de ricaner, non sans lancinement, de cette mésaventure. Plus les circonstances du désastre sont improbables, plus l’incident prête à rire. Le soir même, d’ailleurs, rebelote. Le bébé, confortablement assis sur mes genoux, et ignorant même ce que sont une solive, un facteur et un nez fendu, s’escrime après sa chaussette, dont il veut se débarrasser avant d’aller prendre son bain. Lorsque la saprée chaussette cède enfin, je reçois le poing du bébé en plein sur mon museau meurtri. Tordant! Le bébé, guidé par un instinct infaillible, se marre encore plus que moi. Comme le faisait remarquer Rabelais, le rire est le propre de l’homme!
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Il y a quelques années, nous projetions, un collègue et moi, le mythique film <i>Johnny Guitar</i> (Nicholas Ray, 1954) devant une classe d’étudiants en sciences sociales. Lorsque l’humble et fidèle serviteur de l’héroïne se fait souffleter à l’improviste par un des fiers-à-bras du parti adverse, la plupart de nos jeunes spectateurs, notamment les garçons, éclatent d’un rire franc et spontané. Mon collègue les sermonne vertement, en riant lui-même sous cape.
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Conclusion temporaire : l’homo sapiens est doté d’une capacité innée à rire de tout autre homo sapiens qui se casse la figure. Le rire est fondamentalement moqueur. Le rire le plus sain consiste sans doute à se moquer de soi-même, quand, par exemple, on vient de se cogner contre un réverbère, tandis qu’on regardait une jolie fille sur le trottoir d’en face (il s’agit d’ailleurs d’une méthode de drague quelque peu dangereuse, mais parfois efficace).
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<p class="citation">
Sujet classique de rédaction au collège : « Le rire est le propre de l’homme », disait Rabelais. Commentez en proposant des arguments (3-4 pages).
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<p class="citation">
NB. Le sujet précédent sera remplacé, suite à la réforme scolaire “visant à réduire les inégalités sociales” (principe anciennement appelé “nivellement par le bas”) par le sujet suivant : J’invite des amis à mon anniversaire, je reçois plein de cadeaux et on s’amuse beaucoup. Dites tout ce qui vous passe par la tête (10-15 lignes).
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Comme Henri Bergson l’a si bien démontré (<i>Le rire</i>, 1900), l’homme n’est pas tant le <i>sujet</i> que l’<i>objet</i> du rire. Ceux qui se posent des questions sur les limites de l’humour (faut-il fermer le caquet de Charlie Hebdo, Dieudonné, et autres blasphémateurs?) feraient bien de relire ce génial classique au lieu de s’évertuer à réinventer la roue. L’homme est le seul animal apte à rire, Rabelais a raison sur ce point, mais, ce qui est encore plus fondamental, c’est qu’on ne peut rire que de l’homme, de sa gaucherie, de sa bêtise et de ses mésaventures, comme nous le démontre Bergson. Même lorsqu’on rit des grimaces d’un singe ou des jappements d’un caniche, c’est encore parce qu’ils nous rappellent le prof de math ou le pion de la cantine.
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Bergson explique également que le rire est un pur phénomène de l’<b>intelligence</b>. Lorsque l’émotion prend le dessus sur la raison, on ne rit plus. C’est pourquoi les fanatiques ne rient guère. Cependant, pour les gens normaux, l’émotion est une faiblesse évanescente, c’est pourquoi, avec un peu de recul, rares sont les quidams qui ne finissent pas par rire de leurs malheurs passés. Avec le temps, telle ou telle circonstance dramatique d’un voyage (manquer un avion, perdre une valise, se faire boucler par un douanier, etc.), par exemple, deviendra immanquablement un sujet d’hilarité pour les intéressés et leurs compagnons.
</p>
<p>
Faut-il imposer des limites au rire? À première vue, cela peut sembler absurde, de la même façon qu’on ne peut imposer des limites à l’abolition de la peine de mort. Quelqu’un qui se définit comme étant opposé à la peine de mort, sauf dans des cas particuliers (pédophile/tueur à gages/traitre/évadé fiscal/voleur de pain dur/etc. — rayer les mentions inutiles) est, dans les faits, favorable à la peine de mort. Car celle-ci ne peut justement s’appliquer, en toute logique, qu’à des cas particuliers, et non à <i>tous</i> les criminels.
</p>
<p>
Ce qui est drôle, ou susceptible de l’être, dépend uniquement de la nature humaine et non des caprices du législateur. On ne rit pas de tout, on rit seulement de ce qui est drôle. Ce qui est drôle, comme nous l’avons déjà vu, c’est soit le bonhomme qui glisse sur une peau de banane, soit le prétentieux qui se fait filouter par un Scapin. Et ce qui neutralise le rire, c’est uniquement l’émotion. Or l’émotion est non seulement variable d’un individu à l’autre, mais elle est trop changeante et capricieuse pour constituer une norme sociale.
</p>
<p>
Alors, peut-on rire des malheurs des hommes (ou de soi-même), de leurs croyances, de leurs superstitions, de leur naïveté? Rien ne nous y oblige, mais pourquoi en priver le reste de la société? De quoi voulez-vous que les hommes rient si ce n’est des autres hommes?
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<p>
Toutefois, ce n’est pas parce que le rire constitue un mécanisme inné de la nature humaine qu’il ne doit en aucun cas être encadré. Car, tout comme l’homme rit d’un personnage de dessin animé déboulant d’une falaise, grâce à la distanciation que lui permet son intelligence, il pourrait user de cette même distanciation envers un véritable animal, ou envers un homme en chair et en os. Ainsi, il nous est arrivé de voir un enfant s’amusant à battre un vieux canasson, sous les encouragements de ses camarades hilares. Faire un croche-pied à un vieillard pouilleux peut même susciter le rire des spectateurs lorsque ceux-ci ont établi une distanciation suffisante. Il suffit en somme de considérer la victime comme un pur étranger à son propre univers (comme un homme “non-humain”) pour que l’émotion, ce gâte-sauce du rire, soit neutralisée. La plèbe romaine devait sûrement se bidonner lorsqu’un chrétien se faisait bouffer par un lion (certains de nos coupables lecteurs sont peut-être même en train de sourire à cette évocation!).
</p>
<p>
Devant le genre de situations pour le moins navrantes que nous venons d’évoquer, la solution n’est certainement pas d’encadrer socialement le droit de rire, selon des règles qui seront de toute façon arbitraires. La solution consiste à humaniser le persécuteur plutôt qu’à le contraindre. Il s’agit d’ailleurs d’un des buts de l’éducation, qui transforme l’enfant, parfois cruel, en adulte plus sensible à son entourage. Il est rare de voir des adultes s’amuser à attacher des casseroles après la queue d’un chien, et ceux qui le feraient seraient aussitôt considérés comme des arriérés mentaux par les autres adultes.
</p>
<p>
Alors, peut-on rire de tout? Certes, car le rire est humain, et ceux qui ne trouvent pas ça drôle n’ont qu’à aller voir ailleurs. Cependant, la bonté fait aussi partie des qualités humaines, et elle seule peut, de son propre chef, encadrer le rire. Contrairement au rire, qui est essentiellement inné, la bonté a toutefois besoin d’être cultivée. Voilà, pour nos censeurs pisse-froid, une plus noble mission que la chasse au blasphème.
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-54488757735104483562015-05-06T11:27:00.001-04:002016-05-27T13:46:34.306-05:00Deux modèles de la jeunesse d’aujourd’hui<p>
À l’approche des commémorations de la chute du nazisme, une chanson patriotique de l’Armée rouge a été remise au goût du jour, en Russie comme en Ukraine. C’est l’histoire d’une jeune fille qui cueillait des grappes de raisin, au petit matin, dans une vigne aux feuilles dentelées. Un jeune homme l’aperçoit, qui blêmit et rougit. Il voudrait l’inviter à contempler l’aube estivale sur le fleuve. Cependant, la jeune fille, une brunette moldave, informe le garçon de la réunion imminente d’un groupe de partisans, qui ont quitté leur foyer ancestral pour libérer la patrie. « Allez, garçon, la route t’attend, rejoins les partisans au plus profond de la forêt. » Le jeune homme, sans doute poussé par l’amour autant que par le devoir, s’enfonce alors dans la forêt, et constate, à sa grande déception, que la brunette ne l’a pas suivi. Au cours de ses pérégrinations, il ne cessera de penser à elle, à la nuit tombée. Soudain, à la fin du troisième et dernier couplet de la chanson, le jeune homme aperçoit la brunette moldave au milieu de la troupe des partisans. « Te souviens-tu, garçon, de ces grappes de raisins au milieu des feuilles découpées, au petit matin d’été? »
</p>
<p class="marge">Deux différents modèles, presque stéréotypés, de la jeunesse d’aujourd’hui.</p>
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Le contraste entre les toutes récentes versions russe et ukrainienne de la chanson est frappant.
Dans ces vidéoclips, ce sont bien des <i>modèles</i> que l’on propose, et non une description documentaire et objective de la jeunesse.
Nous laissons les lecteurs juger par eux-mêmes (de préférence, après avoir visionné les clips!). Nous présenterons notre propre commentaire (objectif) dans la suite de ce billet. On nous pardonnera de forcer un peu la note afin de mieux accentuer le contraste entre ces deux visions du monde.
