2007-09-19

Le guitariste

Bái Lìdé joue dans l'orchestre Korak en 1975, sous le nom de Rajko. C'est même lui qui a choisi les uniformes.

Ma grand-mère m'écrivit jadis, dans une de ses lettres, que la musique demande « un enchaînement particulier de neurones ». Bref, il fallait être pourvu d'un talent minimal… et ce n'était pas mon cas.

Je m'étais pris de passion pour la guitare à 18 ans, après avoir découvert une grille d'accord sur l'emballage d'une orange. Après deux ou trois ans de pratique acharnée, j'avais fondé mon propre orchestre et j'espérais même vivre de la musique. Par chance, il n'est resté aucun enregistrement de nos performances de l'époque.

Au fond, Grand-mère avait raison. bientôt cinq ans de guitare et à peu près aucun progrès. Il faut se rendre à l'évidence, je ne suis pas suffisamment doué pour la musique.

Mais le destin nous joue parfois des tours. Parti un beau matin de Marseille, je me retrouvai bientôt à Ottawa, par le plus grand des hasards, avec une valise défoncée, ma vieille guitare, et 300 dollars en poche. Peu après mon arrivée, je fus miraculeusement recruté comme guitariste d'accompagnement par un as de l'accordéon, né à Niagara de parents serbes. J'obtins ainsi mon premier métier d'immigrant, et la clé de mon intégration.

Vingt ans après ses débuts de guitariste, Bái Lìdé se produit dans un bistrot cubain sous le nom de Rey (de los corazones). Le charmant jeune homme, qui laissait tant de filles indifférentes, est devenu un monsieur bronzé à moustache, et à groupies.

Conscient de mes limites, j'ai délaissé la guitare après la dissolution de l'orchestre balkanique. Désormais, je me contentais de gratouiller pour la galerie, de moins en moins bien. Mais, curieusement, les femmes m'appréciaient de plus en plus. La vie est un troublant mystère.

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