2007-03-31

Bouc émissaire

Le bouc émissaire de Cargese
Dessin de Renaud Bouret - 2006

Dans son numéro d'avril 2007, la revue marxiste américaine Political Affairs publie un article intitulé : Quand tout s'écroule - La Chine et le déclin de l'impérialisme américain. On y apprend que 2007 marquera un tournant historique dans la « crise de l'impérialisme américain ». Toujours selon la revue, pendant que les États-Unis s'embourbent en Iraq, la Chine accumule mille milliards de dollars de réserves en devises, de quoi mettre sur pied un FMI et une Banque mondiale parallèles... avec l'aide de Cuba!

Dans la version chinoise de l'article, le titre est devenu 中国成美国衰落的替罪羊, ce qui signifie : La Chine est devenue le bouc émissaire d'une Amérique en déclin

1. 中国 Zhōngguó Chine
2. chéng devenir
3. 美国 Měiguó États-Unis
4. 衰落 shuāiluò décliner, déclin
5. de de
6. 替罪羊 tìzuìyáng bouc émissaire
7. remplacer, à la place de
8. zuì péché, crime
9. yáng mouton, chèvre

L'expression « bouc émissaire » provient de la bible : chaque année, on envoyait (émissaire) dans le désert un bouc chargé symboliquement de tous les péchés d'Israël. L'expression anglaise « scapegoat » a la même origine, sauf que le bouc semble prendre l'initiative de sa fuite (il s'échappe). Le terme chinois est plus près du sens original, puisqu'il est question d'un bouc qui endosse les péchés.

Il peut paraître étrange que les chinois utilisent le même mot pour chèvre et mouton (comme ils le font pour rat et souris). Mais n'agit-on pas de la même façon en français quand on parle d'un ours, d'un renard ou d'une antilope, puisqu'on fait chaque fois référence à plusieurs espèces animales bien distinctes? Lorsque nécessaire, on peut toujours distinguer, en chinois, la chèvre à fil de soie (le mouton) et la chèvre de montagne (la chèvre proprement dite).

1. 绵羊 miányáng mouton
2. 山羊 shānyáng chèvre
3. mián fil de soie, moelleux
4. shān montagne

Il existe en chinois un mot qui ressemble à bouc émissaire : 赎罪羊 (shúzuìyáng), littéralement « racheter-péchés-mouton ». C'est donc « l'agneau qui enlève les péchés du monde ». Les Japonais disent 贖罪の羊 (shokuzai no hitsuji). (Note: est le caractère chinois simplifié correspondant à .) Étant donné que le mot japonais est attesté depuis 1835, il se peut qu'il soit à l'origine du mot chinois, comme cela est le cas dans bien des néologismes du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Le processus est le suivant : les Japonais créent un nouveau mot à partir de caractères kanji (d'origine chinoise), et les Chinois adoptent le mot, non pas à travers sa prononciation mais à travers sa graphie.

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