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<h4>Version ukrainienne</h4>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://www.youtube.com/watch?v=08P7pyHBlq0" imageanchor="1" target="videoUk" style="clear: both; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgLpvWO7Iq9Sp2ojt9AHSazLUKsJa3RFRwsWuMxjvPrgvih1p931zG6fwzaIEsD1zd1cAyLVh8OFK3qTib0_Ilv3WOlEyhBri4eMSUQZxRnAKsXBltUY856WieUXBGY5OkYOdYk/s320/Smuglianka-02.jpg" /></a>
</div>
<p>
Le modèle proposé dans le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=08P7pyHBlq0">vidéoclip ukrainien</a> est celui d’une certaine jeunesse occidentale postmoderniste, sans mémoire, avide de gratification instantanée, ne voyant pas plus loin que le bout de son nombril.
Dédaignant la culture au profit du divertissement, elle méconnaît la nature humaine, si bien décrite par Boccace, Molière et Gogol. Elle ignore les leçons de l’histoire, car elle ne conçoit la vie que dans le moment présent. Comme si les Grecs n’avaient jamais existé, elle se laisse manipuler par les passions plutôt que de dominer son univers par la raison. Par son mépris du passé, elle se condamne à tout réinventer, péniblement, manquant à la fois des outils et de la volonté nécessaires à cette lourde tâche. Elle se prétend mondialiste, mais son monde et sa solidarité se limitent au cercle immédiat de l’individu, constitué de parents et d’amis, ces derniers étant parfois aussi interchangeables que les indispensables gadgets électroniques. En principe, on nous offre ici le modèle officiel de la jeunesse européenne, qui est en réalité, depuis qu’UE rime avec OTAN, une pâle et triste copie du modèle américain. C’est à ce modèle qu’est sommée de s’identifier la jeunesse ukrainienne, présumée avide de modernité occidentale. Cette invitation à l’américanisation, et donc au reniement de ses propres racines, s’accompagne nécessairement de symboles pseudo-nationalistes. La « chanteuse » en transe se fait asperger de litres de sperme symbolique aux couleurs du blé doré et du ciel azur de la glorieuse Ukraine. C’est ce qu’on appelle, là-bas, la <i>lustration</i>.
</p>
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<h4>Version russe</h4>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://www.youtube.com/watch?v=RNGyWbaOD44" imageanchor="1" target="videoRu" style="clear: both; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYeM_PF3IPxCXL-EzcUfFgWKsFCFWBbsl2PnIMehRVvItThVQkb5pNarqip96D6uavkVbnYY9_dTOK4JLZ_pNuQb-oCoMlHohSNfFpuAt0tleA_Mnirf8Axk3WX_3Gq_pxsiEl/s320/Smuglianka-01.jpg" /></a></div>
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Le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RNGyWbaOD44" target="videoRu">vidéoclip russe</a> constitue aussi une construction, et non un documentaire. Cependant, la mise en scène mêle aux acteurs des spectateurs criants de vérité. Ici, les chanteurs n’ont plus besoin de vêtements moulants, ni d’effets spéciaux, ni de batteries électroniques pour couvrir un vide musical. Car il y a deux sortes de mélomanes : d’une part, ceux qui ont horreur du silence, qui fait cruellement écho à leur vide intérieur; d’autre part, ceux qui considèrent que les silences de Mozart sont aussi de Mozart… et indispensables à la musique. Dans ce second clip, les chanteurs dévoilent plutôt leur conception personnelle de l’élégance, teintée de naturel. L’un est un peu dépeigné, l’autre possède une longue mèche qui trahit une coquetterie naïve et sympathique; une jeune fille s’est noué un foulard de soie autour du cou, l’autre a conservé son manteau d’hiver. Le spectateur se laisse progressivement envouter par la musique, qui va crescendo, sans artifice, par la simple beauté des voix, des harmonies, et des paroles qui mêlent le romantisme et la poésie au souvenir des héros d'autrefois. Cette jeunesse, plantée dans un cadre on ne peut plus moderne, n’a pas oublié le sacrifice de ses grands-parents, qui ont lutté courageusement contre l’oppresseur. Il se dégage alors, entre les chanteurs et les spectateurs, que l’on confond parfois, un sentiment de fraternité, comme en écho à cette fraternité qui réunit les hommes simples dans les grandes épreuves. Le spectateur ne contemple plus des vedettes du show-business, il se trouve en présence d’êtres humains qu’il souhaiterait peut-être compter au nombre de ses amis.
</p>
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L’humanité a le choix entre deux avenirs. Reste à savoir lequel des deux l'emportera.
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<h4>PS. Version patriotique traditionnelle</h4>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://www.youtube.com/watch?v=8p7dJN2UjAw" imageanchor="1" target="videoSo" ><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgZg07iFc74FBlLaytcK7kCzp-wRwpoNQ0MF2E_Xe5ziQai4sZncYi0Srg8G5BI6djHRqxGH8TbYdaBeuI2P28ct6STIwAasjVakd8hkwr4w2qmPFOrs449frl02fr0_PSQ5dRq/s320/Smuglianka-03.jpg" /></a>
</div>
<p>
PS. La chanson de la brunette (СМУГЛЯНКA - Smuglianka) avait été reprise dans un film soviétique classique, où bravoure rimait parfois avec amour et accordéon.<br />
</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-53985585970314708432015-03-18T13:38:00.003-04:002020-12-26T19:08:07.438-05:00Les droits du robot<h4>La détresse d’un robot</h4>
<p>
Mon four micro-ondes m’inquiète. Jusqu’à présent, il chantait joyeusement, comme la poule qui vient de pondre, pour m’annoncer que ma tasse de thé était bien réchauffée. À vrai dire, il s’agissait plus d’un sifflement aigu que d’un chant mélodieux. Toujours le même cri désagréable : même fréquence, même durée, même intensité, même timbre. J’avais même fini par redouter cette sirène inopportune, surtout au plein milieu d’un concert de Rachmaninov ou de Salieri. Le hurlement vulgaire d’une <i>machine</i> couvrant la subtilité <i>humaine</i> d’un premier violon ou d’une soprano! Il m’arrivait même de surveiller la minuterie de l’odieux appareil, pour lui couper le sifflet une seconde avant la sonnerie.
</p>
<p>
Aujourd’hui, cependant, la voix de mon four micro-onde m’a parue quelque peu enrouée. Étant moi-même légèrement grippé, j’éprouvai une brève compassion pour ce pauvre esclave mécanique. Si j’avais été Américain, j’en aurais conclu, à l’instar de Kate Darling du MIT, que le temps est venu pour l’humanité de se pencher sur le droit des robots. Dire que j’ai bien failli devenir Américain dans ma jeunesse! Toutefois, bien que soumis pendant un an à un lavage en règle dans mon école de l’Iowa, mon cerveau français, depuis longtemps conditionné par la pensée cartésienne (concept totalement étranger à l’Amérique), avait victorieusement résisté. Là où l’Américain aurait pris la voix hésitante de la machine pour un cri de détresse, je n’ai vu qu’une simple conséquence de l’usure normale de mes oreilles. Avant d’analyser le message de l’émetteur, n’est-il pas essentiel de vérifier le bon fonctionnement du récepteur?
</p>
<p>
Ce four micro-ondes, pour lequel je n’éprouve aucune empathie, malgré les nombreux services rendus, connaîtra-t-il bientôt le destin tragique de son malheureux prédécesseur? Car je fus, il y a quelques années, le témoin d’une scène dramatique qui se déroula dans ma propre cuisine. Mon four micro-ondes d’alors, dont je ne me rappelle d’ailleurs ni la forme ni la couleur (éternelle ingratitude de l’homme face à son serviteur cybernétique!), s’était mis à grincer de façon désordonnée, avant d’émettre des gémissements désespérés. Je m’empressai d’éloigner les enfants pour qu’ils n’assistent pas au spectacle inhumain que ma grande expérience de la vie me faisait pressentir. Bientôt, la machine commença à se tordre, son plastique se mit à fondre, les gémissements laissèrent place à un sanglot, puis à un dernier soupir. Le four micro-onde s’était cuit lui-même, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je m’apprêtai à couper le fusible, mais ce fut inutile. Mon four micro-onde s’était tout bonnement suicidé. Désormais, il était bien incapable de s’infliger la moindre souffrance supplémentaire. Un silence religieux régnait à présent dans mon humble cuisine.
</p>
<p> </p>
<h4>Qu’est-ce qu’un être humain?</h4>
<p>
• 1945 : L’homme n’est pas un animal. L’homme n’est pas une machine. (Procès de Nuremberg)<br />
• 1978 : L’animal a des droits. (UNESCO)<br />
• 2013 : Les robots devraient avoir des droits. (Kate Darling, chercheuse au MIT)
</p>
<p> </p>
<h4>Le droit des robots</h4>
Dans une <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/02/17/donnons-des-droits-aux-robots_1832927_1650684.html#fm5UrXcZEEO2cjER.99">entrevue publiée par le journal Le Monde</a> le 17 février 2012, Kate Darling affirme notamment :
</p>
<p class="citation">
« En décourageant la maltraitance des robots sociaux, on promeut des valeurs que l'on juge bonnes pour notre société, comme bien traiter toutes les choses et tous les êtres.
