2007-02-21

La langue d'Hollywood

Dessin de Rié Mochizuki « I'll be right back! »

Il est rare de voir un film hollywoodien qui ne contienne pas, au minimum, les deux phrases suivantes :
— Let's get outa here.
— Try and get some rest.

À bien y penser, il suffit souvent d'une centaine de répliques du même acabit pour étoffer un scénario. Pour repérer ces répliques, rien ne vaut l'écoute de la version traduite des films hollywoodiens, surtout les plus récents, qui sont aussi les moins bien doublés, rendant les lieux communs plus manifestes. Car, plus les gens connaissent l'anglais, plus la profession de traducteur est encombrée d'adeptes de l'à-peu-près.

Départ

— Let's get outa here.
— Well, what are we waiting for?
— We're wasting our time.
— I've gotta go now.
— Well, I'd better get going.
— I'll be right back.
— You've gotta go on home, this very minute.
— I wanna go home.

Adieux

— I'm gonna miss you. — Me too.
— Take care of yourself.

Rendez-vous

— Don't be late.
— I'll be there.

Rencontre

— Who are ya?

Séduction

— Let's go outside.
— It's beautiful out here, ain't it?… And you're beautiful too.
— But I enjoyed every minute of it.

Fatigue

— Try and get some rest.
— Calm down, now honey, you've gotta calm down.

Repas

— What do we have for dinner?
— Are you through with the butter?

1 commentaire:

Serge Adam a dit...

On peut donc publier nos commentaires?
Le maître des lieux, le duc de Bourestier, n'a pas sa langue dans sa poche. Quant à la machine hollywoodienne, elle y fourre ses "Talk to you later" et les milliards que ça rapporte, imperturbablement, depuis des décennies.
On peut rajouter à l'analyse du maître que le dialogue hollywoodien
est entièrement tourné vers l'action. Il faut cependant préciser que le dialogue humain n'est pas considéré comme une activité en soi, exactement comme dans la vraie vie. Tout dialogue qui n'est pas au service d'une action, donc tout dialogue qui n'est pas accessoire est une dégénérescence intellectualisante.
Le dialogue doit mener au combat ou à la baise, ou plus subtilement aux scènes de luttes ou de larmes. On dit de l'amerloque, que dans la vie, il cherche l'utilité; il faudrait plutôt parler d'ustensilité. La qualité héroïque de tous les films est la technique (de vengeance ou de séduction). Le salut de la vie se trouve dans les moyens. Celui qui parvient à ses fins, quelles qu’elles soient, est un héros.

"Just do it"! Autrement dit, parviens à tes fins, embarque! Ne pense pas à la valeur de tes actions trop longtemps, accomplis ta mission, ne pense pas à ce qu'elle devrait être.
L'omniprésence des larmes et du sang attestent bien de la valeur morale de ce qui constitue la vraie force de la vie: l'action poussée au maximum.
Les Américains n'ont certes pas découvert les attraits de ces grossières attitudes, mais ils les ont taylorisés et rendus accessibles à tout animal potentiellement rationnel.
Je ne suis pas aussi clair que le marquis de Bourre, mais il est agréable de suivre le chemin qu'il nous fraie dans ses billets, où la lucidité ne boude jamais la poésie.