2007-01-28

Dialogue entre une Libanaise et une Japonaise

Certains rites et tabous de nos ancêtres nous font aujourd'hui sourire, mais d'autres sont si profondément ancrés que nous ne pouvons nous résoudre à les remettre en question. Ils ont le plus souvent pour but de perpétuer la structure sociale en assignant à chacun et chacune un rang bien précis. Ils marquent généralement le passage de l'enfance à l'état d'adulte, mais le rituel d'initiation est parfois devancé ou multiplié : à l'âge de raison (première communion), voire à la naissance (baptême). Puisqu'ils sont reliés à la puberté et à la différenciation entre hommes et femmes, ces rites sont souvent de nature sexuelle, mais les tabous alimentaires ne manquent pas non plus d'intéresser de nombreux peuples.

Quelle est notre attitude face à ces rites et tabous, dont il ne reste parfois que des traces symboliques (eucharistie, initiation scolaire)? Quand ils appartiennent aux autres peuples, pas de problème : nous les considérons comme de simples curiosités tribales. Mais quand ils sont nôtres et qu'il nous coûte de nous en défaire, nous sommes bien obligés de leur trouver un fondement pseudo scientifique. C'est ce que nous avons pu constater en écoutant dialoguer une Libanaise et une Japonaise, modernes et adeptes de la rationalité. (Les expressions entre crochets ont été rajoutées par nous).

— Voici l'explication [presque officielle] du port du voile, de la circoncision et du tabou de la viande de porc. On sait que le cochon transporte de nombreux parasites, peut-être pas en Occident mais sûrement dans les pays chauds et désertiques. Bref, en interdisant la consommation de porc, on favorisait l'hygiène publique. La circoncision, en plus de ses qualités esthétiques évidentes, permettait d'éviter nombre d'infections, surtout dans des pays où l'eau était rare [on ne connaît pas le taux d'échec de ces opérations artisanales]. Quant au voile, il permettait à l'homme de vaquer à son travail sans être constamment perturbé par la vision de la femme tentatrice. On dit aussi que la chevelure est un symbole sexuel trop évident pour que la femme l'exhibe sans retenue [on ne sait trop quoi penser de la moustache en dessous du nez de l'homme].

— Jusqu'à Edo [avant l'ouverture à l'Occident, en 1867], il pouvait paraître insensé de se percer soi-même la peau, ne serait-ce que pour y loger des boucles d'oreille. Seul le samouraï pouvait se résoudre à se transpercer le corps, à la toute dernière extrémité, pour s'enlever la vie. [Par contre, on pouvait sabrer l'ennemi ou mutiler le condamné.] Dans ces conditions, la circoncision apparaît comme une pratique incompréhensible, et ses résultats plutôt choquants qu'esthétiques. Au pays du Soleil levant, il faut signaler que les tabous sexuels n'étaient pas aussi omniprésents que dans d'autres sociétés. Mais, comme ailleurs, le passage de l'enfance à la vie adulte était marqué par des rites sociaux. La jeune fille modifiait sa coiffure et adoptait le chignon. Le garçon coupait les mèches qui lui pendaient sur le front et se rasait la partie antérieure des cheveux (gempuku). [Pour prouver sa virilité nouvellement acquise, nul besoin alors de sauter d'un arbre avec une corde à la cheville (comme en Nouvelle-Guinée), ni de se décorer le visage de cicatrices (comme en Afrique centrale), ni de se faire taillader le gland (comme chez certaines tribus australiennes).] Au Japon, et dans les pays voisins, le sanglier, cet être puissant et mystérieux de la forêt, a droit à l'un des douze signes du zodiaque. Comme dans le reste de l'Extrême-Orient, le porc et la volaille sont les deux viandes les plus répandues, dans les provinces chaudes encore plus que dans les froides.

Après avoir écouté ces points de vue antipodiques, il ne nous reste plus qu'à dépister nos propres tabous, chose d'autant plus difficile que ces trucs insidieux ont l'art de rester invisibles à leurs propriétaires. Au fait que resterait-il de l'homme si on le dépouillait de tous ses rites, symboles et tabous?

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Il m'apparait que notre société se défait déjà de ses rites, rituels, etc. Les conséquences qui en découlent sont un nihilisme évident, une indifférence croissante pour les affaires du peuple - disons la politique-, une forte tendance à l'imitation, c'est-à-dire un comportement de recherche de soi à travers les rites des autres cultures. On remarque que le peuple québécois est très enclin au voyage, à la découverte d'autrui (sans sombrer dans une erreur irrationnelle de pseudo-logique), dû sûrement au fait que mes québécois perdent petit à petit l'identité qui les resserent entre eux. Ce n'est qu'une opinion