<br />
Si un enfant donne des coups de pied dans son jouet robotique, il le fera peut-être aussi à un chat ou à un autre enfant. Dans certains pays, lorsqu'un cas de maltraitance d'animaux est découvert, cela déclenche automatiquement une enquête sur d'éventuelles maltraitances envers les enfants. Parce que ce genre de comportement a tendance à se transférer. »
</p>
<p>
Ce soi-disant raisonnement, qui est en fait un préjugé bien ancré, est fondé sur une <a href="http://bailide.blogspot.ca/2014/10/quest-ce-quune-uvre-dart.html">erreur méthodologique classique</a> qui consiste à renverser la relation entre variables : <br />
• Si les gens maltraitent les robots, ils finiront par maltraiter les animaux, puis leurs propres congénères.<br />
• La plupart des batteurs d’enfants ont eux-mêmes été des enfants battus, donc la plupart des enfants battus battront un jour leurs propres enfants (cf. <a href="http://bailide.blogspot.ca/2007/02/un-sophisme-qui-la-cote.html">Un sophisme qui a la cote</a>).<br />
• La plupart des colonels sont des hommes, donc la plupart des hommes sont des colonels.
</p>
<p>
Ce genre de sophisme constitue d’ailleurs l’un des fondements de la chasse aux sorcières.
</p>
<p> </p>
<h4>L’intelligence artificielle</h4>
<p>
En quelques décennies, on a ainsi renversé la définition du tribunal de Nuremberg servant à juger les crimes contre l’humanité. Même si rien n’empêche de remettre en cause les principes énoncés en 1945, il ne s’agit pas d’une chose banale. Cependant, il faut l’admettre, le sujet dépasse nos capacités de simple citoyen. Alors, revenons à nos machines. Si certains les traitent avec déférence, il en est d’autres qui les craignent.
</p>
<p class="citation">
Un jour, les machines seront dotées d’intelligence artificielle, et alors attention les dégâts! Nos fours micro-ondes se mettront en grève (perlée), nos serrures électroniques refuseront de s’ouvrir (à certaines heures), et nos haut-parleurs sans fil nous interdiront d’écouter du Rachmaninov et du Salieri (dont nous ne soupçonnerons d’ailleurs même plus l’existence).
<br />
(Le prophète de malheur Bái Lìdé)
</p>
<p>
Eh bien, rassurons-nous. L’intelligence artificielle n’est pas pour demain. L’anecdote (récente et absolument véridique) qui suit le confirmera. Mais avant tout, précisons que nous sommes particulièrement qualifiés pour nous prononcer sur le sujet. Pendant notre carrière en informatique (entre 1985 et 1995), nous avons souvent été confrontés à des chercheurs en intelligence artificielle. Notre premier spécimen, avec ses lunettes démodées, son chandail de laine fripé et ses espadrilles usées, nous confia qu’il avait élaboré une méthode révolutionnaire pour faire débloquer la recherche dans le domaine ardu de l’intelligence artificielle : il étudiait les savantes processions de fourmis, qui ajustent, renforcent ou modifient leurs sentiers au fil des découvertes de nourriture. Avec de tels arguments vestimentaires et ésotériques, ce personnage n’avait pas manqué de fasciner les bureaucrates de l’État, qui l’avaient noyé sous les subventions. Où en êtes-vous de vos recherches, Monsieur le savant? Ça avance, ça avance, je travaille dessus depuis cinq ans, mais ça va être très long… Ça va être très long, mais on y arrivera, il n’y a aucun doute. (NB. retenez bien cette dernière phrase, phénoménalement utile dans l’administration : Obama l’emploiera mot pour mot à propos de la lutte à l’État islamique, avant qu’un bataillon iranien ne vienne inopinément mettre l’ennemi en déroute).
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center; ">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjt0IxoKhxslbVVVu3zO45JYd3DbZCaENJDssyTy6VhMQY3S3_1W6KvQrLBSeK26GvhzxpffViL394J3-Z1KgvxpuHc4udIyoGiAyJrLAPSmxD7hwX84veaBYEKjOs7qXiylHEv/s1600/reGuepe.jpg" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjt0IxoKhxslbVVVu3zO45JYd3DbZCaENJDssyTy6VhMQY3S3_1W6KvQrLBSeK26GvhzxpffViL394J3-Z1KgvxpuHc4udIyoGiAyJrLAPSmxD7hwX84veaBYEKjOs7qXiylHEv/s320/reGuepe.jpg"></a>
</div>
<p><span class="note">Un excellent sujet d’étude dans le domaine de l’I.A.</span> <br />
</p>
<p>
Il nous est arrivé, dix ans plus tard, de rencontrer plusieurs autres pionniers en intelligence artificielle (toujours au service de l’État). La moitié d’entre eux travaillaient toujours sur l’organisation des fourmilières, et tous portaient encore des espadrilles (à l’exception de celui qui planchait sur les mystères de la ruche, et qui chaussait des soquettes dans des sandales). J’imagine que, depuis 1995, les recherches subventionnées portant sur l’intelligence présumée de ces fascinantes fourmis, abeilles et autres hyménoptères se poursuivent avec assiduité.
</p>
<p class="marge">
Ne vous faites pas de bile, ce n’est pas demain la veille que les machines prendront le contrôle de notre vie!<br />
(Le sage Bái Lìdé)
</p>
<p>
Mais revenons à nos <i>moutons</i> (autre sujet d’étude intéressant et digne de subventions) et à l’expérience vécue qui nous a enfin rassurés sur l’avenir de nos amis les robots.
</p>
<p>
Il s’agissait pour nous d’inscrire notre nouveau-né à l’état civil de l’Ontario. On n’arrête pas le progrès, l’inscription se fait en ligne. Il suffit de remplir les champs du formulaire. Or, le petit se prénommera Jules, Joseph, Marie TARTEMPION (NB. prénoms et patronyme fictifs, conformément à la loi sur la vie privée entérinée par la GRC et la NSA réunies). J’inscris donc « Jules » dans le champ <i>Prénom usuel</i>, et « Joseph, Marie » dans le champ <i>Autres prénoms</i>.
</p>
<p>
Deux semaines plus tard, le certificat de naissance nous revient avec le nom
<br />« Jules Joseph, Marie TARTEMPION ».
<br />Notez bien la présence de l’<i>unique</i> virgule dans l’énumération. Personnellement, je trouve la coquille cocasse. Une simple erreur de l’ordinateur, après tout. Aucun être humain n’aurait commis une telle faute, mais on ne peut pas demander à une machine d’être intelligente, n’est-ce pas?
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8UygItZOh7kVbd0bcD4xy7RyHphF-3iioxZBl2kNRZdUZFUzSKUb2Sr2kcNu4BCcLJy7DAJm5sdN1xtyPYajoL67kMmgi_GZIU669rYz5KIouMAc4ciY7HQdX31EHKd90qcxv/s1600/reLibellule.jpg" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg8UygItZOh7kVbd0bcD4xy7RyHphF-3iioxZBl2kNRZdUZFUzSKUb2Sr2kcNu4BCcLJy7DAJm5sdN1xtyPYajoL67kMmgi_GZIU669rYz5KIouMAc4ciY7HQdX31EHKd90qcxv/s320/reLibellule.jpg"></a>
<br /><span class="note">Encore un sujet digne d’étude dans le domaine de l’I.A.</span> <br />
</div>
<p>
Cependant, ma femme se montre inquiète pour l’avenir de son rejeton. Qui sait, cette erreur de virgule pourrait lui porter préjudice un jour, lorsqu’il devra affronter une bureaucratie encore plus féroce que celle que nous connaissons aujourd’hui. Je consens donc à téléphoner au service de l’état civil de l’Ontario (section francophone) pour procéder à l'ablation de la virgule intempestive.
</p>
<p>
Un jeune homme me répond, de façon fort courtoise comme c’est souvent le cas chez les indigènes de cette province travaillant dans les services publics et hospitaliers. Toutefois, le jeune homme ne parvient pas à comprendre l’objet de ma requête, et ne semble pas saisir tout à fait le sens du mot « virgule ». Je demande à parler au supérieur hiérarchique du jeune homme, qui ne s’en offusque pas.
</p>
<p>
Quelques instants plus tard, une dame me demande, d’un ton impatient et très peu ontarien, la raison de mon appel. En gros, elle veut savoir pourquoi je l’ai dérangée. J’apprends d’emblée que l’administration publique n’a rien à se reprocher dans mon dossier, et que je suis responsable de mon propre malheur. Il ne fallait pas mettre de virgule entre les deux prénoms supplémentaires, mon cher Monsieur. J’essaie de lui expliquer la différence entre le prénom unique « Marco Polo », en vogue dans certaines communautés, et la paire de prénoms « Marco, Polo ». La gestionnaire est bien d’accord avec moi, mais elle ne peut rien faire. Elle me confirme quand même que la virgule fera bien partie du prénom officiel : mon fils s’appellera « Joseph, » (prononcer « Joseph-virgule ») et non « Joseph » tout court. Je lui suggère d’effacer la virgule dans son ordinateur. Il n’en est pas question, Monsieur. Pour ce faire, vous devez remplir le formulaire de changement de nom et payer les frais afférents (authentique!). J’ai beau lui signaler que l’Ontario se fera ainsi connaître comme le premier État dans l’histoire à accepter une virgule dans un prénom, en plus des lettres ou caractères habituels, la fonctionnaire reste inflexible — et se fiche complètement de la réputation de sa patrie d’adoption.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjg-Upd1a3dmYKlmHlQbnhZPCugbQWnHUUgUinwGunXKz8Ep9aFMTnfJjYb5nXLpDrMzFN1loA4L7jrIlHxk_JWzylE7wSf9YOErCXKJWLDsD8lKYxTZpObLVAPl7eZQSFvLFwi/s1600/reMouche.jpg" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjg-Upd1a3dmYKlmHlQbnhZPCugbQWnHUUgUinwGunXKz8Ep9aFMTnfJjYb5nXLpDrMzFN1loA4L7jrIlHxk_JWzylE7wSf9YOErCXKJWLDsD8lKYxTZpObLVAPl7eZQSFvLFwi/s320/reMouche.jpg"></a>
<br /><span class="note">Un candidat à rejeter pour les chercheurs en I.A.?
