2009-10-04

Le mot suicide en chinois

Un visiteur de ramou.net me pose la question suivante.

Question :

Je me permets encore une fois de faire appel à vos lumières. Je travaille en ce moment sur le suicide des Asiatiques, mais dans les dictionnaires en ligne, notamment la Chine nouvelle, il n'y a pas d'idéogramme traduisant le suicide. À votre avis s'agit-il d'un oubli ou cet idéogramme n'existe pas en chinois?

En est il de même au Japon?

Réponse :

La plupart des mots chinois modernes sont composés de deux caractères, de la même façon que les mots scientifiques français sont souvent composés de deux racines grecques ou latines. Le mot suicide ne fait pas exception: 自杀 (zìshā), littéralement soi-tuer (ou sui-caedere).

Idem pour le Japon. Les mots japonais, dans ce cas, sont souvent issus du chinois, à moins qu’ils n’aient eux-mêmes été créés au Japon, au début de l’ère moderne, avant d’être empruntés par les Chinois.

Le mot japonais pour suicide est 自殺 (jisatsu), le même qu’en chinois. Il s'agit peut-être d’un calque du latin, créé par des Japonais à la fin du XIXe siècle.

Question :

Pourriez vous me décomposer les idéogrammes : à droite c'est le soi, à gauche est-ce une arme qui signifie tuer? En japonais on a la même chose sauf le 3ème à droite.

Réponse :

(zì) signifie soi. Ce caractère représente le nez, vu de face. Alors qu’un Français,un Québécois ou un Gaulois s’exclameront « c’est moi ! » en pointant leur index sur la poitrine, le Chinois ou le Japonais montreront leur nez (faites l’expérience!). Selon une petite enquête maison, le nez est en effet situé au centre du visage, qui est lui-même la façade de la conscience. Par ailleurs, lorsque vous parlez à quelqu’un les yeux dans les yeux, votre nez est en plein dans sa ligne de mire, alors qu’il devrait loucher pour regarder votre poitrine. (Interprétation sous toute réserve)

(shā) est le caractère chinois (traditionnel) signifiant tuer. Il a été fabriqué, il y a des millénaires, par l’adjonction de deux éléments :

représente un animal à queue longue, dont la prononciation était la même que celle du mot tuer : c'est l'élément phonétique.

représente une main (partie inférieure) tenant une massue à tête de pierre ou de bronze (partie supérieure) : c'est la clé sémantique.

La combinaison des deux éléments peut ainsi se lire comme suit : un mot qui se prononce comme l’animal en question et qui rappelle un coup de marteau sur le crâne.

Dans la graphie antique, on reconnaît plus facilement la main [à trois doigts] (partie inférieure droite) surmontée d'une espèce de hache (partie supérieure droite). L'animal (partie gauche), que nous n'avons pu identifier, semble posséder une crête (en haut) et une belle queue divisée en trois parties (en bas). Dans le caractère moderne simplifié, il ne reste plus que la crête et la queue.

Plusieurs caractères chinois modernes ont été simplifiés par l’abandon de la clé sémantique. C’est le cas de qui est devenu dans les années 1960. Le plus étrange, c'est que la partie restante fait nettement penser à deux épées qui s'embrochent.

Le caractère traditionnel est toujours utilisé en japonais (il se prononce satsu, adaptation de la prononciation chinoise ancienne).

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