2008-09-20

Le visage des Québécois

Les Québécois des années 1970
Dessin : Renaud Bouret - 20 septembre 2008

Un jour que je me promenais dans les jardins des sœurs de Sion, à Tunis, un prêtre qui passait par là s'arrêta devant moi : « Toi, tu es le fils de Monsieur Untel, c'est indiscutable ». Ainsi, un pur inconnu pouvait découvrir mon identité, et dans un lieu que je visitais pour la première fois par dessus le marché. Cet homme m'était étranger et je lui étais familier. Révélation inattendue, et un peu décevante, pour un jeune garçon.

Une douzaine d'années plus tard, je me présentais au consulat du Canada à Marseille. Ce printemps-là, nous avions passé des nuits blanches, avec mon cousin, à observer les bombyx de ver à soie sortir de leurs cocons. Pour tuer le temps, nous faisions quelques parties de tarot, puis nous écoutions le film qui passait alors à la télévision peu avant l'aube. C'était le mois du film québécois, et mon cousin avait fini par remarquer que les acteurs avaient un accent particulier, qu'il imitait avec talent. Un soir, on passa « Les Mâles », de Gilles Carle, et l'histoire, le décor, l'atmosphère, les personnages nous fascinèrent à un point tel que nos parties de cartes furent désormais ponctuées de répliques de ce film culte. Ces Québécois avaient un accent, certes, mais ils possédaient surtout une allure particulière, une démarche assurée, un certain chic, et surtout des visages immédiatement reconnaissables.

En pénétrant dans les locaux du consulat du Canada à Marseille, je ne croisai d'abord que des visages anonymes, probablement de simples Phocéens, puis on m'introduit dans le bureau d'un dénommé Bibeau… À coup sûr un Québécois, comme dans les films. Je trouvais un peu étrange que le nom d'un individu soit gravé sur une plaque de porte, plutôt que la mention Réception, Direction ou Réfectoire. Dans le bureau se trouvait un Monsieur en costume coloré, qui se mit d'emblée à me tutoyer, sans même se lever de son fauteuil. Une vraie tête de Québécois, comme dans nos films préférés, je l'aurais reconnus entre mille, en plein milieu de la Canebière.

Monsieur Bibeau m'accompagna ensuite dans les couloirs du Consulat, et je n'eus aucun mal à reconnaître tous les Québécois que je croisais. Ils avaient, sans exception, un air de famille qui ne trompe pas.

Ce n'est qu'après quelques semaines passées au Québec que je dus me rendre à l'évidence : les Québécois ne se ressemblent pas tous. Mais, après tout, et à force de regarder ces petits croquis, n'est-il pas vrai qu'ils ont un je ne sais quoi de distinct, qui mérite d'être reconnu?

Prochain épisode : Le visage des Québécoises

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