<br />(Dessins de Renaud Bouret)
</span> <br />
</div>
<p>
Un mois plus tard, l’état civil du nouveau-né est transféré au Québec. Cette fois, notre bébé s’appelle bien <br />« Jules, Joseph, Marie TARTEMPION ».
<br />L’être <i>humain</i> responsable du dossier aura eu l’<i>intelligence</i>, et pris l’initiative, de réparer de lui-même l’erreur commise par la <i>machine</i>.
</p>
<p>
À la lumière de cette aventure ontarienne, nous osons émettre l’hypothèse suivante : <br />
« De toute évidence, les machines ne pourront jamais égaler l’intelligence d’un être humain. Cependant, un être humain, dûment instruit par l’école moderne, peut facilement se montrer plus con qu’une machine. »
</p>
<p>
Malheureusement, cette hypothèse, si elle devait être avérée, n’est pas de nature à faciliter le travail des spécialistes en éthique qui se penchent actuellement sur les droits fondamentaux du robot.
</p>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-31487541179380046912015-01-13T11:56:00.000-05:002015-01-13T13:52:17.279-05:00Chasse aux sorcières<p class="citation">
Mardi matin, le chanteur [Michel Sardou] diffusait un communiqué de presse succint (<i>sic</i>) pour dénoncer « une lettre ordurière et xénophobe », se déclarant « indigné » qu’on ait pu lui attribuer ces « propos infamants ». Il y précise qu’il « tient à exprimer son total désaccord sur les idées que contient ce brûlot ». Pierre Cordier, son attaché de presse, affirme qu’une plainte a été déposée auprès de la préfecture de police de Paris pour tenter de remonter à la source de ce <b>« hoax » (canular)</b>.<br />
Source : <a href="http://www.lemonde.fr/musiques/article/2015/01/06/michel-sardou-porte-plainte-pour-une-lettre-orduriere-et-xenophobe-diffusee-en-son-nom_4550329_1654986.html">Le Monde, 06 janvier 2015</a>
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Un lecteur du journal ose critiquer l’utilisation d’un anglicisme, qu’il juge superflu, dans cet article du prestigieux journal Le Monde.
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Lecteur Lambda : Lu dans l'article: "...à la source de ce "hoax" (canular)". Merci au Monde de traduire le mot du jour - hoax - dans une langue mourante, anciennement nommée langue française. Merci au Monde d'illustrer une forme de "servitude volontaire" (La Boétie,1570) de plus en plus présente chez nos "élites". Merci au Monde de savoir qu'il n'est pas lu par d'éventuels citoyens tentés par le vote FN, et que donc l'emploi de ce charabia ne présente aucun risque. Ecrire: "canular (hoax) serait trop banal?
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Bien que le style ironique et subtil de l’intervention du lecteur fasse honneur à la langue française, il ne manque pas d’esprits chagrins pour le clouer au pilori.
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<p class="citation">
Réponse 1. La langue française s'est toujours enrichie d'apports étrangers de tous horizons (allemands, arabes, italiens, anglais, etc). Hoax a un sens plus précis que supercherie ou canular. Il est à finalité négative, voire destiné à nuire et utilise un support numérique. Bien qu'amoureux de ma langue natale qui me semble bien loin de mourir et devrait même devenir la 1ère langue parlée dans le monde d'ici 2050 grâce aux Africains, j'ai adopté ces néologismes hautement signifiants qui l'enrichissent.
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<p class="citation">
Réponse 2. Canular ne désigne pas la même chose que hoax. La langue française sera morte quand votre camp poussiéreux aura gagné et qu'elle cessera d'emprunter à l'étranger pour s'enrichir ce qui, heureusement, n'est pas pour demain !
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<p class="citation">
Réponse 3. C’est en vain que nos Josué littéraires crient à la langue de s’arrêter ; les langues ni le soleil ne s’arrêtent plus. Le jour où elles se fixent, c’est qu’elles meurent. Victor HUGO, préface de Cromwell
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<p class="marge">
S’il avait eu la chance d’être abonné au journal Le Monde (version oligarques), Victor Hugo n’aurait sûrement pas hésité à utiliser le mot <i>hoax</i> dans une tirade de Ruy Blas!
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Or, ces trois réponses au lecteur Lambda sont fondées sur un sophisme bien connu, qui consiste à généraliser à tout un ensemble les caractéristiques de certains des éléments de cet ensemble. « L’art est parfois provocateur, donc <a href="http://bailide.blogspot.ca/2014/10/quest-ce-quune-uvre-dart.html">tout ce qui est provocateur est de l’art</a> ». « Toute langue accueille des mots d’origine étrangère, donc tout mot d’origine étrangère mérite d’être accueilli dans une langue. »
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Une langue <i>vivante</i> n’est pas synonyme de langue <i>poubelle</i>. En définitive, peu de mots étrangers parviennent à s’acclimater au cours du temps. En français, on en compte tout au plus quelques dizaines ou quelques centaines par siècle, sur un vocabulaire courant de 30 000 mots.
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Un autre argument bien répandu consiste à prétendre que le mot étranger possède une connotation qui manque au mot français. C’est ce qu’on appelle enfoncer une porte ouverte, car, en dehors des termes purement techniques, il n’existe jamais de concordance totale entre deux mots de deux langues différentes. Ce qui fait justement la richesse des mots d’usage courant, c’est qu’ils possèdent plusieurs sens, d’où la délicate et délicieuse ambiguïté du langage humain. Il serait fort improbable que ces panoplies de sens coïncident d’une langue à l’autre.
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<p>
— Monsieur, comment qu’on dit “prendre” en chinois? me demandait, dans un campus de Suzhou, un étudiant bien intentionné.<br />
— Prendre quoi? Prendre la clé des champs? Prendre le temps de réfléchir? Prendre des vessies pour des lanternes? Prendre le taureau par les cornes? Prendre le train? Prendre sa retraite?<br />
— Non, “prendre” tout court. Quel est le mot chinois pour ça?<br />
— Dans chacun de ces cas, il y a un mot chinois différent. Et chacun de ces mots chinois peut se traduire par plusieurs mots français.<br />
Étonnement de cet étudiant devant la complexité de l’esprit humain. Tant pis, se dit-il courageusement, on essaiera de se débrouiller avec le monde tel qu’il est.
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Lorsqu’un nouveau concept apparaît, la règle est d’y associer un mot déjà existant, et l’emprunt étranger constitue l’exception. La voiture d’aujourd’hui ne ressemble pas tellement à la voiture de Madame de Sévigné, et pourtant, personne n’hésite à se servir du même mot dans les deux cas. Un fichier informatique est loin de ressembler à un fichier papier, et ça ne gêne personne (sauf les Italiens qui ont adopté le mot <i>file</i>, prononcé à l’anglaise : les gondoliers chanteront peut-être un jour « O faïle mio », pour la plus grande joie des romantiques et des amoureux).
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Dans un premier temps, cette extension du sens d’un mot existant peut choquer les puristes (qui sont ici, en réalité, les auteurs des trois réponses au lecteur Lambda), avant de devenir naturelle à l’oreille, ou d’être, parfois, rejetée.
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Un autre argument souvent invoqué par ces « nouveaux croisés de la tolérance » consiste à bombarder le « rétrograde » à coup de statistiques totalement fantaisistes. Ici, l’auteur de la réponse 1 prétend que le français « devrait même devenir la 1ère langue parlée dans le monde d'ici 2050 grâce aux Africains ». Il va de soi que cette soi-disant statistique, qui est souvent reprise dans les médias et devant les zincs de café du commerce, n’a pas plus de fondement que celle voulant que <a href="http://bailide.blogspot.ca/2007/03/52-de-femmes.html">les femmes constituent 52 % de la population du Québec</a> et 53 % de la population française (hors Mayotte). Une simple visite du site de l’Institut statistique du Québec confirmera que cette proportion n’est que de 50,3 % en 2013, et n’a jamais dépassé 50,8 %. Pour la France, la proportion réelle est de 51,5 % (Insee 2013). Ce qui est éloquent, ce n’est pas tant que le chiffre mythique s’écarte du chiffre réel, mais plutôt que l’écart entre hommes et femmes soit ici considérablement surestimé.
