2008-04-23

Souvenirs d’un voyage dans le Thibet

La couverture de « Souvenir d’un voyage dans le Thibet », R-E Huc, Librairie générale française, 1962.

Les passages ci-dessous sont extraits de « Souvenir d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet pendant les années 1844, 1845 et 1846 » par R.E. Huc, missionnaire lazariste. Nous avons conservé la transcription romanisée de l’époque. Les notes entre crochets, qui contiennent notamment les versions modernes des caractères chinois et de leur romanisation, ne font pas partie du texte original : elles ont été rajoutées par nous. On trouve aujourd’hui la version intégrale de ce livre passionnant sur le site de l'UQAC.

Présentation : En octobre 1846, les pères Huc et Gabet arrivent à Macao, après un périple de près de trois ans qui les a conduit de Pékin au Thibet, en passant par la Tartarie mongole. À leur arrivée à Lha-Ssa, but principal de leur voyage, les deux « lamas » occidentaux furent d’abord reçus par le régent thibétain ou nomekhan, qui sut apprécier leur science et leur connaissance des langues chinoise, mongole et tibétaine. Puis on les présenta à l’ambassadeur chinois ou kin-tchai, ou amban, qui n’était autre que le fameux noble mandchou Kichàn (琦善 Qishan, 1790-1854), ex-vice-roi de Canton succédant à Lin Tzesü (林则徐 Lin Zexu, 1785-1850) après la défaite de la guerre de l’Opium (1840). Kichàn était tombé en disgrâce après avoir signé le traité concédant la ville de Hongkong à l’Angleterre, mais il occupa par la suite quelques postes officiels dont celui de résident impérial à Lha-Ssa, au moment du séjour des deux prêtres français. Même s’il dit beaucoup de bien de la sagesse de Kichàn durant la guerre de l’opium, le père Gabet accorde manifestement ses préférences aux autorités tibétaines.

La trente-cinquième année du règne de Kièn-Long [乾隆 Qian Long, 1711-1799; il s’agit de l’année 1769], la cour de Pékin avait à Lha-Ssa deux Kin-Tchai, ou ambassadeurs. (…) Depuis quelques temps, d’ailleurs, les deux mandarins chinois donnaient, par leur conduite, de l’ombrage aux Thibétains : ils s’immisçaient tous les jours de plus en plus dans les affaires du gouvernement, et empiétaient ouvertement sur les droits du talé lama. Enfin, pour comble d’arrogance, ils faisaient entrer de nombreuses troupes chinoises dans le Thibet, sous prétexte de protéger le talé lama contre certaines peuplades du Népal, qui lui donnaient de l’inquiétude. L’opposition du gouvernement thibétain fut, dit-on, terrible, et le Nomekhan employa tous les ressorts de son autorité pour arrêter l’usurpation des deux Kin-Tchai. (…)

[Le Nomekhan est ensuite assassiné alors qu’il est en conférence au palais des ambassadeurs chinois.]

La ville tout entière fut aussitôt soulevée, on courut aux armes de toutes parts, et l’on se précipita tumultueusement vers le palais des Kin-Tchai, qui furent horriblement mis en pièces. La colère du peuple était si grande qu’on poursuivit indistinctement tous les Chinois; on les traqua partout comme des bêtes sauvages, non seulement à Lha-Ssa, mais encore sur tous les autres points du Thibet où ils avaient établi des postes militaires. On en fit une affreuse boucherie. Les Thibétains, dit-on, ne déposèrent les armes qu’après avoir impitoyablement poursuivi et massacré tous les Chinois jusqu’aux frontières du Yunnan et du Ssetchouan. (p. II-266)

Le talé lama [dalaï lama] est le chef politique et religieux de toutes les contrées du Thibet; c’est dans ses mains que réside toute puissance législative, exécutive et administrative. Le droit coutumier et certains règlements, laissés par Tsong-Kaba [réformateur du lamaïsme, 1357-1419], servent à le diriger dans l’exercice de son immense autorité. (…)

Après le talé lama, que les Thibétains nomment aussi quelquefois Kian-Ngan-Remboutchi (souverain trésor), vient le Nomekhan ou empereur spirituel. Les Chinois lui donnent le nom de Tsan-Wang [藏王 zang wang], roi du Thibet. Ce personnage est nommé par le talé lama, et doit être toujours choisi parmi la classe des lamas chaberons. Il conserve son poste pendant toute sa vie, et ne peut être renversé que par un coup d’État. Toutes les affaires du gouvernement dépendent du Nomekhan et de quatre ministres nommés Kalons. (p. II-272-273)

Le quatrième de couverture indique l'itinéraire des pères Huc et Gabet.

1 commentaire:

Benjamin Taunay a dit...

Salut 白立德,
Merci d'avoir mis la référence en ligne de ce fabuleux livre que je découvre avec merveille un peu plus chaque soir.
Grâce à toi, je rêve tous les jours !

Amitiés.

杜鹏飞