Le taux de mortalité des adolescents et des adolescentes
Dans un billet précédent, nous rapportions les propos tenus lors d'une émission de Télé-Québec sur la condition des filles en Chine. Lorraine Pintal y affirmait notamment que « quand la fille naît malgré tout il y ait des traitements comme moins de nourriture, moins de vitamines, pas d'accès à l'éducation, et donc un taux de mortalité chez les adolescentes effarant, en fait le titre était, je crois, cent millions de femmes manquant. »
Or, il est notoire que, chez presque tous les peuples, la mortalité des garçons dépasse nettement celle des filles à l'adolescence, ne serait-ce qu'à cause d'un plus grand risque d'accidents et de suicides. Cela est presque aussi connu que le fait que le nombre de naissances masculines dépasse, chez l'être humain, celui des naissances féminines (à 105 contre 100). Tous ceux qui possèdent quelques rudiments de Démographie 101 le confirmeront.
Nous nous proposons de vérifier ici, à l'aide d'une source sûre, l'affirmation selon laquelle le « taux de mortalité chez les adolescentes [chinoises est] effarant ». Le graphique ci-contre indique la probabilité de mourir à un certain âge pour chaque sexe. On peut y constater, par exemple, que 1 % des hommes devraient mourir entre l'âge de 95 et 99 ans, et que 19,5 % des femmes devraient mourir entre l'âge de 80 et 84 ans. La somme de tous ces pourcentages donne évidemment 100 % pour chacun des sexes, seule la distribution varie.
Qu'en est-il des adolescents chinois? Les chiffres sont clairs. Les chances de mourir sont deux à trois fois plus élevées pour les garçons que pour les filles, entre 15 en 19 ans. C'est un phénomène auquel la Chine est loin de faire exception. L'affirmation de Lorraine Pintal est donc totalement dénuée de fondement et ne peut s'expliquer que par un préjugé solidement ancré, puisque aucun des journalistes présents à l'émission de Télé-Québec n'a songé à la contredire.
Qu'en est-il dans un pays soi-disant « normal », comme le Canada, par exemple? On y retrouve, bien entendu, le même déséquilibre entre les sexes à l'adolescence. Par contre, lorsqu'on compare le Canada à la Chine, on y constate un fait étonnant. Alors que le taux de mortalité infantile est nettement plus élevé pour les garçons que pour les filles au Canada, la situation est diamétralement opposée en Chine. Cette fois, on est en droit de se poser de sérieuses questions (ça pourrait faire l'objet d'une prochaine émission, un peu plus sérieuse, à Télé-Québec).
Dans de telles conditions, les méchants réacs n'ont pas grande difficulté à l'emporter sur les gentils progressistes.
Le sujet du déséquilibre des sexes revient souvent dans les médias depuis un an ou deux, mais bon nombre d'articles sont gâchés par des erreurs méthodologiques et des statistiques fantaisistes. Comme cela est souvent le cas dans ce genre de débat, on trouve d'un côté les réalistes, qui savent compter mais qui se taisent, et de l'autre les idéalistes, qui dénoncent sans se donner la peine de se fatiguer les méninges. En voici une illustration toute récente : « Car une autre menace démographique fait lentement son apparition : la perturbation du ratio naturel entre fille et garçon. De l’ordre de 98 naissances masculines pour 100 naissances féminines, ce ratio est en effet grandement menacé par deux facteurs totalement distincts et a priori sans aucun rapport : les dérèglements biologiques et la sélection artificielle après la naissance. » (Source : Agora Vox, 2 janvier 2008.)
Comme nous le disions un peu plus haut, le ratio naturel est de 105 naissances masculines pour 100 naissances féminines. Le chiffre de 98 pour 100, cité par Agora Vox, est probablement hérité d'une légende urbaine bien tenace, qui ressemble un peu au mythe voulant que le Québec compte 52 % de femmes.
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