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En ce qui concerne la population de l’Afrique francophone, rien n’empêche de consulter les <a href="http://databank.banquemondiale.org/data/views/variableSelection/selectvariables.aspx?source=indicateurs-du-d%c3%a9veloppement-dans-le-monde">Indicateurs de développement dans le monde</a> de la Banque mondiale ou, à défaut, la section <i>Noms propres</i> du Petit Larousse. On y verra d’emblée que la population du seul Nigéria anglophone (174 millions en 2013) dépasse largement celle des neuf pays francophones de l’Afrique occidentale (117 millions). Actuellement, en Afrique subsaharienne le total est de 444 millions pour les pays dits anglophones, contre 279 millions pour les pays dits francophones. Même en additionnant l’Afrique du Nord, on demeure loin du compte. Si on met dans l’équation les 300 et quelques millions d’Américains, les 1,5 milliard d’habitants du sous-continent indien et la population de tous les autres pays anglophones, on se demande comment les francophones pourraient bien devenir majoritaires un jour. Cela tient tout simplement du délire statistique.
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<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgcD_50uDXgsFfMKWXfbNV9w6GIjjFb0az0Pwy29KdPUeB7kdzdvCjgx_4mAIec-ZW_YJnQ9KeTeIX36QOxHebdSYoio5zZueqAElnk3aBBsZdC2zzmPRZ9-KNI6QEnjYeBdpg1/s1600/Guihuayuan-121117-0543-r4.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgcD_50uDXgsFfMKWXfbNV9w6GIjjFb0az0Pwy29KdPUeB7kdzdvCjgx_4mAIec-ZW_YJnQ9KeTeIX36QOxHebdSYoio5zZueqAElnk3aBBsZdC2zzmPRZ9-KNI6QEnjYeBdpg1/s320/Guihuayuan-121117-0543-r4.jpg" /></a></div>
<p class="note">Les Anciens et les Modernes<br />
Suzhou, automne 2012<br />
(Photo : Renaud Bouret)
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<p style="clear:left;">
On retrouve dans ce débat entre lecteurs deux des mécanismes du <a href="http://bailide.blogspot.ca/2011/02/quest-ce-quun-prejuge.html">préjugé</a>, processus si cher — et parfois si utile — à l’esprit humain : <a href="http://bailide.blogspot.ca/2007/02/un-sophisme-qui-la-cote.html">l’inversion logique</a> et la <a href="http://bailide.blogspot.ca/2008/01/le-taux-de-mortalit-des-adolescents-et.html">statistique invraisemblable</a> brandie comme un gri-gri.
Il s’agit d’une nouvelle lutte entre les Anciens et les Modernes, dans laquelle les Modernes sont paradoxalement constitués de grenouilles de bénitier (de gauche (néolibérale)). La boucle est bouclée : de même que tout ce qui est provocateur constitue de l’art, tous ceux qui crachent sur les idoles deviennent automatiquement les députés du progrès.
</p>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-50826043558058015842014-10-21T12:43:00.000-04:002015-03-19T08:22:07.711-04:00Qu’est-ce qu’une œuvre d’art?<p>
La vertu et la tolérance ne peuvent être fondées sur les émotions, qui sont changeantes, ni sur l’intuition, qui est trompeuse. Seule la raison peut combattre efficacement les préjugés.
</p>
<p>
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgAz1UA85oYiysDYECjjNoEWh0zanC8t0lOp8eJqlf1SWCdOr1kP29_d1LthdkSTens37aQbXcRz2jwuhmcsqVVEOvdc_og5Bv47HRIvhgVOc05tY5e9cTImtJD1ypib0GhqTK_/s1600/March%C3%A9By-081107-001-r3.jpg" imageanchor="1" ><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgAz1UA85oYiysDYECjjNoEWh0zanC8t0lOp8eJqlf1SWCdOr1kP29_d1LthdkSTens37aQbXcRz2jwuhmcsqVVEOvdc_og5Bv47HRIvhgVOc05tY5e9cTImtJD1ypib0GhqTK_/s320/March%C3%A9By-081107-001-r3.jpg" style="float:left; margin:0px 6px 6px 0px;" /></a>
<span class="note">Avis : Ce machin exposé au marché By d’Ottawa est bel et bien une œuvre d’art (au cas où on l’aurait pris pour un accoudoir)!</span>
</p>
<p style="clear:left">
Les bien-pensants d’aujourd’hui, qui ne sont en somme que des individualistes à tout crin déguisés en tartufes de gauche, se plaisent à user, au grand jour, de l’erreur classique de raisonnement suivante : puisque l’art est souvent provocateur, tout ce qui est provocateur relève de l’art. Par conséquent, le <i>sex-toy</i> géant installé par l’artiste américain Paul McCarthy place Vendôme, à Paris, constituait une œuvre d’art.
</p>
<p>
Si on pousse plus loin ce type de sophisme, on peut facilement aboutir aux conclusions suivantes : <br />
• La majorité des employés de ménage sont des femmes, donc la majorité des femmes sont des employées de ménage.<br />
• La presque totalité des assassins sont des hommes, donc la presque totalité des hommes sont des assassins.<br />
• La plupart des immigrants clandestins arrivant en Europe sont nés en Afrique, donc la plupart des résidents européens nés en Afrique sont des immigrants clandestins.<br />
• Bon nombre de pédophiles sont des homosexuels, donc bon nombre d’homosexuels sont des pédophiles.
</p>
<p>
Or, toutes ces affirmations sont condamnables, non pas parce qu’elle sont scandaleuses et contraires à la doxa, mais parce qu’elle sont fondées sur une erreur logique et, par là, mensongères.
</p>
<p>
C’est ainsi que l’intuition humaine s’acharne parfois à contredire la vérité. Heureusement, Euclide, Aristote, Descartes et Pascal sont passés par là, en nous léguant l’arme suprême contre l’obscurantisme et les préjugés, à savoir la raison.
</p>
<p>
Curieusement, les ministres français actuels, héritiers d’une des cultures les plus prestigieuse de l’histoire, se précipitent au créneau, pour dénoncer le vandalisme des ennemis de l’art, qui ont osé dégonfler un <i>sex-toy</i> géant : c’est à qui étalera avec le plus de vigueur et à la face du monde, sa propre inculture officielle.
</p>
<p>
Si tout ce qui est provocateur ou banal constitue une œuvre d’art, depuis l’urinoir de Marcel Duchamp, pourquoi pas un immense étron rose devant l’Élysée, la guillotine de Louis XVI à la Bastille, et, atlantisme socialiste oblige, une copie de la bombe d’Hiroshima à côté de la flamme du soldat inconnu?
</p>
<p>
L’auteur chinois de l’article présenté aujourd’hui sur <a href="http://ramou.net/te/soPlaceVendome.xml">ramou.net</a> ne s’y trompe pas. Il traite de la question avec une subtile ironie qui tranche avec les protestations de vierge offensée émanant d’une « ministre française de la culture » apparemment moins lettrée que ses illustres prédécesseurs. Ceux qui ne comprennent pas un mot de chinois pourront aisément juger, à la lecture de la liste de vocabulaire traduit, de la hauteur du débat artistique dont il est question.
</p>
<p class="citation">
« Après avoir observé les Américains en Europe, j'estime plus que jamais que le sexe est devenu une de nos maladies nationales. (…) L'ensemble de notre peinture, de nos romans, de notre musique y est relié de près ou de loin, que ce soit par des œillades détournées, des signes de connivences ou du frotti-frotta. Par contre, les peuples latins accordent au sexe la place qui lui revient, c'est-à-dire une place accessoire. Leur peinture, leur musique et leur littérature n'ont rien à voir avec le sexe. Voilà une conception bien plus saine que la nôtre. »<br />
William Faulkner, Correspondance, 1925.
</p>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-67601197403331062902013-03-11T16:58:00.005-04:002014-10-21T12:43:50.543-04:00Qui sont ces malheureux indigènes?<p class="note">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi2-4NTyzEcr3ZMtLYkkTDFT1Fcejy09k7UQYWUnEhq0z4cq2Fmgdz8ccPvT8HXNJvOuMbIubhbuyTsUUgXJb1vigCnCt1fcQntzxnP3CQ5lEhxGhConrtdmAAKE6wfqgH3lXKR/s1600/Lambarene-PQ-130311-r4.jpg" imageanchor="1" ><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi2-4NTyzEcr3ZMtLYkkTDFT1Fcejy09k7UQYWUnEhq0z4cq2Fmgdz8ccPvT8HXNJvOuMbIubhbuyTsUUgXJb1vigCnCt1fcQntzxnP3CQ5lEhxGhConrtdmAAKE6wfqgH3lXKR/s320/Lambarene-PQ-130311-r4.jpg" style="float:left; margin-right:4pt;" title="Lambaréné, PQ" /></a>
Lambaréné, PQ, <br />11 mars <span style="text-decoration:line-through">1913</span> 2013, <br />8 h 05, heure de la brousse.<br />
</p>
<div style="clear:left">
<p>
Ils sont venus des quatre coins de la brousse, à pied, en charrette, en pirogue, en motoneige, voire à dos d’éléphant blanc. Ils attendent, dans la bourrasque et les giboulées, l’ouverture du dispensaire. Certains se sont présentés dès les premières lueurs de l’aube, de peur se voir refuser l’accès au lazaret. Car les grands sorciers guérisseurs ne sont autorisés à recevoir qu’un certain nombre de malades par jour. Une fois le quota atteint, les bien nommés <i>patients</i> seront impitoyablement refoulés, la porte du dispensaire sera de nouveau cadenassée, et les rendez-vous « en souffrance » seront reportés. Les malheureux indigènes laissés sur le pavé en seront quittes pour tenter à nouveau leur chance le lendemain.
