Gaspillage ou supertaxe?
« Cinq mille dollars pour une bouteille de vin! Savez-vous que mon père n'en gagnait pas autant en un an de travail? Non, mais vous imaginez boire un an de paie en une soirée! » (Columbo : Quand le vin est tiré, 1973, réalisateur : Leo Penn)
À première vue, il s'agit d'un exemple typique de la conduite scandaleuse des grands de ce monde, qui se permettent de gaspiller en quelques instants l'équivalent d'une année de labeur du pauvre peuple.
En réalité, le riche paie ici à prix d'or un maigre avantage marginal. Ce qui fait la valeur d'un grand cru ou d'un tableau de maître, c'est plus sa rareté que la quantité de travail nécessaire à sa production. Une lithographie de Picasso ou la première chemise de scène d'Elvis n'équivalent guère qu'à quelques heures passées sur le métier. Verser des sommes astronomiques pour se les procurer revient à payer très chèrement la valeur travail. L'opération s'apparente plus à un transfert de richesse, du riche écervelé vers le brave travailleur, qu'à un potlatch honteux. Elle ressemble à un souper-bénéfice, au cours duquel le bien nanti abandonne une jolie miette de son capital en échange d'un bifteck symbolique.
Bien sûr, il y aurait beaucoup à dire sur la façon dont les revenus sont distribués. Il suffit d'observer qu'une bonne partie de la population est toujours au service de l'autre, comme au temps des Romains; que si certains consomment beaucoup et produisent peu, c'est parce que d'autres hommes sont dans la situation inverse. Il reste que le niveau de vie de la plupart d'entre nous est avant tout le fruit du travail de nos prédécesseurs : agronomes, chimistes, ingénieurs et autres bienfaiteurs de l'humanité. Mais le propos est ici tout autre. Nous sommes dans un motif hollywoodien typique, qui met sur le même piédestal la prodigalité des nababs (l'entourage des producteurs) et l'humble courage des ouvriers (l'entourage des spectateurs), l'une étant objet de fascination et l'autre digne d'éloges flatteurs.
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