Qu’est-ce qu’une œuvre d’art?
La vertu et la tolérance ne peuvent être fondées sur les émotions, qui sont changeantes, ni sur l’intuition, qui est trompeuse. Seule la raison peut combattre efficacement les préjugés.
Avis : Ce machin exposé au marché By d’Ottawa est bel et bien une œuvre d’art (au cas où on l’aurait pris pour un accoudoir)!
Les bien-pensants d’aujourd’hui, qui ne sont en somme que des individualistes à tout crin déguisés en tartufes de gauche, se plaisent à user, au grand jour, de l’erreur classique de raisonnement suivante : puisque l’art est souvent provocateur, tout ce qui est provocateur relève de l’art. Par conséquent, le sex-toy géant installé par l’artiste américain Paul McCarthy place Vendôme, à Paris, constituait une œuvre d’art.
Si on pousse plus loin ce type de sophisme, on peut facilement aboutir aux conclusions suivantes :
• La majorité des employés de ménage sont des femmes, donc la majorité des femmes sont des employées de ménage.
• La presque totalité des assassins sont des hommes, donc la presque totalité des hommes sont des assassins.
• La plupart des immigrants clandestins arrivant en Europe sont nés en Afrique, donc la plupart des résidents européens nés en Afrique sont des immigrants clandestins.
• Bon nombre de pédophiles sont des homosexuels, donc bon nombre d’homosexuels sont des pédophiles.
Or, toutes ces affirmations sont condamnables, non pas parce qu’elle sont scandaleuses et contraires à la doxa, mais parce qu’elle sont fondées sur une erreur logique et, par là, mensongères.
C’est ainsi que l’intuition humaine s’acharne parfois à contredire la vérité. Heureusement, Euclide, Aristote, Descartes et Pascal sont passés par là, en nous léguant l’arme suprême contre l’obscurantisme et les préjugés, à savoir la raison.
Curieusement, les ministres français actuels, héritiers d’une des cultures les plus prestigieuse de l’histoire, se précipitent au créneau, pour dénoncer le vandalisme des ennemis de l’art, qui ont osé dégonfler un sex-toy géant : c’est à qui étalera avec le plus de vigueur et à la face du monde, sa propre inculture officielle.
Si tout ce qui est provocateur ou banal constitue une œuvre d’art, depuis l’urinoir de Marcel Duchamp, pourquoi pas un immense étron rose devant l’Élysée, la guillotine de Louis XVI à la Bastille, et, atlantisme socialiste oblige, une copie de la bombe d’Hiroshima à côté de la flamme du soldat inconnu?
L’auteur chinois de l’article présenté aujourd’hui sur ramou.net ne s’y trompe pas. Il traite de la question avec une subtile ironie qui tranche avec les protestations de vierge offensée émanant d’une « ministre française de la culture » apparemment moins lettrée que ses illustres prédécesseurs. Ceux qui ne comprennent pas un mot de chinois pourront aisément juger, à la lecture de la liste de vocabulaire traduit, de la hauteur du débat artistique dont il est question.
« Après avoir observé les Américains en Europe, j'estime plus que jamais que le sexe est devenu une de nos maladies nationales. (…) L'ensemble de notre peinture, de nos romans, de notre musique y est relié de près ou de loin, que ce soit par des œillades détournées, des signes de connivences ou du frotti-frotta. Par contre, les peuples latins accordent au sexe la place qui lui revient, c'est-à-dire une place accessoire. Leur peinture, leur musique et leur littérature n'ont rien à voir avec le sexe. Voilà une conception bien plus saine que la nôtre. »
William Faulkner, Correspondance, 1925.
2 commentaires:
Qu'en fait-on des musées d'art contemporain?
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