</p>
</div>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-76395908147960099392013-01-27T10:17:00.003-05:002013-01-27T16:46:19.037-05:00Les pêcheurs<p>
Les valeureux pêcheurs sont en route dès l’aurore, avec leur encombrant attirail, qu’ils vénèrent comme autant d’objets de culte. Ils ne craignent ni les brumes, ni les ronces, ni les aiguillons ennemis, ni le temps qui tourne à vide. Car ils ne s’ennuient jamais — l’homme passionné est un homme comblé. Ils peuvent rester des heures à guetter la proie, invisible de l’autre côté du miroir mais toujours prête à succomber aux appâts trompeurs. Quelle jouissance quand la victime franchit la frontière entre le monde de l’eau et le monde de l’éther, qu’elle s’abandonne enfin, de gré ou de force, à son maître! Éros et Thanatos.
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<p>
On a souvent associé la passion de la chasse à la passion amoureuse. Après une course folle sous les sombres ramures, la biche affolée, essoufflée, se résigne enfin à se donner à son vainqueur. Celui-ci, le cœur battant, s’approche. Son esprit s’enflamme, sa peau brûlante garde encore le souvenir de la caresse du vent, il va bientôt donner le coup de grâce, comme on sacrifie une vierge. D’ailleurs, la forêt est de tout temps et de tout lieu. Le chasseur qui s’y enfonce côtoie, à son insu, les nymphes de la Grèce et les princesses médiévales, et marche sur les traces d’Héraclès et de Lancelot.
</p>
<p>
On a beaucoup glorifié la chasse, sensuelle et virile, et on a, du même coup, méprisé la pêche. D’un côté, la fourrure, le souffle court et le sang chaud de la biche, de l’autre, les écailles, le silence et la froideur de la truite. Et pourtant, la truite frétillera dans l’épuisette, comme des cuisses lisses et légères. En attendant, le poisson continue à tourner autour du dard, que sa bouche finit par engloutir, avec volupté, après mille coquetteries. Le chasseur est un chien qui s’élance impétueusement sur tout ce qui s’enfuit, le pêcheur est un chat qui attire patiemment son butin dans ses filets. Il n’y a pas à dire, le pêcheur, bien plus que le chasseur, est un Don Juan qui s’ignore.
</p>
<p>
D’où il ressort que la nation des hommes se divise en trois classes. Il y a d’abord ceux dont l’énergie vitale est médiocre. Ceux-là se contentent de traire leurs vaches ou de faire griller leur viande hachée sur le barbecue du balcon. Et parmi les autres, il y a ceux qui ont le bonheur de posséder une douce et jolie maîtresse. Ceux-là passent la journée à se passionner pour la belle, et la nuit à satisfaire leur passion. Enfin, il y a ceux dont la libido est tout aussi forte, mais qui ne lui trouvent pas un exutoire suffisant pour s’épancher. Lorsqu’ils ne créent pas des symphonies, qu’ils ne déchiffrent pas les hiéroglyphes, qu’ils n’escaladent pas les plus hautes falaises ou qu’ils ne découvrent l’Amérique, on voit ces hommes poursuivre fougueusement la biche ou, mieux encore, taquiner la truite.
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<div class="separator" style="clear: both; float:left; text-align: left;" title="Photo: Renaud Bouret" alt="" />
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEii9u5knYPh7jj4PQ0AOZlF9moX7tglt4lEr0qZL6QcWrsOCmK8-XqJKnglS6GGLusyKcLm_-i3eKT4Ifk8FL7aVELGIgZ6kXp24sKf9qVpYusY8pT0WciSPIUR0VNcq2d8bsLB/s1600/P1040276-Yulong-P%25C3%25AAcheurs-x3.jpg" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" height="320" width="303" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEii9u5knYPh7jj4PQ0AOZlF9moX7tglt4lEr0qZL6QcWrsOCmK8-XqJKnglS6GGLusyKcLm_-i3eKT4Ifk8FL7aVELGIgZ6kXp24sKf9qVpYusY8pT0WciSPIUR0VNcq2d8bsLB/s320/P1040276-Yulong-P%25C3%25AAcheurs-x3.jpg" /></a></div>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-92188785362824521282012-10-08T14:16:00.003-04:002020-10-31T19:12:27.543-04:00S’obstiner sur les fins et non sur les moyens<p class="note">
L’histoire se passe à l’époque des derniers téléphones fixes. Il fallait alors se lever à tout bout de champ pour répondre aux casse-pieds qui prennent un malin plaisir à importuner les honnêtes citoyens, quand ceux-ci sont tranquillement écrasés dans leur fauteuil à lire le journal en mangeant des cacahuètes.
</p>
<p>
Depuis quelques temps, je reçois des appels étranges :<br />
— Allô? Êtes-vous Monsieur Untel? Avez-vous reçu mes documents sur le placement X?<br />
— Vous avez dû faire un faux numéro.<br />
— Ah bon, excusez-moi.
</p>
<p>
Le lendemain, nouvel appel.<br />
— Allô! Bonjour Monsieur Untel. Ça s’est bien passé avec les Américains, à Toronto, pour les obligations à long terme?<br />
Ça finit par devenir agaçant.<br />
— Mais qui appelez-vous, au juste? Qui est ce Monsieur Untel?<br />
— Ben j’appelle Monsieur Untel, à la banque Ontario Dominion. C’est pas vous?
</p>
<p>
Et ça recommence, tous les jeudis, et parfois le lundi ou le vendredi, et même le mardi et le mercredi. Sans compter les messages qui s’accumulent dans ma boîte téléphonique, et auxquels je ne réponds jamais.
</p>
<p>
Je finis par prévenir la banque. De standardiste en secrétaire, je tombe finalement sur une gestionnaire, qui nie d’emblée l’existence du problème :<br />
— C’est impossible, vous devez faire erreur.<br />
J’ai beau lui jurer que tous ces appels sont bien réels, que je n’ai pas rêvé, et que le nom de la banque a été clairement prononcé, elle refuse catégoriquement de me croire.<br />
Il est évident qu’elle me prend pour un gâteux, c’est pour elle la seule explication plausible.<br />
Naturellement, elle refuse de procéder à la moindre vérification.
</p>
<p>
Nouveaux appels intempestifs, deux ou trois fois par semaine. Je réponds d’un ton toujours plus bourru :<br />
— Allô Monsieur Untel?<br />
— Méchant numéro!<br />
Mais après m’être énervé en vain pendant un bon bout de temps, je laisse mon intelligence reprendre le dessus. La prochaine fois, je demanderai à mon interlocuteur où il a obtenu mes coordonnées. Quelle bonne idée, il suffisait d’y penser. J’attends désormais avec impatience la sonnerie du téléphone.
</p>
<p>
Enfin, après une période d’accalmie qui me paraît relativement longue : <br />
— Allô? Je pourrais parler à Monsieur Untel? C’est de la part de « Djo ».<br />
— Excusez-moi, mais est-ce que vous le connaissez personnellement, ce Monsieur Untel?<br />
— Non mais j’ai une question à lui poser sur les fonds de placement à croissance progressive.<br />
— Dites-moi… Où avez-vous obtenu ce numéro de téléphone?<br />
— Ben, comme tout le monde, dans l’annuaire de la banque.
</p>
<p>
Me voilà mieux armé pour rappeler la banque Ontario Dominion. Après une valse de transferts, on me passe une autre gestionnaire, qui me reçoit sèchement. Officiellement, elle considère mon appel comme une plaisanterie de mauvais goût, mais je sens bien que si j’insiste, elle me prendra carrément pour un fou dangereux. Comme notre conversation ne mène manifestement nulle part, je décide de m’adresser à une personne mieux placée qu’elle dans la hiérarchie. Et en effet, après une nouvelle série de transferts, une dame, plus courtoise que la précédente, me répond… en anglais. Elle me promet de faire une petite enquête et de me rappeler bientôt. Je prend soin de lui demander son nom. Une certaine Madame Shirley X, dont le titre approximatif signifie « Directrice des Services de la Gestion des Relations et du Développement des Ressources (DSGRDR) ».
</p>
<p>
Avec la banque Ontario Dominion, allez savoir pourquoi, ce sont toujours des hommes qui m’appellent et des femmes qui me répondent. Peut-être cela fait-il partie des mœurs bancaires canadiennes.
