2008-07-08

La flamme sacrée

Guilin
Photos: Renaud Bouret

Les Chinois sont très fiers de la tenue des Jeux olympiques sur leur sol et ils ignorent le plus souvent les évènements fâcheux ayant entouré le parcours de la flamme dite «sacrée» (神炬 shén jù) à l'étranger, seuls les incidents parisiens ayant été largement diffusés par les autorités.

L'entrée du parc Fubo, à Guilin

Les symboles olympiques sont partout présents, dans les lieux publics comme à la télévision. Ici, devant le cornet rouge et blanc, qui n'est autre que la torche olympique, se dressent cinq animaux représentant les cinq principales ethnies chinoises. L'animal en jaune (devenu orange pour diverses raisons linguistiques et politiques) est un yak tibétain.

La Chine a connu son lot de difficultés cette année: les tempêtes de neige du Nouvel an, qui ont bloqué des millions de voyageurs dans les gares et les aéroports; les émeutes du Tibet, qui ont profondément choqué les Chinois de l'ethnie majoritaire Han; le tremblement de terre du Sichuan, qui a suscité un vaste élan de solidarité. Il faut ajouter à cela le problème plus terre à terre de l'inflation, qui pèse lourdement sur le niveau de vie des «masses populaires».

Un jeune olympien à l'entraînement

Dans ce contexte, comment concilier le deuil du tremblement de terre et le triomphalisme de la flamme sacrée? Les grandes affiches qui ornent ce mur nous proposent une solution. Le panneau de gauche (lettres blanches sur fond rouge) émet le souhait que «la torche olympique éclaire la reconstruction des régions sinistrées» (让奥运火炬燃起灾区重建的希望 ràng Àoyùn huǒjù ránqǐ zāiqū chóngjiàn de xīwàng). Le panneau de droite (lettres rouges sur fond blanc) clame haut et fort: «Allez les Jeux! Allez la Chine!» (奥运加油!中国加油! Àoyùn jiāyóu! Zhōngguó jiāyóu )

Le pays n'a jamais compté autant de héros. En plus des patriotes et résistants qui pullulent depuis toujours dans les manuels scolaires, on a aujourd'hui les champions sportifs et les soldats sauveteurs. Tous ces héros, issus d'un milieu modeste, font rougir de fierté le drapeau national. Les héros, par définition, connaissent une fin exceptionnelle: la fortune pour les sportifs, la mort pour les autres.

Visitons le site de Radio Canada...
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Malgré les incidents entourant le parcours de la flamme olympique à Paris, où l'on a vu un jeune Chinois d'outremer essayer d'arracher la torche des mains d'une sportive chinoise handicapée, pendant que les gardiens chinois de la flamme sacrée s'étaient mystérieusement éclipsés avec leurs lunettes noires, la France a toujours la cote en Chine.

Selon les stéréotypes officiels, les Français sont romantiques, les Anglais rigides, les Allemands soigneux, les Américains libres et les Japonais cruels. L'anglais est la langue des affaires et le français la langue de la culture. Dans les autocars de touristes chinois, le guide a coutume de demander à chaque voyageur sa province d'origine, et le reste de la troupe s'empresse d'applaudir. Parmi les quelques laowai (étrangers) qui se faufilent dans ces excursions — bien meilleur marché que celles pilotées par des guides bilingues — les Français obtiennent généralement le meilleur score à l'applaudimètre.

Un seul Chinois s'est montré hostile à la France lors de l'enquête sur le tourisme. Il prétendait avoir vécu un an à Paris — quoiqu'il ne puisse prononcer un mot de français — et rencontré des indigènes peu affables. Comme le disait un diplomate américain, «Je veux bien que les étrangers parlent une langue étrangère, mais au moins qu'ils parlent tous la même.»

Et le Canada dans tout ça? Le Canada, c'est bien, c'est grand, c'est propre. C'est comme les États-Unis, mais avec plus d'espace et moins de politique extérieure. Officiellement, le Canada fait partie des cinq pays anglophones, avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ceci n'est pas entièrement faux puisque les bureaux d'Air Canada en Chine ne fournissent aucun service en français à leurs compatriotes québécois, que ce soit par téléphone ou sur leur site Internet. Beaucoup de Chinois connaissent l'existence du Québec, et, chez eux, on distingue deux types de perceptions. Les uns pensent que, comme les Chinois de province, les Québécois utilisent tous une vraie langue (l'anglais) dans la vie publique, et gardent leur 方言 (fāngyán: patois) pour leurs activités privées. Les autres sont au courant de la question nationale, et appellent souvent les Québécois des 法国人 (Fǎguórén: Français), faute d'un nom plus prononçable et plus explicite. Les Québécois qui se font appeler «Canadiens» (加拿大人: Jiānádàrén) sont perçus comme des Anglais.

En attendant, le site Internet de Radio Canada, commanditaire officiel des Jeux olympiques de Pékin, est toujours censuré en Chine, à moins d'un mois de la cérémonie d'ouverture. Le Ministère des Affaires étrangères du Canada ne semble pas trop se préoccuper de la situation, puisque le problème perdure depuis déjà un an.

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