2007-07-06

Le train du Tonkin

Le train Hanoï-Yunnanfu, sur sa voie d'un mètre de large

Ce dimanche, je me suis enrôlé dans une excursion auprès d'une agence de voyage populaire. Il n'y avait donc que des Chinois dans le groupe (17 personnes en tout, dans un minibus dépourvu d'amortisseurs et jamais nettoyé depuis son baptême, à l'époque de grand-père Deng Xiaoping). Le tarif pour la journée correspond à la moitié du billet d'entrée dans la Forêt de pierres, but principal de la visite. En contrepartie, le groupe sera trimballé dans trois ou quatre centres commerciaux pour touristes.

Le guide commence par raconter une histoire drôle, interminable, afin de briser la glace, puis il propose à tout le monde de se présenter. Je viendrai en dernier, étant assis tout au fond, à côté d'une dame shanghaïenne, qui ne parle pas le mandarin, et qui a tenu à engager avec moi un dialogue de sourds à propos de la fenêtre.

Il faut rappeler qu'ici, dans la province du Yunnan, une des ethnies les plus importantes est l'ethnie Yi (anciennement les soi-disant terrifiants Lolo de la Longue Marche). Les Yi étaient partagés en deux clans, les Blancs et les Noirs (ces derniers étant autrefois exploités par les premiers). Évidemment, la couleur de la peau n'a rien à voir avec cette classification. Quand mon tour vient, notre boute-en-train de guide, constate : « Nous sommes tous des Noirs ici, mais, au moins, on a Blanc dans le groupe. Et tout le monde sait qu'il est préférable d'être Blanc et qu'une fille Noire gagne à épouser un garçon Blanc, et si possible Huahua gonzi (playboy). » Tout le monde se met à rire, un peu à mes dépens. Mais quand je me présente, le guide s'exclame : « Maintenant, d'après votre accent, qui est meilleur que le mien en passant, je suis sûr que vous n'êtes pas Américain. Je crois que vous êtes Français. » Alors, la foule pousse un « Ah! » d'admiration. Car il existe de nombreux pays où les Français sont admirés, quoiqu'en pensent certains Hexagonaux neurasthéniques, surtout ceux qui se prétendent de gauche. À partir de ce moment, tout le monde se fend en quatre pour me rendre service pendant toute l'excursion. On dit que les Chinois aiment qingke (se montrer hospitaliers). Et chaque fois qu'on aperçoit, au détour de la route, le chemin de fer Hanoï-Yunnanfu, tout le monde se tourne vers moi avec reconnaissance.

Le grand-père Fermé aurait-il contribué, il y a près d'un siècle, à la construction de cette ligne qui reliait le Tonkin au Yunnan? C'est fort possible, car Marcel Auguste Fermé avait créé son propre chemin de fer privé dans la plantation d'hévéas qu'il exploitait avec son ami Boy.

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