La chaîne de trottoir
« Irwin conduit en se tenant le plus près possible de la chaîne de trottoir. » (Marie-Josée L'Hérault, Tokyo express, Éditions Vents d'Ouest, 1998).
L'expression chaîne de trottoir, largement répandue au Québec, paraît suspecte. Cette précision technique est-elle bien utile en français? Pourquoi ne pas se contenter de « Irwin conduit en se tenant le plus près possible du trottoir »? On se doute bien qu'il s'agit de la bordure du trottoir, puisque Irwin roule manifestement sur la chaussée. Y aurait-il quelque anglicisme sous roche?
Chaîne de trottoir pourrait bien être le calque de l'expression anglaise (imaginaire) sidewalk curb. En anglais, curb se suffit généralement à lui-même, mais le mot est suffisamment étrange pour que des non anglophones jugent utile de le surdéterminer. D'autant plus que, si le mot curb évoque immédiatement une bordure de trottoir (pour une oreille anglophone), il en va autrement pour l'équivalent français chaîne. D'où le besoin de préciser chaîne de trottoir.
Ces deux passantes se tiennent loin de la « chaîne » de trottoir.
Malgré ses apparences exotiques, curb (ou kerb) vient du français courber, et signifie également margelle (d'un puits) et gourmette (d'un cheval). Par extension, curb a pris le sens de contraindre, ou brider.
Se pourrait-il que curb (gourmette) ait été traduit dans les campagnes du Bas-Canada par chaîne? Si c'était le cas, et si cette traduction était attestée avant l'apparition de l'expression chaîne de trottoir, nous tiendrions notre anglicisme. Le fait que la variante chaîne de rue, calque évident de street curb, soit également employée au Canada, tend à accréditer cette thèse.
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