2007-11-07

Langage de bébé

La cérémonie du thé à Gatineau

Pourquoi les gens normaux se mettent-ils soudain à parler comme des débiles lorsqu'ils se retrouvent devant un bébé? « Areuh, areuh… Cha ch'est le beau bébé à tonton, il a fait un beau dodo? Gouzi gouzi…, etc. » (ajouter les onomatopées et les grimaces de rigueur). Les bien-pensants désapprouvent carrément ce genre de langage. Selon eux, depuis que le bébé est l'égal de l'homme — en gros depuis Mai 1968 — on doit parler communiquer avec lui dans la langue des adultes. Agir autrement serait faire preuve d'irrespect, sans compter les séquelles psychologiques possibles. Quelles séquelles? Les bien-pensants n'ont aucune idée précise sur le sujet, mais ils sont sûrs d'avoir raison. Bref, ils ont, comme toujours, beaucoup des certitudes sur des choses très imprécises. (Voir notre billet sur l'imparfait.)

Tout cela ne nous dit pas pourquoi tant de gens sont portés à utiliser spontanément ce langage de bébé? Je me suis moi-même posé la question pendant des années. Et c'est en parlant à un petit chat de mes amis, il y a moins d'une heure, que j'ai soudain découvert la clé du mystère. Une véritable révélation.

Dans les premiers temps, je ne parlais jamais à ce chat en présence d'une tierce personne, aussi n'avais-je pas vraiment conscience de la débilité de mes propos: « Minou, viens voir tonton… allez, saute le minou, pogne le doigt à tonton, ch'est une belle chouris cha… morzylœil… allez neko, regarde la belle sardine à son pépère. » Inutile de préciser que le fond de mes propos n'était guère plus recherché que sa forme.

Mais aujourd'hui, pour la première fois, j'ai parlé au chat devant témoin, dans mon patois habituel. Je n'ai pas eu le temps d'avoir honte car la vérité m'est alors apparue en pleine lumière. Si je gesticule, si je singe, si je mime, si je m'exprime de façon emphatique, bref si je suis contraint d'être si expressif, ce n'est pas par mépris envers la gent animale, c'est tout simplement parce que CE CHAT NE COMPREND PAS LE FRANÇAIS. Je suis comme l'acteur de théâtre, qui doit exagérer ses mimiques et forcer ses répliques afin d'être vu et entendu jusqu'au dernier rang des spectateurs. Les soi-disant gagas qui baragouinent des sottises à leur bébé ou à leur chat sont en réalité des Sarah Bernhardt en puissance, des émules de Talma, des Jean-Baptiste Poquelin en herbe, des futurs Raimu. Ils peuvent donc continuer à lancer des areuhs et des miaous sans complexe, car les voici réhabilités.

[Japonais]  
猫 ねこ neko : chat

[Chinois]  
猫 māo : chat

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