</p>
<p>
La semaine suivante, je réussis à joindre Madame Shirley. Car cette dernière ne m’a évidemment pas rappelé.<br />
— Ah oui, ça me revient, fait-elle de sa voix douce et ferme. J’ai trouvé la raison de ces appels. Votre numéro de téléphone figure dans l’annuaire interne de la banque Ontario Dominion, à côté du nom d’un de nos courtiers. Vos deux numéros sont presque les mêmes, ils ne diffèrent que d’un chiffre.<br />
Je lui fais remarquer que <i>un seul chiffre</i> ou <i>tous les chiffres</i>, le résultat est le même, qu’il est fatigant de se lever chaque fois que le téléphone sonne pour rien, et qu’il est encore plus pénible de devoir effacer tous ces messages sur mon répondeur. Elle concède en effet, que tout cela est regrettable, même si elle n’est pas convaincue à propos du répondeur, « c’est facile de faire le ménage, dit-elle, you know Renaud, d’ailleurs avez-vous pensé à utiliser un téléphone sans fil qu’on peut garder à côté de soi, ils sont épatants », mais bref, il n’y a pas grand chose qu’elle puisse faire.</p>
<p>
On a beau dire, moi je trouve ça sympathique que les Anglaises nous appellent par notre prénom, même si on ne les connaît ni d’Ève ni d’Adam.</p>
<p>
Mais bon, revenons à nos moutons :<br />
— Pourquoi est-ce que la banque Ontario Dominion ne met pas tout simplement son annuaire à jour?<br />
— Mais Rinode (Renaud), vous savez, il vient juste d’être imprimé le mois dernier, et il a été distribué à toutes les succursales. Il faudra attendre la sortie du prochain annuaire.</p>
<p>
Oh que ça va être long!</p>
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Je souligne que cette erreur de numéro doit causer encore plus de désagrément à la banque qu’à mon humble personne. Mais j’ai beau insister, je n’obtiendrai rien. Madame Shirley utilise une tactique de résistance passive, Ô combien canadienne, qui consiste à refuser poliment de faire le moindre pas jusqu’à ce que l’adversaire abandonne la partie. Là où l’Américain se fendrait en quatre pour trouver une solution à votre problème, le Canadien (anglophone ou francophone) trouve moins fatigant, et surtout plus prudent, de ne rien faire. Non seulement ça marche neuf fois sur dix, mais les victimes s’en accommodent fort bien.<span style="display:none;">Asinus asinum fricat.</span>
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Me revoilà seul, chez moi, à ruminer contre les banques et les importuns. Tiens, en attendant, je vais supprimer mon abonnement au répondeur téléphonique. Écouter des messages téléphoniques en rentrant du bureau, c’est comme regarder l’enregistrement de la partie de hockey de la veille, alors qu’on connaît déjà le vainqueur. « Allô, ici le “Groupe Vision Pelouse International”, on doit passer dans votre quartier, un camelot a laissé un dépliant dans votre boîte à malle. Nous vous offrons une réduction… ». Clac! Suivant! « Allô, c’est Mélanie, il est quatre heures trente, on est jeudi, j’ai essayé de t’appeler un peu plus tôt… ». Clac! Suivant! Je sais qu’on est jeudi, et de toute façon je ne connais pas de Mélanie!
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<p>
Parlez-moi du « direct », au moins l’imprévu est toujours possible, mais le « différé », pouah, c’est lent, c’est mou, ça manque de suspense. Il y a longtemps que je n’éprouve plus aucun plaisir à faire défiler les messages tous les soirs. Si je dois en plus me taper les courtiers de la banque Ontario Dominion, non merci! Et en plus, on paie un abonnement pour ça! Fini le répondeur!
</p>
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Une nouvelle semaine a passé. La neige commence déjà à fondre. Dring! Dring!<br />
— Allô Monsieur Untel, ici « Rodge », de la succursale de Toronto, vous savez que votre répondeur ne marche plus?
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Que faire? Restons calme. Mon Dieu, ou Confucius, inspirez-moi!
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Une petite voix me glisse à l’oreille : « Le sage doit s’obstiner sur les fins et non sur les moyens. »<br />
Il me faut donc changer de stratégie. Or, la seule façon d’éconduire un casse-pied est de lui rendre la pareille, avec les intérêts.<br />
— Monsieur Untel s’est absenté pour quelques minutes, dis-je, je suis désolé. Rappelez-moi votre nom?<br />
— Je suis Roger Tremblay, il m’avait dit de lui téléphoner à dix heures.<br />
— Ah, oui… Monsieur Tremblay vous dites… Attendez, je crois qu’il a laissé un message pour vous… Un instant, s’il-vous plaît.<br />
Monsieur Tremblay reste silencieux au bout du fil, mais je suis sûr qu’il est ravi d’apprendre qu’on a pensé à lui. Si seulement il savait ce qui l’attend.<br />
Je froisse, devant le combiné du téléphone, la première feuille de papier qui me tombe sous la main, et qui se trouve être le bulletin bilingue de notre député fédéral, dont je n’arrive d’ailleurs jamais à me rappeler le nom.<br />
— Ah… Voilà! C’est ça… Monsieur Roger Tremblay… Euh, Monsieur Untel vous fait dire qu’il refuse de discuter avec vous et qu’il est inutile de le rappeler.<br />
— Quoi!… Mais… mais…<br />
— N’insistez pas Monsieur Tremblay, y veut p'us rien savoir de vous.<br />
Étant donné que « Rodge » me prend pour un simple standardiste, notre conversation a vite fait de tourner court, mais je peux vous assurer que <i>Monsieur Roger Tremblay</i>, fulminant, prépare déjà sa terrible vengeance contre ce pauvre Monsieur Untel, qui ne se doute de rien.
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<p style="clear:left;">
Dès le lendemain, je reçois un coup de fil de Madame Shirley, la Directrice des Services de la Gestion des Relations et du Développement des Ressources de la banque (ou quelque chose du genre). Toujours aussi aimable, même si elle ne m’appelle plus par mon prénom. Elle craignait sans doute de ne pas pouvoir me joindre car elle semble soulagée d’entendre ma voix en chair et en os.<br />
— Monsieur, je voulais vous prévenir que nous avons trouvé une solution à votre problème. Nous avons envoyé un message à tous nos agents afin qu’ils corrigent leur bottin téléphonique. Nous nous excusons des ennuis que cela vous a causé. Il se peut que vous receviez encore deux ou trois appels, tout au plus. Si cela devait arriver, seriez-vous assez aimable de les prévenir qu’ils ont fait un mauvais numéro? En attendant, donnez-nous votre adresse et nous vous ferons parvenir un petit quelque chose.
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<p>
Chouette, recevoir un petit quelque chose d’une aussi grosse banque, ça doit être génial! Et, de fait, je reçus un petit colis le mois suivant. Qu’était-ce au juste? Un agenda? Un calendrier? Un crayon aux armoiries de la banque? Dix ans après les faits, le silence indigné de Monsieur Roger Tremblay résonne encore dans ma tête, mais j’ai complètement oublié en quoi consistait ce précieux dédommagement.
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Renaud Bouret
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<div class="separator" style="clear: both; ">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhjaBXjdCjW9RGEd2_iQl-J1FgS1xbWaZ6xzc8tKVImUDYixsDdFl56iYtcdwNku8JykjxicnALftbxAWII4Ip5v2-Rm_HLg7rChessCDK1fc8T3iIFjCTt-cN4cuekm0lR61Ar/s1600/HorreurLaFacture-r3.png" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" height="256" width="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhjaBXjdCjW9RGEd2_iQl-J1FgS1xbWaZ6xzc8tKVImUDYixsDdFl56iYtcdwNku8JykjxicnALftbxAWII4Ip5v2-Rm_HLg7rChessCDK1fc8T3iIFjCTt-cN4cuekm0lR61Ar/s320/HorreurLaFacture-r3.png" /></a>
<span class="note">Deux paisibles citoyens prennent connaissance du relevé de leur compte bancaire.<br />Dessin de Renaud Bouret</span>
</div>
Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-91821112302227321552012-05-27T21:36:00.001-04:002012-05-30T08:11:38.227-04:00Une nouvelle génération<p>
Une nouvelle génération est peut-être en train d’émerger.
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Ma génération (née autour des années 1950) a connu la liberté individuelle, l’utopie révolutionnaire, la cause nationale et l’État-providence.
La génération suivante (née autour des années 1970) a connu le confort.
La nouvelle génération (née autour des années 1990) a connu le néolibéralisme, les familles recomposées et la dégradation de l’environnement.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjMX8YcnyXnud95L0NK22tTsqwfPlWbQARHlOSdoU4MJXHKKC0L_KnAZQv0Ji5rKUuqqea0_cQ96axFaE8y39S368I9fS08jduuP3XnGjEvk5nEFJYiOC04UeUKe3kj6Wu_8GNJ/s1600/Qu%25C3%25A9b%25C3%25A9cois-101-r3.png" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" height="211" width="165" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjMX8YcnyXnud95L0NK22tTsqwfPlWbQARHlOSdoU4MJXHKKC0L_KnAZQv0Ji5rKUuqqea0_cQ96axFaE8y39S368I9fS08jduuP3XnGjEvk5nEFJYiOC04UeUKe3kj6Wu_8GNJ/s320/Qu%25C3%25A9b%25C3%25A9cois-101-r3.png" title="Génération Y - Dessin de Renaud Bouret" alt="" /></a>
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<span class="note">Un Québécois de la génération XY<br />
Dessin de Renaud Bouret</span><br />
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Jusqu'à tout récemment, cette nouvelle génération disposait de peu d’espace pour cultiver ses idéaux, dont toute jeunesse est friande.
</p>
<p>
Malgré le déclin académique de l’école publique, le savoir est maintenant accessible à qui veut l’acquérir, grâce à l’internet. Certains jeunes ne se privent pas d’en profiter.
</p>
<p>
De même que l’école a perdu le monopole de la transmission d’un savoir harmonisé, la télévision a perdu le monopole du récit politique fabriqué. La jeunesse possède — et diffuse — ses propres sources d’information, qui lui permettent de mettre à nu les demi-vérités et les à-peu-près du journal télévisé.
