Les manuels d'histoire: vérité ou mensonge?
Les manuels d’histoire ne disent jamais la vérité, c’est bien connu. Chacun envisage l’histoire à sa manière, et plus les peuples sont « Grands », plus ils ont tendance à truquer leur passé. Mais dans certains cas, il existe une histoire mondialisée, unanime, presque officielle, largement diffusée par les médias. Une histoire « politiquement correcte ». Les journalistes la colportent… ils la tiennent d’autres journalistes, ou du cinéma. À quoi bon vérifier à la source quand tout le monde est d’accord! L’histoire est vraie du moment que l’immense majorité y adhère. L’histoire démocratique prend le pas sur l’histoire scientifique. Et les rabat-joie qui s’avisent de contredire le consensus ne peuvent être que des négationnistes ou des intellectuels obnubilés par l’idéologie. On les ignore républicainement.
Un des thèmes à la mode, en cette première décennie du XXIe siècle est celle du révisionnisme japonais. Les manuels scolaires nippons passeraient sous silence les crimes de la deuxième guerre mondiale et le Japon refuserait obstinément de s’excuser pour les atrocités commises il y a déjà deux ou trois générations. L’attitude du Japon est non seulement condamnée jour après jour dans les médias sud-coréens et chinois, mais la réprobation peut même prendre la forme d’une résolution au Congrès américain (30 juillet 2007).
Toutes ces bonnes gens ont peut-être raison – disons, par prudence, qu’ils ont probablement raison – mais nous avons quand même eu la curiosité de feuilleter quelques livres d’histoire à l’usage des écoliers japonais et chinois. Comme le soulignait le sage Lamuzi, « le fruit cueilli sur la branche est toujours plus frais que celui qui se retrouve dans la confiture, quoi qu’en dise l’étiquette collée sur le pot ». Notre échantillon de livres est plutôt restreint, mais assez typique de ce que nous avons pu observer. Nos lecteurs tireront leurs propres conclusions, c’est-à-dire qu’ils auront la certitude d’en savoir moins après qu’avant de nous avoir lus.
Nos sources
Le sac de Nankin (version chinoise)
强盗进城,南京人民可遭殃了!
Les bandits [japonais] entrent dans la ville. Le peuple de Nankin va souffrir.
惨色人寰的大屠杀
日军进入古都南京后,在华中派遭军司令松井石根和第六帅图长谷寿夫的指挥下,对南京居民进行了血腥屠杀。日军以杀人为娱乐,竟用砍刀比赛杀人的多少。长达6星期的大屠杀使南京笼罩在腥风血雨里,日军共杀害了30万中国同胞,被强奸的妇女不计其数。
Un massacre d’une cruauté inouïe
Lorsque l’armée japonaise pénétra dans la vieille capitale de Nankin, sous les ordres du commandant de l’Armée de Chine centrale, Matsui Iwane, et du commandant en chef des opérations terrestres, Tani Hisao, elle entreprit un massacre sanguinaire de la population. Après s’être divertie à assassiner des civils, l’armée japonaise se livra même à des tournois de décapitation. Pendant les six semaines que dura le grand massacre, ce fut un bain de sang continuel pour Nankin. En tout, l’armée japonaise tua 300 000 de nos compatriotes, et un nombre incalculable de femmes furent violées.
Vocabulaire
Le sac de Nankin (version japonaise 1)
1. Durant l’occupation de la capitale chinoise Nankin, de nombreux citoyens chinois furent massacrés par l’armée japonaise.
2. Premier soldat : Je me suis perdu.
Deuxième soldat : Je veux vite rentrer au Japon.
On note que l’expression utilisée en japonais (虐殺 ぎゃくさつ gyakusatsu : massacre, atrocités, tueries massives) correspond largement au terme chinois (屠杀 túshā : massacre). Le manuel parle donc explicitement du massacre de Nankin et non pas de « l’incident de Nankin » (japonais 事件 じけん jiken : incident, troubles, scandale; chinois 事件 shìjiàn : incident, événement, affaire).
Le sac de Nankin (version japonaise 2)
Ce second manuel japonais, par contre, aborde la guerre sino-japonaise de façon très succinte. Seuls les grands événements et les principaux personnages sont évoqués. On n'y retrouve aucune référence aux crimes de guerre.
Comme le précédent manuel, celui-ci s'adresse explicitement aux élèves des 4e, 5e et 6e année du cycle primaire.
Dans un prochain billet, nous comparerons la façon dont les deux pays traitent la question de la bombe d'Hiroshima.
2 commentaires:
お久しぶりです、レナ先生!
J'ai vu une erreur dans le texte, qui laisse planer un anachronisme gros d'à peu près 200 ans. La première décennie du XIXe siècle = 1801-1810.
Il me semble que le Japon n'avait pas d'écoles publiques et encore moins des manuels d'histoire.
Mis à part cela, merci d'avoir publié un exemple bien concret, c'est bien de voir les textes et non de se fier sur la parole seulement. Je peux aussi dire que j'ai appris le bon caractère pour le "gyaku" dans "gyakusatsu", je croyais que c'était 逆.
La Chine, c'était comment ? Toujours le fun, toujours là ou de retour ?
Bonjour Kintarō, et merci pour la correction
En fait, il existait déjà un système scolaire au Japon pendant la période d'Edō (avant 1867). Les hankō (藩校) étaient des écoles régionales réservées à l'origine aux samouraïs et ouvertes ensuite aux enfants de bonne famille. Le bas peuple (庶民 shomin) pouvait fréquenter les écoles des monastères (寺子屋 terakoya). Puis il y avait les juku (塾) ou cours privés, qui existent toujours. Je tiens ma source des même livres d'histoire destinés aux enfants.
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