</p>
<p>
Les moyens modernes de communication — caméras de surveillances, téléphones intelligents, réseaux sociaux, etc. — ont fait craindre, dans un premier temps, l’avènement du <i>Meilleur des mondes</i>. Mais, par un retournement inattendu, c’est aujourd’hui le manifestant qui filme le policier, et la plante qui arrose le jardinier. Dans cette société du soi-disant éphémère où toute l’information reste éternellement gravée sur la Toile, les mensonges fugitifs, qui ont constitué, au fil de la démocratie, l’outil essentiel du pouvoir, acquièrent une permanence imprévue. Les contradictions du discours politique risquent désormais à tout moment d’être exposées en pleine lumière, et d’être diffusées à la vitesse de cette dernière. <i>Verba manent!</i> Ennuyeux pour la vie privée, mais carrément désastreux pour les démagogues.
</p>
<p>
Les conditions <i>virtuelles</i> de la politisation de la jeunesse étaient donc réunies.
</p>
<p>
La longue lutte des étudiants québécois, qui s’est heurtée à l’intransigeance et à l’arrogance du pouvoir politique, ainsi qu’à la jalousie des classes les plus soumises, a permis de transformer cette virtualité en réalité. Cent jours de lutte, c’est plus qu’il n’en faut pour mûrir, quand le climat est propice. Et comme toujours, nos dirigeants et leurs valets, qui n’ont pas vu le monde changer, sont en retard d’une guerre.
</p>
<p>
Bien des révolutions dans l’histoire se sont transformées en eau de boudin. Par contre, chaque fois qu’on prédisait la fin de l’histoire, on est vite tombé sur un os. Il reste donc des raisons d’espérer, grâce à cette nouvelle jeunesse, en un avenir moins cynique et plus généreux.
</p>
<div class="separator" style="background-color:#E2DFB4; border:solid gray 1px; clear: both; padding:6px; text-align: left;">
<p style="text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgo1C8k6J9XInO5-shpf9mFfk8qX5GVHzlifcUHUw8prGYapULPUEZvMGHKd2TXMfDkxsUw9seXFPF5BXHsE_XO-Yr3-AT7pxq47UL_CV5STC9p6ROT4z2CEeDFCS9T22eHVOq4/s1600/FraisDeScolarit%25C3%25A9-Qc-2012.jpg" imageanchor="1" style="clear:left; margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgo1C8k6J9XInO5-shpf9mFfk8qX5GVHzlifcUHUw8prGYapULPUEZvMGHKd2TXMfDkxsUw9seXFPF5BXHsE_XO-Yr3-AT7pxq47UL_CV5STC9p6ROT4z2CEeDFCS9T22eHVOq4/s1600/FraisDeScolarit%25C3%25A9-Qc-2012.jpg" /></a>
</p>
<p>
Les frais de scolarité universitaires québécois, qui étaient de 540 $ en 1989, font un bond de 187 % au début des années 1990. Ils sont ensuite gelés jusqu'en 2006. La hausse de 30 %, survenue en 2007, correspond exactement à la hausse des prix pendant cette période de gel. En dollars constants, les frais de scolarité sont par conséquent les mêmes en 2007 qu'en 1994. Il est donc faux de prétendre que les frais de scolarité n'ont pas augmenté depuis des lustres, ni même qu'ils n'ont pas suivi l'inflation.
</p>
<p>
Les frais de scolarité ont plutôt tendance à grimper sensiblement d'une génération à l'autre. Entre 1989 et 2016, ces frais auront été multipliés par 7 en dollars courants, et par 4 si on tient compte de l'inflation. Autrement dit, pour être admis à l'université, un étudiant de 2016 devra, tout bien calculé, débourser quatre fois plus ses parents.
</p>
</div>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-21567461973737615402012-04-15T12:54:00.001-04:002012-04-19T20:11:23.681-04:00La mer intérieure<p>
Une petite île de la mer intérieure japonaise.<br />
Population : 450 habitants (en baisse).<br />
Population scolaire (école primaire) : 6 élèves<br />
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi4nptcPjex8z_4bJ13E6vXfEiORUOoVVhoZGHrl1ZG8iapWOIXAKY3Fklayl6MU15wz4vWZ4tPGZI2VWZjX5yyhJ3rLAXsT6pqZA6Fhp5eWJ1MNuGrb2PFG8rvzKdgvzOYYQBe/s1600/Shima-Sensei-r2.png" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" height="320" width="302" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi4nptcPjex8z_4bJ13E6vXfEiORUOoVVhoZGHrl1ZG8iapWOIXAKY3Fklayl6MU15wz4vWZ4tPGZI2VWZjX5yyhJ3rLAXsT6pqZA6Fhp5eWJ1MNuGrb2PFG8rvzKdgvzOYYQBe/s320/Shima-Sensei-r2.png" title="Le départ du directeur d'école - Dessin de Renaud Bouret" alt="" /></a>
<span class="ja" lang="ja-jp">瀬戸内海の港</span> <span class='pi'>Seto naikai no minato</span><br />
<span class="note">Un petit port de la mer Intérieure japonaise<br />
Dessin de Renaud Bouret</span>
</div>
<p style="clear:left;">
Midi, sur la place centrale de l'unique village de l'île. Le directeur de l'école s'apprête à monter à bord du traversier, pour participer à un congrès. Le pilote du traversier est un ancien pêcheur, qui vient de réaliser, il y a peu, son rêve de jeunesse : visiter les îles Saint-Pierre et Miquelon.
</p>
<p>
Les élèves du secondaire (2 collégiens et 1 lycéen) doivent se rendre sur le continent, à une quinzaine de kilomètres. Une navette scolaire vient les chercher tous les matins, et les ramène tous les soirs. Il est question de supprimer cette navette l'an prochain.
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjqHgvKnUFB2c32lYyR_uSMaZGkf8Gy3EYBmjjRYmo4_smVnlEV5NwaMXjf9ej2oc_BsFtV_SQIYHVz_8jDmtPZphV9msQqCALtfGXYvKLWg2v9ijqEAP3xiqjDrHouGgLET8lG/s1600/Shima-Roujin-r2.png" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" height="320" width="250" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjqHgvKnUFB2c32lYyR_uSMaZGkf8Gy3EYBmjjRYmo4_smVnlEV5NwaMXjf9ej2oc_BsFtV_SQIYHVz_8jDmtPZphV9msQqCALtfGXYvKLWg2v9ijqEAP3xiqjDrHouGgLET8lG/s320/Shima-Roujin-r2.png" title="Deux paisibles îliens - Dessin de Renaud Bouret" alt="" /></a>
<span class="ja" lang="ja-jp">島民二人</span> <span class='pi'>Tōmin futari</span><br />
<span class="note">Deux insulaires<br />
Dessin de Renaud Bouret</span>
</div>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-36517610.post-39007828636681750542012-04-08T18:08:00.004-04:002012-04-08T18:17:22.373-04:00L'affiche rouge<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhGYip79hccSKsfpG_tAztxyjumZWBrLS_iDuMocOEkNpNR9uj4jzD7nG7pLYyheETjuKEzSb_tPgpImvbzMfdEXeKPB3iLPca7eVbYZ4JsQLrqWCZ4x1DE8GLGEVQ9wHZPnKsk/s1600/SuspectsOu%25C3%25AFghours-Cadre-rouge-r2.png" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" height="230" width="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhGYip79hccSKsfpG_tAztxyjumZWBrLS_iDuMocOEkNpNR9uj4jzD7nG7pLYyheETjuKEzSb_tPgpImvbzMfdEXeKPB3iLPca7eVbYZ4JsQLrqWCZ4x1DE8GLGEVQ9wHZPnKsk/s320/SuspectsOu%25C3%25AFghours-Cadre-rouge-r2.png" title="Quinze suspects Ouïghours - Dessins de Renaud Bouret" alt="" /></a></div>
<p>
Quinze bobines patibulaires publiées dans le Quotidien du peuple, le 31 juillet 2009.</p>
<p>
Quinze dangereux jeunes gens soupçonnés de comploter contre l'harmonie sociale.</p>
<p>
Quinze visages oubliés au fond d'un tiroir.</p>
<p><br />
Que sont devenus leurs propriétaires, au regard si familier?</p>
<p>
Combien d'innocents figuraient parmi les quinze?</p>
<p>
Se peut-il qu'un seul d'entre eux soit encore en liberté?</p>
<p>
Qu'il respire encore aujourd'hui?
</p>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg4Lsfu0fOcUM18HmcTe-pVPjR4mkHh57HC18o7Rpha2q-rwO-J3HpZgi_bdcZSNL4jYU5KB1_a0ABuIvJJiSGChyHnOKpoxKjNcdHH9GmvHeNgBZfKY0UQNWUsID2tUKySUx6M/s1600/SuspectsOu%25C3%25AFghours-2009-x2.gif" imageanchor="1" style="clear:left; float:left;margin-right:1em; margin-bottom:1em"><img border="0" height="240" width="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg4Lsfu0fOcUM18HmcTe-pVPjR4mkHh57HC18o7Rpha2q-rwO-J3HpZgi_bdcZSNL4jYU5KB1_a0ABuIvJJiSGChyHnOKpoxKjNcdHH9GmvHeNgBZfKY0UQNWUsID2tUKySUx6M/s320/SuspectsOu%25C3%25AFghours-2009-x2.gif" title="Quinze suspects Ouïghours - Dessins de Renaud Bouret" alt="" /></a></div>
<p class="note">Dessins de Renaud Bouret</p>Bái Lìdéhttp://www.blogger.com/profile/14743825363709381371noreply@blogger.com0